Le « Camfranglais », un argot parlé majoritairement par les jeunes Camerounais, se fraye de plus en plus un chemin dans l'univers de l'art. Ce mode d'expression, né au début des années 1980 au sein de la communauté estudiantine de Yaoundé, est aujourd'hui très populaire.
Que ce soit dans l'industrie des webséries ou encore de la musique, l'intérêt pour ce qui peut être considéré comme la « langue de la rue » représente pour ces nouvelles générations une alternative aux langues officielles que sont le français et l'anglais.
Dans un extrait de la série du web comédien et humoriste camerounais Carlès Antonio, un autre humoriste et webcomédien, Arrache Clou, est initié par des jeunes du quartier au « Camfranglais », un argot camerounais riche en expressions et en codes de la rue. Le créateur de contenus qui comptabilise près de 6 500 followers sur son Tiktok souligne l'importance de ce langage : « On véhicule des messages forts, déjà par le registre employé, avec des termes clés comme « choah » (« prendre »), ou « Kota'a' » (« agresser »).
Contribution artistique et linguistique
Arthur Paye, également humoriste, prend plaisir à jouer en Camfranglais. Selon lui, c'est une manière de contribuer à l'évolution d'une langue qu'il souhaite voir parlée partout. « C'est une manière de populariser la langue. De contribuer non seulement artistiquement, mais linguistiquement, à l'évolution de l'art. » Cette volonté de voir ce parler urbain s'étendre au-delà des frontières est partagée par de nombreux artistes et linguistes, qui s'invite également dans la musique, portée par des chanteurs comme Koppo et Maahlox.
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Accepter Gérer mes choix Cette émulation autour du Camfranglais a attiré l'attention de Benjamin Lebrave, DJ et producteur de musique implanté en Afrique. « Quand j'ai entendu certains morceaux camerounais, la langue m'a trop intrigué. 'Coller la petite' que tout le monde connaît, le « ndjoka » (« la fête »), le « kwatt » (« le quartier »), tous ces trucs-là, on est dedans, toujours dedans. La curiosité vient de la musique, mais forcément me mène vers la langue. »
Évolution des argots urbains
Le Camfranglais, tout comme le nouchi en Côte d'Ivoire, est en pleine évolution au delà des frontières et s'immisce même dans le vocabulaire des Français. Julien Barret, linguiste, travaille avec Benjamin Lebrave. En banlieue parisienne, les deux hommes explorent ces nouvelles formes du français influencées par ces argots.
Je fais des ateliers dans les lycées pour savoir quels sont les nouveaux mots du français. Et il y a beaucoup de mots qui viennent du nouchi et du camfranglais, qui sont, de notre point de vue, les deux argots urbains qui deviennent des langues à part entière
Richard Onanena Les dictionnaires tels que le Larousse et Le Petit Robert intègrent déjà des mots issus du nouchi. Par exemple, les mots « brouteurs » (« les escrocs ») et « go » (« la fille ») ont fait leur entrée officielle dans le dictionnaire français en 2022. Ces termes, autrefois considérés comme des néologismes, sont maintenant reconnus et utilisés largement.
Le Camfranglais comme alternative aux langues officielles
Malgré sa popularité croissante, le Camfranglais est encore considéré comme un argot de seconde zone par les autorités camerounaises. Cependant, pour de nombreux jeunes, il représente une alternative aux langues officielles que sont le français et l'anglais.