A la faveur des législatives du 4 juillet dernier qui ont vu l'écrasante victoire du Parti travailliste, le pouvoir a changé de mains au Royaume-Uni. Keir Starmer, le leader de ce parti, succède ainsi à Rishi Sunak au 10 Downing Street, pour devenir le 58e Premier ministre britannique.
Et qui dit changement de pouvoir, dit changement de politique. En tout cas, pour ce qui concerne le Royaume-Uni, le nouveau Premier ministre n'a pas mis du temps à annoncer la couleur par rapport à la question migratoire. C'est ainsi qu'au cours d'une conférence de presse tenue au lendemain de la victoire de son parti, il a déclaré que le plan d'expulsion de migrants vers le Rwanda « était mort et enterré avant même d'avoir commencé ». Et d'ajouter : « Je ne suis pas prêt à continuer avec des artifices qui n'ont pas d'effet dissuasif ».
Des propos tranchants qui ne laissent planer aucun doute sur le sort que le nouveau chef de l'Exécutif britannique et son équipe réservent à ce projet élaboré par le précédent gouvernement conservateur. Lequel, en accord avec les autorités rwandaises, avait arrêté ce plan d'expulsion des demandeurs d'asile arrivés illégalement au Royaume-Uni vers ce pays d'Afrique de l'Est.
Le changement de pouvoir rebat les cartes de ce plan d'expulsion de migrants clandestins du Royaume-Uni vers le Rwanda
Un projet controversé qui avait suscité l'indignation des défenseurs des droits humains et fait couler beaucoup d'encre et de salive au-delà des frontières du Royaume- Uni. Toujours est-il qu'entre tiraillements judiciaires et volonté des autorités britanniques d'alors d'inscrire leur action dans la légalité en s'employant à lever les goulots d'étranglement, le projet avait eu du mal à connaître un début d'exécution. Et ce, alors même que Londres qui avait commencé à tenir l'engagement financier de l'opération, a déjà versé 280 millions d'euros à Kigali pour la prise en charge des personnes expulsées.
La question que l'on peut se poser est la suivante : quelles conséquences la dénonciation unilatérale de cet accord pourrait-elle avoir sur les relations entre Kigali et Londres ? Car, si pour le nouveau gouvernement britannique, ce plan d'expulsion de migrants clandestins vers le Rwanda était inefficace et coûteux, on se demande si Londres ira jusqu'à demander à Kigali le remboursement des sommes déjà versées.
Une interrogation qui se justifie d'autant plus que l'opération n'avait pas pu débuter. Et était prévue pour commencer au début de l'été prochain, après l'échec de la première tentative en juin 2022, suite à une décision de la Cour européenne des droits de l'Homme qui avait bloqué in extremis le premier vol. Quoi qu'il en soit, en déclarant que l'accord ne prévoit pas de remboursement des fonds déjà versés par Londres, le Rwanda semble tout dire de sa réticence à rendre l'argent issu de ce deal migratoire.
Toujours est-il qu'en attendant de connaître la suite des événements, le moins que l'on puisse dire, c'est que le changement de pouvoir avec l'arrivée du travailliste Kier Starmer à la Primature, rebat les cartes de ce plan d'expulsion de migrants clandestins, du Royaume-Uni vers le Rwanda.
Au-delà des raisons humanitaires, ce plan d'accueil de migrants avait aussi son versant de retombées économiques pour le Rwanda
Tout porte à croire qu'en plus de souffrir de sa réputation auprès des défenseurs des droits humains qui ne voyaient pas d'un bon oeil la destination Rwanda, le pays de Paul Kagame devra se résoudre à faire le deuil de tout ou partie de ces financements qui constituent, quoi qu'on dise, un manque à gagner pour lui.
Car, au-delà des raisons humanitaires, ce plan d'accueil de migrants indésirés et indésirables au Royaume Uni, avait aussi son versant de retombées économiques pour le Rwanda. C'est dire si derrière une oeuvre de charité, peuvent se cacher aussi des intérêts financiers colossaux. En tout état de cause, maintenant qu'il a chanté le requiem de ce plan d'expulsion de migrants vers le Rwanda, on attend de voir quelle sera la politique du nouveau Premier ministre britannique pour faire face à la crise de l'immigration clandestine qui affecte son pays.
Car, une chose est de ne pas expulser les immigrés clandestins, une autre est de leur reconnaître des droits et surtout de les traiter avec dignité. Toute chose qui soulève de nombreuses interrogations. Va-t-on mettre plus d'énergie à refouler les immigrés clandestins à la frontière ? Va-t-on assister à un changement de paradigme visant à les aider à s'insérer socialement et économiquement dans leur pays d'accueil ?
Autant de questions qui amènent à s'interroger sur la politique du nouveau gouvernement à l'effet de freiner les traversées illégales de la Manche dont le nombre ne cesse de croître de mois en mois.