Ile Maurice: Notre démocratie parlementaire, malade - Le Parlement à l'ICU !

Notre système de démocratie parlementaire souffre d'un cancer qui, surtout depuis ces dix dernières années, s'est manifesté par des symptômes les plus graves, allant de mal en pis, ce qui l'a fortement gangrené.

En cause, les microbes qu'est l'absence de la séparation entre les pouvoirs exécutif et législatif, soit une domination totale du gouvernement sur le Parlement, et une abusive surpolitisation partisane de l'institution parlementaire. L'Assemblée nationale est totalement accaparée par le parti politique au pouvoir. Cela fait des années que notre système parlementaire subit les assauts des politiciens arrivés au pouvoir. Ils ont réduit l'institution législative suprême du pays en un lieu où ils expriment leur rejet de l'opposition, étalent leur culture délétère et anti démocratique du pouvoir.

Le feuilleton du jour

Le cinéma que notre pays offre ces jours-ci au monde extérieur nous couvre de ridicule. Ce qui est grave, c'est que malgré notre maturité politique, que ce soit celle du peuple ou de l'élite politique, il nous a été impossible d'enrayer la maladie. Et il semblerait que nous soyons partis, pour encore des années à venir, à en subir les séquelles. Car, même si Phokeer n'était pas parti de son propre chef, nous l'aurions subi pour quelques séances encore avant la dissolution du Parlement.

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Le cinéma qui se déroule est l'expression de ce que pense le politicien du peuple : une masse ignorante, malléable à souhait, moutonnière, un peuple surtout à mémoire courte, car il aura déjà oublié qu'avant Phokeer, il y en avait d'autres aussi mauvais, mais avec un style différent, moins grossier peut-être, mais plus sournois.

Notre démocratie parlementaire souffre d'un mal d'ordre structurel : chaque gouvernement qui vient au pouvoir est tenté de faire du Parlement sa propriété privée. Évidemment, chacun avait sa manière de procéder, certains avaient moins d'audace que d'autres pour bafouer les principes et valeurs d'une démocratie parlementaire. Mais, ces dernières années, l'on a vu une escalade dans les pathologies qui nuisent notre Assemblée nationale dans son rôle et sa réputation de Parlement, d'organe délibérant suprême de notre pays.

Les complices s'en sortent

Le personnage du speaker n'a été qu'un élément de toute une conception du pouvoir par des dirigeants politiques. Bien souvent, il a été le messager, le pianiste à qui est donné un morceau de musique à jouer. Certains speakers avant lui ont pu s'en tirer puisqu'ils avaient la manière et l'intelligence pour faire semblant d'être impartial. L'opinion publique s'indigne seulement contre ceux qui se donnent carrément dans la grossièreté ou qui étalent de manière flagrante leur ignorance des règlements intérieurs de l'Assemblée nationale, les dispositions et même l'esprit de la Constitution du pays.

Mais il ne faut pas croire qu'il n'y a qu'un seul responsable de l'infection que subit notre Parlement, car quand il y a eu des expulsions ou des suspensions, cela a été fait grâce au leader of the House, ou, la plupart du temps, à son adjoint qui, lui, tirait une gloire éphémère du rôle qu'il joue. Ce n'est pas pour défendre Phokeer que nous avançons qu'il n'est qu'un pion dans un jeu d'échecs ou un jeu de dames que des mains malsaines tripotent, que des esprits tordus manipulent.

Il n'est que le porte-parole d'une culture du pouvoir qui règne dans le pays depuis des années, et dont la nature néfaste aux valeurs de démocratie et de liberté ne fait que s'accroître.

Un problème structurel à régler

Le problème au niveau du speakership dont fait face notre système de démocratie parlementaire est d'ordre structurel. Aussi longtemps que l'on ne règle pas la manière de nommer un speaker, le pays restera condamné à connaître d'autres Phokeer, ou même pire que lui, à l'avenir. Élu ou pas ne changera rien à la donne. Aussi longtemps qu'un speaker est choisi par le Premier ministre seul et qu'il est redevable envers lui pour sa survie à la présidence de l'Assemblée nationale, le problème persistera.

Évidemment, si le speaker est élu, il aura un bargaining power vis-à-vis du dirigeant politique qui l'a nommé : il peut démissionner et provoquer une élection partielle. De plus, il pourra, en toute légitimité, porter le titre d'Honourable, et non pas se l'octroyer sans fondement !

Un speaker doit non seulement maîtriser les règlements intérieurs, Erskine May et certains rulings pertinents de la Chambre, mais il doit comprendre les principes fondamentaux d'une démocratie parlementaire. Il doit avoir l'intelligence de saisir le sens profond d'une démocratie et de sa pratique dans un organe délibérant suprême. Il doit comprendre que tous les membres de l'Assemblée nationale, qu'ils soient au gouvernement ou dans l'opposition, sont des représentants du peuple. Pour cela, un speaker doit avoir un sens de la mesure.

Un speaker doit réaliser que l'institution dont il préside les travaux symbolise le peuple à l'intérieur du temple de la démocratie. Il est nécessaire que le speaker, et pas seulement lui, mais aussi ceux qui constituent la majorité au Parlement, intègrent la notion de ownership du pouvoir, en ce sens que l'État, ou le parti politique, n'a pas de pouvoir, et que c'est le peuple qui détient le vrai pouvoir. l

Et maintenant ?

Que doit-on espérer maintenant de notre élite politique après les tribulations qu'a connues notre Parlement, non seulement avec Phokeer, mais avec ses complices dans les expulsions et les suspensions des membres dûment élus ? Il est temps que notre élite politique traite sérieusement le problème du speakership de notre Assemblée nationale afin que l'histoire ne se répète pas. Hier, on nous avait dit que Hanoomanjee était mauvaise, aujourd'hui, que Phokeer a été pire. Que dira-t-on d'Adrien Duval ? Aurions-nous un autre Phokeer, ou le même ? Oui, il ne faut pas oublier que Phokeer, guéri évidemment, peut refaire surface si le MSM remportait les élections générales. Et même, si ce n'est pas pour présider l'Assemblée nationale, il pourra, cette fois-ci, présider le pays !

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