Dans le cadre de l'Offensive agropastorale et halieutique, le ministère de l'Agriculture, des Ressources animales et halieutiques s'est engagé dans une politique de souveraineté alimentaire. Ainsi, pour la campagne agricole 2024-2025, il s'est inscrit dans une approche communautaire à travers les aménagements sommaires de bas-fonds de riz à travers le pays. Dans la province du Houet (région des Hauts-Bassins) cette approche suscite l'intérêt des producteurs.
Lena, commune située à une cinquantaine de kilomètres de Bobo-Dioulasso. La localité est quasiment déserte, ce vendredi 28 juin 2024. C'est un fait habituel en saison pluvieuse. Des producteurs mettent « les petits plats dans les grands » pour une campagne agricole réussie. La productrice, Minata Millogo fait partie de ceux-là. Daba (houe traditionnelle) en main, la mère de trois « gosses » est déjà à la tâche dans sa parcelle sur le site d'aménagement sommaire du bas-fond de Lena, depuis des heures.
Le moment n'est plus au repos, déclare dame Millogo, toute souriante au regard de la bonne physionomie de ses plants de riz. « Nous avons fini les semis. Les plants sont au stade des levées », lance-t-elle. En réalité, Minata Millogo, tout comme d'autres producteurs de la zone ont répondu à l'appel de l'Offensive agropastorale et halieutique 2023-2025 qui envisage une opération d'aménagements sommaires de 10 500 hectares (ha) de bas-fonds pour la riziculture.
Cette initiative qui vise à renforcer la souveraineté alimentaire mobilise les communautés locales et les services déconcentrés en charge de l'agriculture pour des aménagements de parcelles de type Projet riz pluvial (PRP), avec un objectif de 30 hectares par commune. Dans la province du Houet, ces aménagements sommaires de bas-fonds de riz connaissent un essor significatif. Une superficie de 30 hectares est dégagée dans chacune des 13 communes que compte la province devant ouvrir des perspectives pour l'atteinte de l'objectif d'un million de tonnes de riz paddy en 2025. Sur le site de la commune de Lena, près d'une centaine d'hommes et de femmes de plusieurs villages exploitent ce périmètre de riz de 30 hectares, selon la direction provinciale de l'agriculture et des ressources animales et halieutique du Houet.
Se mettre à la tâche
Les travaux d'aménagements sommaires réalisés en grande partie par les bénéficiaires eux-mêmes consistent à la construction de diguettes, de cassiers et de drains pour une bonne circulation de l'eau sur toute la superficie cultivée. Elle implique une « faible » mobilisation en termes de moyens matériels et financiers pour aménager un site accessible aux producteurs. « Nous avons réalisé ce bas-fond cette année avec les moyens que nous avons. C'est une grande satisfaction pour nous parce que nous disposons désormais d'un site dans la commune pour la production du riz.
Nous devons donc nous mettre à la tâche pour obtenir de bons résultats à terme », prévient le responsable du bas-fond de Lena, Seydou Millogo et exploitant du site. Relevant la forte mobilisation des producteurs autour de ce projet, M. Millogo témoigne que les exploitants du site sont bénéficiaires des labours gratuits des tracteurs mis à la disposition des agriculteurs dans le cadre de l'initiative présidentielle.
« Dès que l'appel a été lancé, le 28 mai 2024 pour l'aménagement sommaire du périmètre de Lena, la population est sortie nombreuse. Avec l'ensemble des agents de la commune, nous avons identifié les courbes de niveau, creusé, enroché et réalisé les diguettes permettant de freiner l'eau », soutient l'agent en charge de l'agriculture de la commune, Jacques Nabaloum.
100% de levée
Les 30 hectares emblavés sont à 100% de levée, se réjouissent exploitants et techniciens de l'agriculture dans cette commune. « Nous avons déjà reçu l'engrais à prix subventionné à raison de 12 000 F CFA le sac de 50 kg de NPK ou d'Urée », approuve Bakary Millogo, exploitant du site de Lena. Et le président du Comité villageois de développement (CVD) de Kofila (village abritant le site), Issoufou Millogo de renchérir que cette initiative est une bouffée d'oxygène pour les producteurs ne disposant pas de moyens pour la riziculture. « Ce bas-fond, autrefois inexploité pour faute d'aménagement va permettre de faire décoller la production du riz dans notre commune », admet le CVD.
