Afrique: Acides gras trans - Tout le monde doit se joindre à la lutte pour éliminer à jamais ce tueur invisible de l'offre mondiale de produits alimentaires

Dr. Tedros Adhanom Ghebreyesus et Dr. Tom Frieden
tribune

Biscuits, pizzas, gâteaux : nous les savourons tous avec plaisir — et pourtant ils sont potentiellement mortels. Outre leur teneur souvent élevée en sucre, en sel ou en matières grasses, ces aliments peuvent également contenir un ingrédient toxique, les acides gras trans produits industriellement, qui entraîne près de 300 000 décès par cardiopathie ischémique chaque année.

Inventés au début du XXsiècle comme substituts du beurre et utilisés ultérieurement pour augmenter la durée de conservation des produits alimentaires, les acides gras trans produits industriellement sont très dangereux pour la santé humaine. Il n’existe pas de niveau de consommation qui soit sans risque. Heureusement, cet additif alimentaire toxique peut être facilement remplacé par d’autres produits plus sains — et cela sans différence de goût ou de coût de fabrication, mais avec la possibilité de sauver des centaines de milliers de vies par an.

Il y a six ans, l’OMS a appelé les pays et le secteur alimentaire à éliminer les acides gras trans produits industriellement de l’offre mondiale de produits alimentaires. À cette époque, seule une petite proportion de la population mondiale — moins d’une personne sur 10 — était protégée de cet ingrédient chimique toxique.

Un nouveau rapport de l’OMS sur les progrès de l’élimination des acides gras trans détaille les avancées considérables que nous avons réalisées au cours des dernières années. Aujourd’hui, 53 pays représentant près de 4 milliards d’habitants appliquent les meilleures pratiques recommandées par l’OMS, notamment l’interdiction ou la limitation des acides gras trans, éliminant ainsi ce risque sanitaire majeur pour près de la moitié de la population mondiale.

L’OMS a salué cinq pays — l’Arabie saoudite, le Danemark, la Lituanie, la Pologne et la Thaïlande — pour leurs efforts de premier plan en vue d’éliminer les acides gras trans. Au-delà des politiques reposant sur des pratiques exemplaires dans ce domaine, ils ont également adopté des cadres de suivi et d’application de ces politiques qui permettront de tirer, de manière durable, le meilleur parti des avantages qu’elles offrent pour la santé.

Cependant, il nous reste encore beaucoup à faire. Plus de 4 milliards de personnes ne sont toujours pas protégées contre ce produit chimique toxique. À l’échelle mondiale, la plupart des décès encore causés par les acides gras trans sont concentrés dans huit pays seulement, principalement en Afrique et en Asie-Pacifique. Si des politiques reposant sur des pratiques exemplaires étaient mises en œuvre dans ces pays, 90 % des décès associés à cet ingrédient nocif dans le monde pourraient être évités — une étape importante dans la lutte contre les maladies non transmissibles.

À mesure que les restrictions sur les acides gras trans augmentent dans le monde entier, les fabricants de produits alimentaires vont probablement se débarrasser des produits contenant cet ingrédient chimique toxique interdits ailleurs sur le nombre réduit de marchés dépourvus de réglementation.

Tous les pays, quel que soit leur niveau de revenu, peuvent protéger leur population en mettant en place une réglementation, même si les niveaux d’acides gras trans dans les aliments sont faibles. Leur élimination est un moyen efficace et peu coûteux de lutter contre les maladies non transmissibles et de sauver des vies, comme le montrent des études menées en Argentine, aux États-Unis d’Amérique, au Kenya, au Nigeria, au Royaume-Uni, et dans l’Union européenne, qui confirment que les acides gras trans produits industriellement peuvent être éliminés et remplacés par des graisses ou des huiles plus saines sans que ni le coût, ni le goût, ni la disponibilité des aliments ne soit modifié.

Politiques et mesures visant à éliminer les acides gras trans dans l'ensemble du monde, decembre 2023

Les pays qui ont mis en œuvre des politiques reposant sur des pratiques exemplaires en matière d’acides gras trans peuvent aider les autres à faire de même en partageant leur expérience et leur savoir-faire. Les fabricants de produits alimentaires, en particulier les entreprises nationales et internationales qui ont longtemps tiré profit de produits contenant des acides gras trans mortels, ont, à l’égard des consommateurs, la responsabilité d’investir dans des produits de remplacement plus sains. Au sein de la communauté mondiale, il faut continuer à faire pression pour l’élimination totale des acides gras trans moyennant l’introduction de politiques reposant sur des pratiques exemplaires recommandées par l’OMS.

Trois actions prioritaires sont nécessaires pour parvenir à un monde sans acides gras trans.

Premièrement, nous appelons tous les gouvernements à limiter ou à interdire les acides gras trans dans l’ensemble des aliments, conformément à la politique recommandée par l’OMS. Il convient notamment, à l’échelle nationale, de fixer une limite de 2 grammes d’acides gras trans produits industriellement pour un total de 100 grammes de graisses dans l’ensemble des aliments, et d’interdire la production ou l’utilisation d’huiles partiellement hydrogénées — une source majeure d’acides gras trans artificiels — comme ingrédient dans l’ensemble des aliments.

Deuxièmement, nous appelons les gouvernements à veiller à ce que les limites et les interdictions soient surveillées et appliquées. Pour encourager et renforcer l’application de ces mesures, l’OMS a créé le Programme de validation de l’élimination des acides gras trans afin de reconnaître officiellement les efforts déployés par les pays pour éliminer les acides gras trans, de la même manière que l’OMS valide l’élimination du paludisme ou des maladies tropicales négligées dans les pays.

Troisièmement, nous appelons l’industrie alimentaire à appliquer les recommandations de l’OMS, en veillant à ce que les acides gras trans retirés soient remplacés par des graisses et des huiles plus saines, et à réduire au minimum les graisses qui entraînent un risque accru de maladies cardiovasculaires, telles que les graisses saturées. Les entreprises devraient également convenir de ne pas vendre de produits contenant des acides gras trans sur les marchés où il n’existe pas encore de réglementation. De grands fabricants de produits alimentaires et un grand producteur d’ingrédients ont pris des mesures en ce sens, et d’autres entreprises devraient suivre leur exemple.

Les efforts en faveur de l’élimination mondiale des acides gras trans artificiels produits industriellement témoignent, pour la première fois, d’une mobilisation mondiale en vue d’éliminer complètement un facteur de risque alimentaire de maladie cardiaque. Nous savons ce qu’il faut faire, nous savons comment le faire, et nous savons que c’est efficace. De réels progrès ont été faits à l’échelle mondiale. Il est temps que les pouvoirs publics aillent jusqu’au bout et protègent définitivement leur population de cet additif alimentaire toxique.

Le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus est Directeur général de l’Organisation mondiale de la Santé. Suivez-le sur X : @DrTedros, ou sur LinkedIn.

Le Dr Tom Frieden, qui, en tant que directeur des Centers for Disease Control and Prevention des États-Unis de 2009 à 2017, a supervisé les ripostes aux épidémies de grippe H1N1, de maladie à virus Ebola et de maladie à virus Zika, est président et directeur général de Resolve to Save Lives. Suivez-le sur X : @DrTomFrieden, ou sur LinkedIn.

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