Ile Maurice: Phokeer démissionne en tant que speaker... Plus que trois dernières séances

Difficile de croire qu'il s'agit d'une coïncidence ! Le speaker de l'Assemblée nationale a soumis sa démission hier soir depuis son lit d'hôpital, du moins d'après un communiqué du Clerk, peu de temps après que le Premier ministre, Pravind Jugnauth, s'est rendu à son chevet.

Sooroojdev Phokeer avait décidé de prendre un long congé médical alors même que ses décisions étaient de plus en plus contestées par l'opposition et par des membres du Mouvement socialiste militant (MSM) eux-mêmes.

Cependant, en fin de soirée, après la diffusion de ce message du Clerk annonçant sa démission, nous l'avons sollicité et il nous a répondu sèchement que si nous avions un document de l'Assemblée nationale, «allez vérifiez auprès d'elle».

Il a été admis à la Cardiac Unit de l'hôpital Victoria, Candos, lundi. D'ailleurs, il a reçu la visite du Premier ministre hier. Pravind Jugnauth a passé pratiquement une heure à ses côtés. Par la suite, les choses ont évolué rapidement juste après la visite du chef du gouvernement. Pourtant, l'ancien speaker avait laissé entendre à l'express, au cours de la journée, que sa démission n'était pas d'actualité. Du moins, pas pour l'immédiat.

Le retrait du speaker survient également quelques jours après que Xavier-Luc Duval, le leader du Parti mauricien social-démocrate (PMSD), dont le parti serait en négociation avec le Mouvement socialiste militant (MSM), a réclamé sa tête. «Le speaker s'emporte et s'excite à la moindre provocation. Les députés de l'opposition se sentent opprimés et trouvent que l'espace démocratique au Parlement rétrécit de séance en séance. La situation devient insupportable. Il faut absolument trouver une solution», a-t-il écrit mercredi dernier sur Facebook.

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Sooroojdev Phokeer nous a fait comprendre qu'il ne retournera pas à l'Assemblée nationale lors d'une conversation téléphonique hier, avant sa démission. «Je ne crois pas à mon retour au Parlement. Il ne reste que trois séances», nous a-t-il confié. Or, les parlementaires seront en congé d'hiver ce mois-ci pour être de retour en octobre. Doiton comprendre que les députés ne seront pas de retour en octobre pour la reprise ? «On verra», a-t-il répondu quand on lui a demandé si lui serait de retour... Avant d'affirmer que c'est au Premier ministre d'en décider.

Un proche du chef du gouvernement confirme qu'il ne reste effectivement que trois séances parlementaires et que les élus ne retrouveront pas les bancs de l'Hémicycle en octobre, à moins que le chef du gouvernement change d'avis d'ici vendredi pour ajouter une quatrième séance. Tout cela tend à démontrer que le Parlement pourrait être dissous à n'importe quel moment entre la fin de juillet et le 9 octobre, date à laquelle est prévue l'élection partielle dans la circonscription n°10, Montagne-Blanche-Grand-Rivière-Sud-Est.

En attendant, il y aura bien une séance parlementaire jeudi. Il pourrait y en avoir une autre mardi et la dernière serait pour vendredi avec des motions privées. La séance de mardi sera consacrée au Finance Bill.

«Ma santé»

Pour en revenir au retrait de Sooroojdev Phokeer, il a laissé entendre au Premier ministre qu'il allait prendre une décision à ce sujet prochainement. «Il m'a expliqué son problème de santé. Ses médecins lui ont conseillé de prendre du repos. Il m'a expliqué qu'il pourrait prendre certaines décisions à l'avenir. Je l'ai écouté et je le comprends. Je lui souhaite une meilleure santé», a déclaré Pravind Jugnauth hier à sa sortie de l'hôpital.