A l'image du site de Lena, 30 ha sont aménagés dans la commune de Karangasso-Vigué, à 60 kilomètres de Bobo-Dioulasso, toujours dans la région des Hauts-Bassins. Sur ce périmètre, 78 parcelles sont déterminées et mises à la disposition des exploitants. Des facilités sont également accordées aux exploitants en ce qui concerne le labour du site et la mise à disposition des intrants, atteste Souleymane Ouédraogo, résidant de Kangarasso-Vigué depuis 36 ans. Le quinquagénaire ne tarit pas d'éloges envers les initiateurs de cette approche endogène basée sur la mobilisation communautaire et l'appui technique des services agricoles.
Au regard des réalisations entreprises sur le périmètre et l'accompagnement technique des agents, Bamaga Ouattara, un autre bénéficiaire s'est convaincu de faire un meilleur rendement pour cette campagne humide.
Les femmes qui jouent un rôle aussi important dans la production du riz disent reconnaitre le bienfait de cette approche. « Nous avons fait tous les travaux ensemble. C'est une initiative qui va réduire considérablement la souffrance des femmes dans les communes », clame Minata Millogo.
Le producteur Souleymane Ouédraogo soutient que ces deux épouses disposent chacune d'une parcelle grâce à ces aménagements. « Nous sommes en train de travailler à inverser la tendance. La mobilisation de tous les acteurs est effective sur le terrain », martèle le responsable en charge de l'agriculture de la commune de Karangasso-Vigué, Germain Néya.
Une campagne de grands défis
Pour booster la production, des variétés de riz à haut potentiel de rendement sont ciblées. Il s'agit des variétés Orylux et TS2. De façon spécifique, l'Orylux est une variété qui peut produire 5 à 6 tonnes (t)/ha et la TS2 de l'ordre de 5 t/ha. Pour cette campagne agricole humide 2024-2025, il est attendu en termes d'objectif de production pour la province du Houet, 54 817 t de riz. Selon le Directeur provincial de l'agriculture et des ressources animales et halieutique (DPARAH) du Houet, Antoine Zorma, l'Offensive agropastorale et halieutique prônée ne concerne pas seulement les aménagements des grands sites de production de riz et nécessite une implication de tous les producteurs à travers des sites d'aménagements sommaires.
« Il s'agit d'une campagne de grands défis », fait-il entendre, en invitant tous les acteurs à donner le meilleur d'eux-mêmes pour les relever. M. Zorma reconnait que la campagne agricole accuse un retard mais, avec les premières pluies reçues, les producteurs s'activent pour rattraper le temps perdu. « A la date du 28 juin 2024, nous sommes à plus de 95% de distribution des intrants dans les communes de la province du Houet », se réjouit le premier responsable en charge de l'agriculture de la province. Il poursuit que cette année, la quantité des intrants au profit de sa zone est passée de 1 200 t pour la saison écoulée à 4 500 t. Le directeur provincial confie cependant que la situation sécuritaire constitue l'une des contraintes majeures.
« Nous avons des villages à fortes potentialités agricoles dont l'accessibilité est difficile. Mais, nous avons foi que nous allons faire une bonne saison agricole », promet le DPARH du Houet. Il appelle les producteurs à être à l'écoute des conseils des techniciens sur le terrain. L'initiative est certes appréciée mais pour garantir une bonne productivité, des exploitants de ces sites d'aménagements sommaires souhaitent un appui pour la construction des diguettes en pierre sauvage car, la plupart faites en terre subissent l'écoulement des eaux de fortes pluies.
Faire face aux maladies du riz
La pyriculariose est une des principales contraintes à la production du riz. Cette maladie parasitaire peut provoquer des ravages lorsque les conditions sont favorables. Les microclimats autour des plants de riz favorisent son apparition. Le champignon provoque des taches sur les feuilles, les noeuds et sur différentes parties des panicules et des grains.
Elles sont d'une forme elliptique avec des extrémités plus ou moins allongées. Les plants malades s'identifient par des plaques bleuâtres sur la tige. Si la contamination se produit bien avant la formation du grain, ce dernier ne se remplit pas et la panicule reste érigée. Si elle a lieu après la formation de quelques grains, la panicule s'affaisse.
Ce stade de la maladie cause de graves ravages. Pour y faire face, les techniciens recommandent d'utiliser des semences saines, de suivre régulièrement l'évolution des plants dans la parcelle depuis la préparation du sol jusqu'à la récolte, d'enlever et de brûler les pailles contaminées, d'utiliser une variété résistant à cette maladie. Si le seuil atteint est important, les techniciens peuvent autoriser l'intervention avec des insecticides homologués.