Mais qu'est-ce qui a pu bien donc piquer le député Almaneh Gibba pour qu'il en arrive à une telle incongruité ?
La mouche de la religion ou celle de la tradition, faits sociaux dans lesquels il se drape maladroitement pour justifier sa proposition de loi visant à lever l'interdiction de l'excision en Gambie ?
Mais peine perdue pour ce député puisque ses pairs de l'Assemblée nationale ont rejeté hier lundi 15 juillet 2024 son texte et tous ses amendements.
Un niet qui fait pousser un ouf de soulagement aux Gambiennes, aux féministes du monde entier et aux organisations de défense des droits humains qui sont tous montés au créneau pour dénoncer un projet dont l'adoption aurait fait de la Gambie le premier pays du monde à revenir sur l'interdiction de l'excision.
On ne peut que se réjouir de ce tir de barrage contre une telle initiative d'un autre âge que même le loufoque et burlesque ex-président, Yahya Jammeh, n'a jamais osé.
Déjà que malgré l'existence de loi interdisant cette pratique, 73% de gambiennes ont été victimes de l'excision, à quoi fallait-il s'attendre si le pays opérait ce grave recul souhaité par Almaneh Gibba ?
Membre du groupe de l'amitié gambienne-Arabie saoudite, cet élu du Foni Kansala, qui, durant la campagne, a pourtant promis d'offrir une éducation de qualité aux jeunes de sa circonscription électorale, devrait savoir que l'excision et les autres mutilations génitales féminines sont des facteurs de décrochage scolaire chez bien de filles.
En effet, outre les risques de décès dus à toutes sortes d'infections, la pratique est cause de formation de fistule et d'incontinence, de complication au niveau du tissu cicatriciel, de souffrances vaginales chroniques et de détresse psychologique, pour ne citer que ces méfaits.
Mais une chose est d'avoir retoqué la proposition de loi rétrograde et une autre est de pouvoir infléchir le taux de prévalence de cette exérèse sur les femmes et les jeunes filles dans le pays. Et ça, c'est une autre paire de manches qui relève en premier lieu des pouvoirs publics.
Quand on sait que depuis 2015, année de l'adoption de la pénalisation de l'excision, seulement deux cas de transgression ont fait objet de poursuite judiciaire, on imagine aisément le chemin qui reste à parcourir pour sauver les jeunes filles de cette épreuve initiatique que rien ne saurait justifier de nos jours.
Il faut alors oeuvrer à donner davantage corps à la loi contre l'excision à travers des procès pédagogiques à la fois contre les exciseuses et contre les parents des victimes.
C'est à ce prix que l'on pourrait espérer venir à bout des préjugés dont la survivance entretient la pratique du fléau.