Un préfet menace d'interdire de séjour dans le département du Mfoundi, autour de Yaoundé, toute personne qui appellerait au soulèvement contre la République.
Les médias sont visés, mais aussi les responsables politiques. A un peu plus d'un an de l'élection présidentielle, cette décision fait redouter une restriction des droits fondamentaux et libertés individuelles.
"On va maintenant devoir prendre un visa pour vivre à Yaoundé ? Vraiment ce pays... je vous donne les mains", se désole Fidèle Yete.
Comme lui, de nombreux autres Camerounais, ont du mal à comprendre ce qui se passe.
En effet, depuis ce 16 juillet, une circulaire du préfet du Mfoundi, Emmanuel Mariel Djikdent, met en garde toute personne qui "appelle au soulèvement contre les institutions de la République", ou encore qui "outrage dangereusement les institutions ou celui qui les incarne".
La sanction possible : une interdiction temporaire de séjour dans la capitale Yaoundé et ses environs.
Une déclaration faite sans préciser quelle forme prendrait la potentielle mise en application de cette mesure.
Le préfet du Mfoundi , Emmanuel Mariel Djikdent, a notamment visé les émissions de débat télévisées, ajoutant qu',"il ne faudrait pas que les plateaux de télévision servent de tribunes pour appeler à un soulèvement ".
"Un abus de pouvoir"
Pour Jean Stéphane Menounga, politologue et habitué des débats télévisés, cette mesure est perçue comme un abus de pouvoir et un détournement de l'autorité préfectorale.
"C'est une décision qui va à contrecourant des accords internationaux que l'Etat du Cameroun a eu à ratifier. Vous vous rendez compte que c'est une décision qui n'est pas administrative, mais une décision qui relève de la politique politicienne ? Ça nous amène à nous interroger si le préfet agit en tant qu'administrateur ou en tant que militant d'un parti politique que je refuse de citer ici. Et cela amène à questionner l'indépendance de l'administration", estime le politologue.
Sur sa page Facebook, Cabral Libii, le président du Parti camerounais pour la réconciliation nationale, a également qualifié cette décision d"'abus autoritaire."
La presse visée ?
Si certains journalistes voient en cette décision un moyen de museler davantage la presse à la veille de l'élection présidentielle de 2025, Jean Moïse Mbog, patron d'une chaîne de télévision, estime que c'est aussi un moyen de mieux contrôler les échanges parfois tendus sur les plateaux.
"Ce n'est même pas la presse qui est visée par cette communication de monsieur le préfet, ce sont les intervenants dans les médias. Il faut reconnaître que nos intellectuels qui s'invectivent très violemment sur certains plateaux de télévision, ça frise le scandale. Il faut recadrer cela. Le Conseil national de la communication du Cameroun peine à recadrer cela et ce sont finalement les journalistes uniquement qui sont sanctionnés. On ne peut pas interdire de parler, mais il faut le faire dans un esprit de respect de la loi", explique Jean Moïse Mbog.
Cependant, le droit de manifester pacifiquement et de s'exprimer contre les institutions en place est protégé par la loi au Cameroun. Une interdiction de séjour dans le département pour une durée déterminée pourrait être perçue comme une atteinte à ces libertés.