Les actes de piraterie ont repris de plus belle au large des côtes somaliennes ces derniers mois, avec plus de trente attaques contre des navires recensées depuis novembre 2023, révèle un récent rapport.
La surpêche pratiquée par des chalutiers étrangers représente l'un des plus importants facteurs favorisant la réapparition de la piraterie au large de côtes somaliennes après une décennie d'accalmie, selon un rapport de l'organisation non gouvernementale internationale Crisis Group. Intitulé « The roots of Somalia's slow piracy resurgence », le rapport rappelle que la ville côtière d'Eyl, située dans l'Etat du Puntland, s'est transformée en un épicentre de la piraterie maritime mondiale au milieu des années 2000, après que des membres des communautés locales de pêcheurs se sont tournés vers la flibuste à cause de la prédation des chalutiers étrangers.
Ces premiers pirates du XXIe siècle, connus sous l'appellation locale de « burcad badeed » (bandits des mers) », ont mené autour de 200 attaques par an contre des navires commerciaux entre 2009 et 2011. Selon les estimations de la Banque mondiale, la piraterie a coûté 18 milliards de dollars à l'économie mondiale en 2010. Pour réduire ces pertes, les États-Unis, l'Union européenne et l'Otan ont déployé des navires pour patrouiller au large des côtes somaliennes dans le cadre d'une réponse internationale coordonnée, avec le concours des administrations somaliennes locales pour éradiquer le fléau. Ces mesures avaient semblé porter leurs fruits, les incidents au large des côtes somaliennes étaient tombés à zéro en 2020.
Des centaines de licences de pêche accordées à des chalutiers étrangers
Les actes de piraterie ont malheureusement repris dans la région ces derniers mois. Les pirates somaliens ont attaqué plus de trente navires depuis novembre 2023. La plus grande attaque a eu lieu le 12 mars dernier contre MV Abdullah, un vraquier battant pavillon du Bangladesh qui transportait une cargaison de charbon du Mozambique vers les Emirats arabes unis. Les pirates somaliens n'ont libéré ce navire et son équipage qu'à la mi-avril après le paiement d'une rançon de 5 millions de dollars.
Le rapport indique que cette recrudescence des attaques s'explique en grande partie par l'intensification de la surpêche pratiquée par les chalutiers étrangers qui vident les stocks de poissons et abîment les filets des pêcheurs somaliens, au mépris des règles internationales. Privés de leurs moyens de subsistance, des pêcheurs se tournent vers la piraterie en brandissant l'argument de type « Robin des bois », selon lequel ils combattent la pêche illégale et protègent leurs communautés. Si de nombreux gros navires raclent les fonds marins sans autorisation, d'autres disposent de licences de pêche valides délivrées par le gouvernement régional du Puntland ou le gouvernement fédéral somalien.
Le spectre d'une résurgence à grande échelle de la piraterie
D'après les Nations unies, la pêche illégale, non déclarée et non réglementée au large des côtes somaliennes, fait perdre au pays jusqu'à 300 millions de dollars par an. Dans le même temps, les dispositifs sécuritaires qui faisaient barrage à la piraterie se sont affaiblis. Avec la diminution progressive du nombre de forces navales internationales patrouillant au large des côtes somaliennes ces dernières années à mesure que les actes de piraterie régressaient, les forces internationales restantes se sont orientées vers la dissuasion des rebelles houthis du Yémen. Jusqu'ici, les pirates n'ont pas encore établi de base dans la baie naturelle de la ville d'Eyl.
Mais le risque d'une résurgence à grande échelle de la piraterie s'accroît à mesure que la frustration des communautés de pêcheurs augmente face à l'ampleur de la surpêche industrielle, « dans un contexte marqué par une insouciance totale de la part des autorités ». Les pirates risquent de s'attirer davantage de sympathie. L'ISG estime que le gouvernement fédéral somalien et ses Etats membres doivent lutter plus efficacement contre la pêche illégale avec le soutien de leurs partenaires internationaux en surveillant les eaux territoriales du pays, et limiter le nombre de licences délivrées aux chalutiers étrangers pour étouffer la résurgence inopportune de la piraterie.