Cameroun: Carnet de route Bafoussam/Ngambé-Tikar - Comme un traquenard qui angoisse les passagers...

16 Juillet 2024

Le calvaire des usagers de cette route est légion. Il faut en moyenne cinq heures de temps pour voyager de la métropole régionale de l'Ouest pour cette commune de la région du Centre. C4est un trajet de 179 Kilomètres de route faisable dans des conditions normales en 2 heures 20 minutes. Entre étouffement des passagers dans des véhicules surchargés et surchauffés 0 cause de la chaleur qui s'amplifie au fur et à mesure que l'on avance vers le Nord Cameroun marqué par un paysage de savane et de steppe, le calcul de la disponibilité du bac à chaîne pour la traversée du fleuve Mbam fait partie des équations à résoudre par les transporteurs et passagers de cette route.

Malheur à Vous...Si vous quittez la ville de Bafoussam, chef-lieu de la région de l'Ouest Cameroun, à plus de 15 heures passés, pour vous rendre à Ngambe-Tikar en passant par Foumban, le chef-lieu du département du Noun. Une heure en véhicule automobile sur le trajet qui relie la capitale régionale à Foumban n'est pas aisée.

Cette route étroite connait un trafic dense entre Bafoussam et Foumbot, sur 22 kilomètres de route bitumée et dégradée. Le rendez-vous avec les trous et les crevasses sur la chaussée constitue un danger permanent pour le conducteur automobile et ses passagers. Tout comme, l'étroitesse de la chaussée qui mesure à peine trois mètres, pour une route Nationale. Juste avant le stade Omnisports de Bafoussam-Kouekong, la descente de la falaise de Kouonvou, sinueuse et revêtue d'une chaussée abondamment décapée par le ruissellement des eaux de pluies, commande une bonne dose de vigilance au chauffeur.

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Le bal des petites voitures surchargées qui font la ligne Bafoussam-Foumbot est constant. Les chauffeurs qui roulent à tombeau ouvert ont sur leur pied un passager surchargé qui porte le nom de « petit chauffeur ». Ce « petit chauffeur », loin d'aider le conducteur à bien manoeuvrer le véhicule constitue un obstacle pour la conduite. Le siège arrière est lui aussi surchargé d'un ou de deux passagers supplémentaires. Ces écarts se multiplient aux yeux et à la barbe des policiers et gendarmes.

Le souci majeur de ceux-ci n'est pas la sécurité routière. Ils sont préoccupés de constater si chaque transporteur a « posé» avant de passer. Ici, la « pose » sert de passe-droit. Comme on dit au Cameroun, «la chèvre broute là où elle est attachée ». Même les agents de la Commission nationale anti-corruption-Conac- édictée par le Président de la République, Son Excellence monsieur Paul Biya, n'ont rien pu faire contre cette transaction dolosive et collusive. Cette « pose» qui permet , tranquillement, aux transporteurs clandestins ou frauduleux de contourner la réglementation avec la complicité du gendarme ou du policier envoyé en mission sur le trajet pour veiller au strict respect du code de la route, des lois et règlements de la République.

Destruction de la savane arborée

Après la traversée du fleuve Noun, une vaste plaine se présente à la vue du voyageur. Ses champs sont plats et prête à attendre les semis dans le cadre de la saison agricole annoncée. Plus loin, défilent des montagnes qui affichent des savonnes arborées de type forestière ou des vastes hectares terrain aux hautes herbes et arbustes brulés, noircis ou jaunis par les flammes des feux de brousse. Cette action nocive à la préservation de l'environnement et de la biodiversité est, nous renseigne Arouna Nguepnang Djomgang, chef traditionnel du village Njinbouot-Fongué dans la commune de Foumbot, est l'oeuvre des agriculteurs en quête de nouvelles terres cultivables ou des pasteurs de la minorité Mbororos à la recherche de nouvelles de pâturage pour alimenter les boeufs qu'ils élèvent.

Armand, un jeune de la localité fait savoir que les arbres sont surtout détruits par des grands feux injectés par des artisans qui entendent ramasser des charbons de bois à commercialiser pour usage domestique dans les principales métropoles du Cameroun. Préoccupés à hrecevoir des pots de vin, les fonctionnaires de l4admistration des Eaux et des forêts ou ceux de l'environnement et de la protection de la Nature, ne mènent aucune action de sensibilisation ou de répression, conformément aux lois camerounaises et aux conventions internationales édictées pour la Protection de l'environnement.

Passons. Si au cours de votre trajet, vous rencontrez un camion transportant des grosses billes de bois parfois coupés et exploités anarchiquement et illégalement par des scieries installées à Ngambé-Tikar-commune forestière de la région du Centre-, l'épreuve déjà difficile s'alourdit. Il faut s'écarter de la chaussée pour laisser cet éléphant de la piste dicté sa loi. Au cas contraire, vous risquez d'être broyé... Et ce sera la fin prématurée de votre voyage vers Foumban.

Foumban, cette cité culturelle qui affiche ses charmes légendaires, à 16 heures passés ce 20 février 2024. Des files de véhicules sont dressées à la sortie Ouest de la ville. La gare routière est vidée. Les transporteurs sont postés vers les grandes agences de transport pour convoiter les passagers qui proviennent des grandes villes-Douala et Yaounde- et veulent se rendre dans leur village. Les destinations Magba, Bangourain, Njimouon sont faisables. Mais le passager se rendant à Ngambé-Tikar est appelé à dormir à la belle étoile au cas où il se montre téméraire.

