Sénégal: Déclaration de politique privée

18 Juillet 2024

Alors que le petit peuple craint le pire pour le 15 juillet 2024, rendez-vous qui croise le cinquantenaire du Premier ministre Ousmane Sonko avec ses menaces de plaider devant un jury populaire la cause de son, euh, Projet, le président de la République, Bassirou Diomaye Faye choisit, l'avant-veille, de désamorcer le pétard en rencontrant la presse locale.

Exclusivement. Les représentants de la presse accréditée au Sénégal devront patienter.

Une manière de rompre avec cette tradition bien de chez nous qui accorde les primeurs aux médias étrangers. D'ailleurs, au plus fort de la tourmente que PASTEF connaît face aux exactions de la dictature Faye-Sall, le dilemme en devient cornélien : un coup, le Président de République (putatif) Ousmane Sonko, alias PROS, décide de ne plus accorder d'entretien à ces médias corrompus de la FrançAfrique ; un autre, il se sape comme un nabab tropical, affiche des portraits de Sankara en arrière-plan, et fignole son accent du terroir pour répondre gentiment à deux journalistes toubabs.

On s'y perd.

Là, à quelques encâblures de la célébration des cent jours de Bassirou Diomaye Faye à la magistrature suprême, le débat tourne autour de la déclaration de politique générale qu'Ousmane Sonko doit au peuple et à ses députés. On ne voit pas venir la surprise du chef, un face-à-face du président soi-même avec la presse locale. Nous sommes tous absorbés par le débat qui fait rage : l'actuel Parlement est-il digne de recevoir le Premier ministre Ousmane Sonko que son patron qualifie de meilleur de tous les temps ?

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Et donc, voilà le pays réconcilié avec lui-même : la modestie même faite président de la République, qui rencontre de courtois journalistes sénégalais... Un gentil jeu de questions-réponses durant lequel personne ne perd la face. Les journalistes posent des questions téméraires et le président y répond avec panache.

Au moins 54 % des adultes en âge de voter n'y trouvent rien à redire.

Bien sûr que le nouveau président comprend ses compatriotes : la vie est chère et il s'arc-boute à raboter les prix à la consommation, quitte à substituer l'Etat aux importateurs, histoire de maîtriser les coûts.

Les journalistes qui lui font face en sont bouche bée devant tant de clairvoyance. Ils n'ont encore rien vu...

Le président Diomaye Faye est un modèle d'humilité, de vertu, de loyauté et de détachement vis-à-vis des fastes de la République. Preuve à l'appui : il faut pratiquement le contraindre à s'installer au Palais parce que ses rudes et indécrottables manies de Sérère de Ndiaganiao lui sont indispensables. Les gais coups de pilon dans le mil au fond des mortiers dès l'aurore, les hurlements des muezzins qu'accompagnent les cocoricos des gallinacés, le tintamarre des marmites et les bagarres de robinets, les piques des soeurs en direction des belles-soeurs, les scènes de ménages des oncles polygames et des tantes jalouses, les pleurs des marmots fesses à l'air qui éclatent au petit bonheur la malchance, comment s'en priver ?

Imaginez, un coucher de soleil face à Gorée sous les badamiers avec toute la tribu. Rien à voir avec l'ambiance austère d'un Palais occupé jusque-là par des toubabs à peau noire. Lui, il est brut de décoffrage et s'en vante.

Bassirou Diomaye Faye est très famille, en plus de son humilité naturelle.

Il n'est pas du genre à vous regarder de haut même s'il est le patron. Voyez comme il caresse son Premier ministre dans le sens du poil... Il fait du PROS le parrain de son fils alors qu'il est simple groupie. À l'en croire, c'est en prison, pendant qu'ils partagent leur « banc diakhlé » qu'il lui tend une main amicale et fraternelle en prévision des lendemains enchanteurs que les courtiers en zizanie, ces fumistes, pourraient compromettre en les mettant dos à dos.

La parade est bien simple : à présent, c'est son ami...

