Madagascar: Indianocéanie majuscule

Cette Chronique a été « prononcée » comme « note de bas de page » au colloque « Indianocéanie, socle et tremplin de notre devenir », qui s'est tenu à Mahébourg, île Maurice, les 6 et 7 juin 2013. À l'époque, je demandais si Indianocéanie était majuscule ou minuscule. À nous, résolument, de lui faire prendre une lettre capitale.

L'indianocéanie, est-elle Majuscule ou minuscule ? A l'instar de la francophonie, organisationnelle, qui a tout juste droit à la minuscule administrative, quand son homonyme majuscule, Francophonie, accède de plain-pied à la noblesse, entre guillemets, de la politique qui, déformation professionnelle, occupe généralement, sinon la Une, au moins les premières pages de votre journal quotidien.

Cette Indianocéanie avance sous le label, certains parlent d'ombrelle, de la Commission de l'Océan Indien. On peut noter, dans la lettre d'introduction à ce colloque, des mots qui parlent et qui font se sentir Indianocéanien : « l'ambition de faire de l'indianocéanie le ciment de notre intégration », « l'émergence d'une conscience régionale » ; « l'identité indianocéanique reconnue, valorisée, partagée » ; « renforcer le processus de reconnaissance identitaire et patrimoniale de la région » ; et surtout « mieux définir sa singularité ».

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Les cinq sessions du colloque ont passé en revue l'histoire passée et l'histoire des temps présents, dessiné les contours de l'identité indianocéanique, suggéré les ambitions et utopies de notre région (indianocéanie, espace de paix ?), questionné l'interculturel, rêvé de la manne du tourisme international ou domestique pour tout aussitôt se soucier des impacts sur les populations, la culture, les sites.

L'Indianocéanie majuscule, celle politique, aura été la grande absente de ces deux jours de réflexion. L'Indianocéanie sera-t-elle un géant culturel et touristique, mais un nain diplomatique et politique, alors que même le niveau « domestique » nous offre la chance d'être « naturellement international » ?

Ce niveau domestique est dans l'actualité, plus précisément malgache. La crise politique s'enlise dans des combats d'alinéas et des commentaires sans fin à propos de décisions de justice dites « sans voie de recours ». La communauté internationale a mandé la SADC (communauté des pays d'Afrique australe) pour servir de médiateurs dans cette crise : en quatre ans de va-et-vient, d'allers qui ne furent jamais simples et de retours toujours à suivre, la SADC n'a jamais trouvé le secret de l'âme îlienne malgache.

En faveur de la COI, le temps pour la SADC de la remise en cause est le moment ou jamais. Après des accords, aussitôt reniés, à Maputo (Mozambique) ou Addis-Abeba (Ethiopie), une rencontre se tint enfin dans nos îles, en l'occurrence les Seychelles. Mais, survenant tardivement, au bout de trois années d'impasse.

On a pu entendre, dans la bouche des uns et certainement dans la pensée silencieuse des autres, une revendication de singularité propre à nos îles, qui ne souffre pas l'intervention des Africains du continent, ni des autres continents d'origine, asiatique ou européen. Pour preuve, les Indianocéaniens de souche, Jean-Claude de l'Estrac, Paul Hoareau, Gilbert Ahnee, portent depuis trente ans cette « belle idée qui vient de loin », selon les mots du Secrétaire général de l'Organisation dans son discours inaugural.

Les participants se sont posés la question de la « marque » : l'Indianocéanie peut-elle être une « marque » ? Une implication diplomatique et politique donnera une visibilité immédiate sur le plan international à un ensemble qui n'est pas que « Nature et Senteurs » ni seulement de gentilles « îles vanille ». L'écueil de l'exotisme sera cependant à éviter : la COI s'impliquera sans atermoiements, avec sérieux, et aussi longtemps que nécessaire, ou restera sagement à la périphérie du concert des nations. La cohérence, qui est déjà pérennisation d'une démarche, à son tour déjà posture, voudra que la COI soit présente et représentée au-delà de la résolution ponctuelle d'une crise : un bureau de liaison dans chaque île, une représentation permanente sur le mode de l'organisation onusienne et dans les traces de la construction européenne.

Les mots qui parlent : un Monsieur ou une Madame Indianocéanie, des ambassadeurs de l'Indianocénie, un passeport indianocéanien ouvrant sur le vaste monde au-delà d'un couloir dédié dans chacun des aéroports « domestiques » de l'Indianocéanie.

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