Dakar — Situé au large de la baie de Dakar, le littoral de l'ile Gorée est confronté aux rejets de déchets ménagers constitués pour l'essentiel de matières plastiques, un décor superficiel qui cache une réalité beaucoup plus alarmante caractérisée par la pollution des fonds marins des environs.
A la surface de l'eau, flottent des sachets et sacs plastiques arrachés du littoral rocheux de l'ile par les vagues.
A bord d'une vedette de l'Océanium Diving Center, un club de Dakar, spécialisé en plongée sous-marine et sous la vigilance des moniteurs de plongée, le moment de se jeter à l'eau pour explorer les fonds marins, notamment du côté de la porte du voyage sans retour de la Maison des esclaves de Gorée, a sonné.
Après une dernière séance de briefing des moniteurs sur les techniques sécuritaires de plongée sous-marine, la plongée peut débuter. Les plongeurs sont armés d'accessoires composés de dry bag, d'antibuée, de boussole de plongée, de tank banger, de chaussures et bouteille à oxygène...entre autres, équipements nécessaires.
Pour ce baptême de feu, au fond de l'Océan, il faut compter sur le moniteur Landing et ses coéquipiers.
S'éloignant de la surface de l'eau, un monde impressionnant et riche en couleurs se dessine progressivement au fond de l'Océan où de petits poissons viennent titiller les accessoires de plongée.
Plongeant dans un univers silencieux, on entrevoit au fond, des paysages aquatiques, des roches, et quelques débris d'équipements domestiques.
Des dépôts d'ordures composés de sachets plastiques, de sacs, d'habits, de filets de pécheurs abandonnés meublent le fond de l'Océan. Cette présence étrangère au milieu marin renseigne, à juste titre, sur le niveau de pollution des fonds marins des zones urbaines côtières.
Des poissons nagent au-dessus de ces amas d'ordures, au milieu de décor d'objets en fin de vie, qui rappelle à certain égard, l'insalubrité, une réalité bien visible à la surface de la terre, sur plusieurs endroits du littoral ou encore dans nos quartiers.
Les fonds marins de l'ile de Gorée, constitués d'un relief rocheux et accidenté, sont dénaturés à plusieurs endroits par les ordures ménagères. Au fond de l'Océan, la pollution des fonds marins apparait comme réalité alarmante comparable à la pollution de la quasi-totalité du littoral des zones urbaines côtières.
Après plusieurs minutes d'exploration des fonds marins de l'ile de Gorée, la plongée sous-marine tire à sa fin.
Le moment de remonter à la surface de l'eau avec les moniteurs de plongée est venu. Il faut reprendre le chemin du retour au siège dakarois du club Océanium Diving, où le directeur du club Océanium Diving Center, Rodwan El Ali, guette les plongeurs.
Fils de l'écologiste Sénégalais, Haidar El Ali, l'actuel directeur du club Océanium Diving Center, est comme son père, un fervent défenseur de l'Océan et de l'environnement.
Dans cette dynamique, il a lancé depuis 2018, l'initiative "sea-setal", une opération destinée à débarrasser, les fonds marins de Dakar et de l'ile de Gorée, des déchets.
Avec son équipe, il organise régulièrement des journées "sea-setal" pour assainir les fonds marins de Gorée ou de la baie de Dakar en général.
"Nous avons longtemps mené une campagne de sensibilisation auprès des populations pour leur faire comprendre que la mer n'est pas un dépotoir d'ordures", a indiqué, Rodwan El Ali, déplorant le niveau de pollution des fonds marins de l'ile de Gorée et de la plupart des zones côtières urbaines du Sénégal.
"Du côté de l'ile de Gorée, les vagues drainent au fond de l'Océan, les ordures jetées sur le littoral. Et ces rejets domestiques, sous l'effet des courants marins, se déposent au fond de l'Océan Atlantique", a-t-il expliqué.
"La commune de Gorée, a-t-il rappelé, se débarrassait dans un passé récent des ordures domestiques par bateau, mais qu'on ne voit plus maintenant".
"Aujourd'hui, la réalité est qu'il arrive que nos plongeurs reviennent des fonds marins de Gorée, déçus par la pollution de l'ile, connue dans le monde pour son rôle dans l'histoire du commerce triangulaire".
Rodwan El Ali a reconnu qu'au-delà de l'ile de Gorée, "c'est toute la baie de Dakar qui est ultra polluée à cause des rejets domestiques".
"En dehors des déchets domestiques, des bateaux industriels et des pêcheurs locaux , jettent parfois des ordures en mer ou abandonnent leurs filets, piégeant ainsi les poissons au fond de la mer", a-t-il déploré, appelant les nouvelles autorités étatiques à préserver l'Océan.
"L'Etat doit créer des aires marines protégées fonctionnelles avec un système de maillage contrôlé mais aussi donner à la gendarmerie environnementale les moyens de surveiller leurs zones de compétence, de surveiller ces aires marines protégées", a-t-il suggéré.
Il a salué le leadership du Sénégal dans la création d'aires marines protégées. "Et pourtant ces zones surveillées sont très exposées à la surpêche", a-t-il dénoncé, citant en exemple l'aire marine protégée de Gorée, "une zone très fréquentée par les pêcheurs".
Selon lui, le plus important "c'est le contrôle et la surveillance des aires marines protégées".
"Malheureusement, la réalité est que n'importe qui fait ce qu'il veut en mer et personne ne dit rien. Donc, ce qu'il faut, c'est juste renforcer le contrôle et le respect de la loi, au Sénégal", a-t-il insisté.
Il a en outre indiqué que l'Océanium organise régulièrement, sur fonds propres, "des opérations bénévoles appelées +sea+setal+" pour nettoyer les fonds marins de la baie de Dakar.
40 tonnes de déchets débarrassés des fonds marins
"Ces opérations de nettoyage des fonds marins aident à débarrasser annuellement la baie de Dakar, sur un rayon de 10 kilomètres, de 40 tonnes de déchets", a-t-il indiqué, reconnaissant que malgré ces efforts "les déchets sont encore là, dans nos fonds marins".
"Les déchets plastiques sont encore là, dans nos fonds marins et avec le temps, le plastique se transforme en microparticules et fini par être mangé par les poissons que nous consommons dans nos plats", a alerté le défenseur du grand bleu.
Fondé en 1984, l'Océanium est un club de plongée sous-marine, de formation et d'exploration marine basée à Dakar, sur la route de la corniche Est, près du village de Terrou Baye Sogui en face de l'Océan Atlantique.