Guinée: Embastillement d'activistes - Mamady Doumbouya dans les pas d'Alpha Condé

Le coordinateur du FNDC Oumar Sylla (alias Foniké Menguè) violemment trainé au sol lors de son arrestation par des policiers au siège du parti d'opposition, à Conakry, le 5 juillet 2022.
11 Juillet 2024

Avec ses camarades du Front national pour la défense de la démocratie (FNDC), il se veut l'une des sentinelles de la démocratie dans son pays. Lui, c'est Oumar Sylla, plus connu sous le pseudonyme de Foniké Menguè, activiste de son état et coordonnateur national dudit mouvement.

Condamné, en juin 2021, à trois ans de prison ferme pour s'être opposé au troisième mandat d'Alpha Condé, il avait été libéré quelques mois plus tard par la junte militaire dirigée par le colonel Mamady Doumbouya, qui a renversé le Professeur Condé dans les conditions que l'on sait. Trois ans plus tard, Foniké Menguè est toujours dans le même combat avec ses camarades de ce regroupement d'organisations de la société civile engagées dans des actions contre les militaires au pouvoir, pour le retour à l'ordre constitutionnel dans les meilleurs délais.

C'est dans ce contexte de vives tensions où la junte du colonel Doumbouya est accusée de velléités de confisquer le pouvoir, que l'activiste a été appréhendé et emmené manu militari par des gendarmes encagoulés dans la nuit du 9 au 10 juillet dernier, avec un autre militant dudit mouvement, Mamadou Billo Bah.

Le président Doumbouya gagnerait à instaurer un dialogue franc et sincère avec ses contempteurs

Un « kidnapping », pour reprendre les termes de ses camarades de lutte, qui est venu d'autant plus en rajouter à la tension que les Forces vives de Guinée ont, dans la foulée, appelé leurs compatriotes « épris de liberté et de justice, à se mobiliser pour défendre leurs droits et exiger le retour à l'ordre constitutionnel conformément aux engagements pris par la junte ».

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Elles réclament aussi la libération immédiate et sans conditions de leurs camarades embastillés ainsi que la restauration des libertés individuelles et collectives, y comprises celles d'association, d'expression et de manifestations publiques. C'est donc un bras de fer qui est parti pour perdurer entre la junte au pouvoir à Conakry et la coalition d'organisations de la société civile et de partis politiques qui sont vent debout contre une transition qui dure depuis bientôt trois ans sans perspective de rétablissement de l'ordre constitutionnel à court ou moyen terme.

Les mêmes tensions qui ont émaillé le règne d'Alpha Condé, font aujourd'hui le lit de la contestation contre Mamady Doumbouya. C'est à se demander si le locataire du palais Sékoutouréya ne marche pas dans les pas de son prédécesseur qui dirigeait le pays d'une main de fer dans un gant de...fer ; tant ils sont nombreux les actes posés par l'officier-président qui ressemblent, à s'y méprendre, à ceux posés par le boulimique universitaire-président resté tristement célèbre pour ses décisions liberticides.

Et ce, dans un contexte où la transition manque de lisibilité quant au retour à l'ordre constitutionnel. Cela dit, la tentation est peut-être grande, pour les autorités intérimaires de la Guinée, de faire preuve d'intransigeance et de fermeté dans cette période sensible de l'histoire de leur pays. Mais dans sa volonté déclarée de remettre le pays sur les rails de la démocratie et de l'Etat de droit au lendemain de son coup de force contre Alpha Condé, le président Doumbouya gagnerait à desserrer l'étau de son pouvoir autour de ses compatriotes et à instaurer un dialogue franc et sincère avec ses contempteurs.

Dans la vie d'un dirigeant, il faut savoir manier la carotte et le bâton

Il y va de l'intérêt de la Guinée qui revient de loin et n'a pas besoin de réveiller les démons assoupis des violences du passé. Toujours est-il que dans une Guinée où une étincelle suffit parfois à allumer un brasier, l'officier-président devrait se garder de tomber dans les mêmes travers qui ont creusé le fossé de la méfiance entre ses compatriotes et son prédécesseur au point de provoquer la chute de ce dernier.

En tout état de cause, dans la vie d'un dirigeant, il faut savoir manier la carotte et le bâton. C'est en cela que l'on peut saluer le geste d'ouverture des autorités de la transition malienne qui ont levé, le 10 juillet dernier, la mesure de suspension des activités des partis politiques et des activités à caractère politique des associations.

C'est le lieu aussi de saluer la libération, le même jour, de l'avocat-activiste et homme politique burkinabè Guy Hervé Kam, après cinq mois et demi de détention même si cela reste sous conditions. Un élargissement qui, on l'espère, en appellera d'autres pays des Hommes intègres. Pour en revenir au président Doumbouya, il lui appartient de savoir lâcher du lest en travaillant aussi à restaurer la confiance de ses compatriotes qui ont accueilli sa prise du pouvoir comme celle d'un messie.

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