On ne sait pas trop à quand leur affection indéfectible remonte mais c'est un fait. Les uns avancent que ça date de Mathusalem, puisqu'Ousmane Sonko est le parrain d'un enfant de Diomaye ; raison pour laquelle le PM se permet de le surnommer « Serigne Ngoundou » devant un parterre acquis à sa cause.

Pas celui du genre qui l'attend au Parlement, avec des furies qui l'attaqueront au ras du fourreau, et des ennemis qui guettent ses faux-pas.

Concernant ses foucades par rapport au Parlement, qui suscitent une crise institutionnelle, le président ne pense pas une seconde à le tancer, ne lui tape pas sur les doigts, bien au contraire : il éteint ses incendies avec une indulgence touchante. Diomaye comprend tout ça : ce Parlement relève du bas-de-gamme et son Premier ministre, le meilleur de tous les temps, qu'il sait digne d'occuper le fauteuil présidentiel, a raison de contourner la difficulté par une pirouette.

C'est pourquoi, dit-il, il saisit de son propre chef son dauphin constitutionnel, l'évanescent Amadou Mame Diop, pour lui suggérer de ranger le bordel qu'il y a au Parlement. Détrompez-vous, il ne s'agit pas des coups de pieds dans le ventre d'une parlementaire enceinte, ni de la séance de striptease d'un des leurs qu'une grenade manque d'émasculer alors qu'il projette de convoler une deuxième fois, encore moins de la tentative de hold-up des urnes sous les yeux des gendarmes.

Il tient à ce que cette bande d'ignares rajoute un chapitre primordial à leurs dérèglements intérieurs pour que son Premier ministre et futur successeur y soit accueilli avec les honneurs dus à son rang.

Ah, vous ne saviez pas ? Diomaye encourage Ousmane Sonko à faire une fixation sur son fauteuil. Lui, il n'en à rien à cirer. Bien au contraire, il est presque pressé de lui rendre le fauteuil et quitter cette maison trop bien rangée, tenue avec des manières d'auxiliaires de commandant de cercle pète-sec.

Il y a de menus avantages, certes.

C'est vrai qu'il ne paye plus rien : les échéances des factures d'eau, d'électricité, le carburant, les billets d'avion en classe économique, sont loin derrière lui. À peine s'il paye l'engrais pour semer du mil dans un de ses domaines, et il faut le forcer. Sa petite promenade aux alentours de la Tabaski aurait même pu mal finir : le téfanké aurait été capable de lui offrir les deux moutons les plus gras du foirail.

Sait-on jamais ce qui peut arriver quand le chef de l'Etat vous trouve sympathique... Ses adversaires, ces esprits chagrins, doutent déjà du prix déclaré. Alors imaginez que ce soit gratuit... Non, il préfère abouler le fric devant tout le monde.

Et il fait bien : Abdou Mbow, le nouveau patron de l'opposition, attend depuis le 02 avril 2024 que les cent jours arrivent à échéance pour sonner la charge. D'abord, drapé dans son immunité parlementaire, il oppose un cinglant démenti au Président qui ne serait au courant de rien et à l'initiative de moins que rien. Ce sont les parlementaires qui prennent le taureau par les cornes en poussant leur translucide président à papoter avec le patron de l'Exécutif et pas l'inverse, entre autres joyeusetés...

Et donc, nous voilà les otages d'un cirque infernal : Diomaye derrière lequel se cache son courageux Premier ministre, face à Abdou Mbow, l'incarnation sur mesure de l'opposition républicaine, pendant que Bougane emprunte la voie radicale. Y a Thierno Bocoum qui tente de placer un coup de tête entre les deux assauts mais ça n'a pas l'air de prendre.

On va se consoler avec l'immixtion dans cette foire d'empoigne de Doudou Wade qui tient à faire la lumière sur la corruption de deux juges constitutionnels, lesquels ont fait basculer notre destin en direction de Ndiaganiao, au lieu de le voir filer vers les lumières de Doha.

Ah, s'il avait fait preuve d'autant de détermination pour élucider le mystère des commanditaires du meurtre de Me Babacar Sèye... Je dis ça, je dis rien.

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