Madagascar: "C'est pas mon langue"

Le général Richard Ravalomanana avait raison. On l'a pris comme donneur de leçon quand il a souligné que le président de l'Assemblée nationale par intérim n'avait pas à faire son discours en français. Le président du Sénat a martelé qu'un discours en langue maternelle devait suffire.

Hier, le doyen des députés de la nouvelle Chambre basse s'est évertué à s'exprimer dans un français primaire après une intervention en malgache. Le député de Mandoto a créé l'hilarité de toute la salle et le sarcasme des réseaux sociaux. Visiblement, il n'a pas fait de longues études et la lecture n'est pas son exercice de prédilection. Mais on ignore qui lui a soufflé de procéder à cette entreprise risquée et inutile.

Ne pas savoir s'exprimer en français reste un complexe pour beaucoup et la maîtrise de la langue de Molière constitue une référence académique et une expression de réussite pour une partie de la société. Certes, pour un député, il lui sera difficile de débattre de la loi de finances ou d'autres projets ou propositions de loi dont la plupart sont libellées en français. Mais c'est la faute aux législateurs et de ceux qui ont décidé de faire du français la langue officielle. Au Rwanda, tous les papiers administratifs et toutes les lois sont écrits en kinyarwanda, la première langue officielle.

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Le français, deuxième langue, est totalement éclipsé dans l'enseignement. Et le pays va plutôt bien sans utiliser le français. Mieux, le Rwanda est considéré comme l'un des pays à forte croissance en Afrique. Moralité de l'histoire, s'il suffit d'abandonner le français pour accéder au développement durable, qu'est-ce qu'on attend ?

Pourquoi en vouloir au doyen des députés ? S'il s'est fait élire, c'est qu'il a la totale confiance de ses concitoyens qui l'ont certainement choisi pour d'autres valeurs et qualités comme la probité, le patriotisme, l'engagement qui sont beaucoup plus importants que la maîtrise du français. Certes, un député est censé pouvoir débattre, avancer des arguments, maîtriser les paramètres et agrégats économiques mais tout cela peut se faire dans la langue maternelle et on ne peut pas exiger d'un élu plus que le niveau maximum que l'enseignement dans sa localité lui permet d'atteindre.

Il ne faut pas oublier que beaucoup de communes n'ont pas encore d'écoles dignes de ce nom, manquent d'enseignants, sans oublier que les enfants font parfois des kilomètres à pied par monts et par vaux pour assouvir leur soif de connaissance. C'est certainement pour réclamer une amélioration de cette situation que ce député s'est aligné aux législatives. On ne peut avoir que les députés que l'on mérite. Comment peut-il en être autrement quand les bailleurs de fonds avancent que le seuil de la pauvreté frôle 80% de la population et que 80% des enfants en âge scolaire ne dépassent pas le cycle primaire.

Ce sont ces mêmes enfants qui deviennent députés et ministres, voire plus.

C'est le paradoxe d'une démocratie mondialisée qui exige qu'un pays ait un parlement, des élections aux suffrages universels alors que leur population est loin de toutes les normes permettant à ce système de marcher convenablement. En France, la première élection présidentielle aux suffrages universels directs avait eu lieu en 1848, presque 60 ans après la prise de la Bastille. Aux États-Unis, la première élection présidentielle avait eu lieu en 1788-1789 avec la victoire de George Washington. Une simple arithmétique permet de déduire combien de mandats ou de siècles il nous reste pour parvenir à une Assemblée digne de ce nom.

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