Le voyage n'est pas terminé

6 heures s'affichent sur l'horloge, ce mercredi 21 février 2024. La ville de Foumban s'est déjà réveillée aux sons des appels à prière entonnés depuis les minarets des différentes mosquées de la cité historique. L'entrée Ouest de cette ville, où sont logée les agences de voyage, grouille de monde. Une ligne de petites voitures s'allonge sur une distance de plus de 500 mètres en face des principales agences de voyage qui relient Foumban aux villes de Douala et de Yaoundé.

Ces véhicules de petits calibres cherchent des passagers qui souhaitent voyager pour Bankim, Magba, Massangam, Malatouen, Manki, Bangourain, Ngambe-Tikar et autres. Les chauffeurs desdits véhicules crient à haute voix pour sensibiliser les passagers qui débarquent des gros porteurs en provenance de Douala ou de Yaoundé. Au fur et à mesure que les bus et cars ayant voyagé de nuit en provenance des grandes métropoles débarquent. Certains passagers originaires de la ville de Foumban ne sont pas concernés par ces cris. Ils prennent des taxis ou des motos taxis pour rejoindre leur domicile.

Contrairement à ceux pour qui le voyage n'est pas terminé. La vingtaine entamée, Sabine, doit encore parcourir environ 120 kilomètres pour rejoindre leur maison familiale située à Nji Mapout, le dernier village de l'arrondissement de Malantouen et du département du Noun qui jouxte le fleuve Mbam. Elle se trouve obligée alors d'emprunter le véhicule qui mène à Ngambé-Tikar dans le département du Mbam et Kim. Elle doit payer 4000 Fcfa pour sa tête et 2000 Fcfa pour ses bagages. Les autres passagers qui ont pour destination Ngambé-Tikar, après la traversée du Bac, doivent payer la somme de 4500 Fcfa. Ce qui n'arrange pas Theodore Sipehou.

Acteur de la filière foresterie et habitué de cette route, celui-ci se plaint de l'augmentation vertigineuse des prix de transport entre Foumban et Ngambé-Tikar. « La dernière fois que j'ai voyagé pour ici, j'ai payé la somme de 3000 Fcfa. Je suis bien surpris que ce matin on m'oblige à payer 4500 Fcfa pour Ngambé-Tikar », soutient-il. Et de prédire : « C'est un voyage pénible et périlleux ». Malheur à vous, si les chargeurs du véhicule vous trouvent corpulent, ils vous imposent de payer de deux places avant d'accéder dans un véhicule. Dans le cas contraire, annuler simplement votre voyage. Et quand on choisit de subir et de foncer...

La forte absorption des nappes de poussières

Effectivement, après le péage routier de Manki, le chauffeur doit prendre l'embranchement qui mène vers Malantouen. Il se prépare aussi à quitter le goudron pour affronter des nappes de poussières le long de trajet sur une route non bitumée et en cours de terrassement par une entreprise de travaux publics. La route étant moins cabossé permet une libre et rapide circulation des véhicules, au risque que des sacs surchargés au-dessus du véhicule tombent et s'égarent. Le spectre des arbres calcinés par des flammes revient. Plus on avance, mieux la chaleur se fait ressentir. Le climat devient plus chaud et sec. Les passagers surchargés et surchauffés se plaignant de chaleur.

Les oreilles fermées face aux différentes récriminations, le chauffeur, un habitué de cet environnement en pleine mutation climatique, est obligé de rouler à forte vitesse, une fois qu'il a géré les deux ou trois barrages de police qui sont postés entre la ville de Foumban et fleuve Mbam. Il doit aussi vite aller pour ne pas arriver en retard à la traversée du fleuve par le Bac.

Le trajet entre Foumban et Ngambé-Tikar est de quatre heures de temps, au minimum. Durant le trajet, les passagers, surchargés se plaignent d'étouffement à cause de la mauvaise circulation d'air ou de la forte absorption des nappes de poussières. La partie de la savane arborée de type forestière non attaquée par les agriculteurs et les pasteurs laisse néanmoins au voyageur le souvenir d'un paysage agréable à découvrir. Juste avant d'arriver sur la rive du Mbam, les frissons recommandent et le doute s'installe. « Et si le Bac est en panne que ferions-nous ? », s'interroge un passager.

Cette peur est autant justifiée que M. Téné fait savoir que lors de l'un de ses voyages, il s'est trouvé obligé de passer la nuit sur place parce que cet engin était en panne. « Je ne peux pas emprunter la pirogue pour rejoindre l'autre rive. C'est trop risqué », déclare-il. Et pourtant, c'est le moyen par lequel, les natifs du coin usent pour se déplacer, sans aucune crainte. Une habitude qui ne plait pas aux commerçants ambulants qui viennent de Bafoussam, de Foumbot ou de Foumban pour vendre les produits de première nécessité à Ngambe-Tikar, à prix d'or, à cause de l'enclavement de cet arrondissement du département du Mbam et Kim. Une source de richesse pour les forestiers et les cultivateurs de maïs.

D'ailleurs, de grosses billes de bois sortent de Ngambe-Tikar pour le Port de Douala et sont transportés par des camions qui circulent au-dessus de bac, depuis des années. Sans qu'aucun dirigeant ne planifie la construction d'un pont pour désenclaver ce grenier agricole qui pourrait subir les affres des changements climatiques...

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