Ile Maurice: Opportunités et préoccupations pour l'avenir du marché du travail

Sommes-nous à l'aube d'une nouvelle vague d'émigration des Mauriciens, en particulier des jeunes, vers l'étranger ? Cette question se pose alors que la récente annonce budgétaire a ouvert la porte à un accueil illimité de travailleurs étrangers dans des secteurs tels que la manufacture, la joaillerie, le port franc, et les technologies de l'information et de la communication, suscitant des inquiétudes quant à un éventuel afflux excessif. Les syndicats proches des travailleurs étrangers s'expriment.

Craignant que cette mesure budgétaire n'encourage non seulement une main-d'oeuvre bon marché, mais aussi son exploitation, de nombreuses personnes ont répondu, samedi, à l'appel des groupes syndicaux pour manifester pacifiquement dans les rues de Port-Louis. Ashok Subron, de la General Workers Federation, a énuméré 12 revendications que les syndicats comptent envoyer au gouvernement pour qu'il revoie sa politique de recrutement d'une main-d'oeuvre 100 % étrangère.

«Nous demandons le gel de la nouvelle politique de recrutement des travailleurs étrangers jusqu'aux prochaines élections générales. Nous réclamons la création d'une institution ou d'un Ombudsman de l'immigration. Nous demandons également le maintien de l'actuel système de quotas dans les entreprises pour les travailleurs étrangers.»

Doit-on craindre un surplus de travailleurs étrangers à Maurice dans les prochaines années ? «Certainement pas», affirme Reeaz Chuttoo, président de la Confédération des travailleurs des secteurs public et privé (CTSP). «Il ne faut pas voir les travailleurs étrangers comme des envahisseurs. À la CTSP, les travailleurs étrangers sont avant tout considérés comme des êtres humains. Nous ne devons pas céder à l'agenda du système capitaliste où les capitaux et les marchandises circulent librement alors que les êtres humains n'en ont pas le droit. Nous ne sommes plus à l'époque de l'esclavage.»

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Si les jeunes Mauriciens souhaitent tenter leur chance au Canada, ils sont libres de le faire. «Dans un futur proche, le nombre de travailleurs étrangers pourrait même dépasser notre population. Ce phénomène n'est pas une fuite des cerveaux, mais une dépopulation. Parmi les jeunes qui quittent le pays, certains ne sont pas nécessairement qualifiés et des travailleurs manuels aussi s'en vont. Nous faisons partie des dix pays ayant le taux de natalité en déclin le plus rapide au monde. Le ratio actuel est de 1:3, alors qu'il faudrait atteindre 1:5 par femme pour stabiliser la population, ce qui est quasiment impossible.»

Selon Reeaz Chuttoo, tout devrait être mis en oeuvre pour que ces travailleurs étrangers bénéficient des mêmes droits économiques, sociaux et politiques que les Mauriciens. Certes, la demande actuelle conduit les employeurs à préférer les travailleurs étrangers, qui coûtent dix fois moins cher qu'un Mauricien. «Il faut savoir que les employeurs ne paient pas le Portable Retirement Gratuity Fund pour les travailleurs étrangers, ce qui équivaut à 4,5 % des rémunérations mensuelles, soit environ 7 % du salaire de base. De plus, les employeurs bénéficient d'une exonération de la Contribution sociale généralisée pendant six mois, voire deux ans si la personne travaille dans la zone franche. Plusieurs employeurs sous-déclarent leurs travailleurs, les enregistrant comme maçons alors qu'ils effectuent des travaux électriques.»

Faisal Ally Beegun, président de la Textile Manufacturing and Allied Industries Workers' Union, soutient que les travailleurs étrangers ne sont pas une menace pour le pays. «Il ne s'agit pas de paresse de la part des locaux, mais il y a des métiers que les Mauriciens ne veulent pas exercer.» Il prend comme exemple le secteur manufacturier : «Il faut commencer à 7 h 30 et travailler jusqu'à 15 h 15. Si l'on demande à l'employé de faire des heures supplémentaires, il termine vers 21 heures. Sans oublier les samedis où le personnel peut travailler jusqu'à 15 heures.»

Outre les heures prolongées, il souligne les conditions environnementales : «Les entreprises ressemblent à des prisons ; les employés doivent acheter leurs repas à travers les clôtures.» Il évoque également les conditions de travail dans le transport public : «Ils restent presque enfermés dans une cabine toute la journée, mangeant même leur repas assis derrière leur volant. Il faudrait revoir les lois encadrant ceux qui évoluent dans ce secteur. Les jeunes ne veulent pas y travailler, et il est probable que les compagnies devront se tourner vers les travailleurs étrangers.»

Selon Faisal Ally Beegun, il est impératif que les autorités envisagent une solution pour éviter la dévaluation de la roupie. «Cette mesure pourrait dissuader les Mauriciens à chercher du travail à l'étranger. Lorsque nous allons au supermarché ou à la pharmacie, nous constatons que les prix ne cessent d'augmenter.» Il ajoute que les lois actuelles régissant le monde du travail doivent être plus favorables aux travailleurs.

«Il faut mettre fin à l'exploitation des travailleurs, en particulier des étrangers, qui dure depuis plus de 30 ans. Est-ce que les conditions de vie resteront les mêmes pour ces travailleurs dans des secteurs comme l'agriculture, l'hôtellerie ou la manufacture ? On espère que le pays ne sera pas pointé du doigt pour trafic humain.» Il rappelle les arrestations survenues ces derniers mois, où les policiers de l'immigration ont embarqué des travailleurs illégaux aux petites heures du matin. «Pourquoi les autorités n'agissent-elles pas de la même manière lorsqu'il s'agit des trafiquants de drogue ?»

Bien que les travailleurs étrangers puissent répondre aux besoins de recrutement dans certains secteurs, il est crucial de garantir qu'ils bénéficient des mêmes droits et protections que les travailleurs mauriciens, et de ne pas les exploiter.

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