Des élus du MSM sont en tout cas très embarrassés depuis quelque temps par rapport aux décisions de Sooroojdev Phokeer et surtout face à son comportement à l'Assemblée nationale, avec notamment le nombre de suspensions, la façon dont il s'adresse aux élus de l'opposition et aussi quand il a interdit à des députés de prendre la parole lors de l'ajournement. Ils admettent que sa façon de faire discrédite le gouvernement à l'approche des élections générales.

Des représentants d'un autre pays, apprend-on, auraient également déclaré au gouvernement que le comportement du speaker n'est pas approprié si l'on veut emprunter la route vers les législatives.

Sooroojdev Phokeer nous a assuré que son intervention chirurgicale était programmée depuis longtemps, mais qu'il l'a retardée. Pourquoi maintenant ? «Il est temps que je pense à ma santé. J'aurais dû le faire depuis longtemps, mais il se peut que je sois désormais dans l'obligation à faire le faire.»

De plus, nous avons compris que le PMSD aurait exigé le départ de Sooroojdev Phokeer avant toute négociation avec le MSM. Un collaborateur du leader des Bleus nous a confirmé au cours de la semaine est qu'un des sujets de discussion portait sur le poste du speaker. Le nom d'Adrien Duval avait été cité. Toutefois, Xavier-Luc Duval a déclaré à l'express jeudi dernier qu'Adrien Duval veut être candidat aux prochaines élections. «Adrien souhaite se présenter aux élections comme candidat. Quant aux problèmes à l'Assemblée nationale, il y a évidemment plusieurs solutions possibles», avait-il confié.

Nous avons tenté de joindre Xavier-Luc Duval pour lui poser d'autres questions hier, mais en vain. De son côté, Adrien Duval a, lui, assuré qu'il a appris le retrait de Sooroojdev Phokeer dans la presse. «Il y a beaucoup de spéculations en ce moment. Il est vrai que le leader avait demandé son départ en raison de son comportement. C'est tout.»

Avec la démission de Sooroojdev Phokeer comme speaker, le Premier ministre doit déposer une motion à l'Assemblée nationale pour le remplacer. Ce poste pourrait revenir à Vikash Nuckcheddy, le Deputy Chairperson of Committees qui a présidé la séance de committee of supply, au détriment de Zahid Nazurally, le deputy speaker.

Nazurally «pas au courant»

Quoi qu'il en soit, en l'absence de Phokeer ce jeudi au Parlement, c'est le deputy speaker, Zahid Nazurally, qui devait présider la séance. À hier matin, il affirmait toutefois qu'il n'était pas au courant de la situation et s'il serait appelé à présider les prochaines séances. «Je ne suis au courant de rien», a-t-il soutenu. N'empêche que son entourage ne croit pas trop au fait que le chef du gouvernement le laissera présider les prochaines séances. Si c'était le cas, dit-on, il aurait dû avoir tous les documents nécessaires pour préparer la séance de ce jeudi. Ses collaborateurs croient que d'ici jeudi, il pourrait y avoir un gros développement sur l'échiquier politique.

Qui plus est, la déclaration de Pravind Jugnauth à sa sortie d'hôpital hier a accentué les doutes sur l'avenir de Zahid Nazurally. À la question de savoir si le speaker adjoint présidera les prochaines séances ou s'il y aura un nouveau speaker, il a répondu : «Les nou gete.» D'ailleurs, l'on se souvient que le deputy speaker n'a présidé aucune séance lors de l'exercice de committee of supply visant à analyser le Budget de l'État en juin et il n'a jamais bénéficié de voyages officiels pour représenter le pays à l'étranger.

Concernant les négociations avec le PMSD, un observateur politique fait ressortir qu'il a toujours été dans la pratique mauricienne qu'un parti réclame la tête d'une personne controversée afin de former une alliance. Il cite la révocation de Dinesh Ramjuttun en 1997. Il affirme aussi que c'est dans la tradition du MSM ne s'allier à un partenaire quand le parti sent qu'il perd du terrain. L'observateur politique rappelle l'alliance entre Anerood Jugnauth et Satcam Boolell en 1986 et la coalition MSM-Mouvement militant mauricien en 1990.

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