Ile Maurice: Remplacé par un jeune «coq» - Le Loudspeaker ne bèquera plus

Le départ précipité de Sooroojdev Phokeer - speaker depuis 2019 après la deuxième victoire du MSM et de ses alliés aux législatives - mardi, alimente les conversations depuis. Celui qui a été remplacé jeudi par Adrien Duval, du parti du coq, n'a eu de cesse d'alimenter les polémiques au fil des années.

Finalement, même s'il laisse entendre que son départ est dû à des ennuis de santé, il semble bel et bien que le chef du gouvernement lui a tout bonnement cloué le bec.

Reprenons depuis le début. Le problème majeur au Parlement et qui empirait à chaque séance, c'étaient les agissements de Sooroojdev Phokeer, que plus rien ni plus personne ne pouvait arrêter. Semaine après semaine, les Mauriciens étaient témoins de ce que subissaient les membres de l'opposition aux mains - ou plutôt aux cordes vocales - du speaker de l'Assemblée nationale. Insultes et expulsions étaient légion et étaient utilisées à outrance par celui qui, rappelons-le, avait été le directeur de campagne du parti soleil dans la circonscription de Montagne Blanche-Grande-Rivière-Sud-Est avant d'être nommé speaker.

Celui qui endossait volontiers, et même avec une pointe de fierté, le surnom de «Loudspeaker», expulsait à tout-va des membres de l'opposition qui osaient lui tenir tête ou qui posaient des questions qui dérangent aux élus du gouvernement. Mais pas que. Récemment, il avait expulsé le député du Parti travailliste (PTr), Fabrice David car celui-ci ne s'était pas mis debout à son arrivée. Des expulsions, il y en avait donc à la pelle...

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Quand ils n'étaient pas «ordered out», des membres de l'opposition étaient souvent, trop souvent, sommés de «withdraw» leurs commentaires ou de s'excuser pour des mots qui étaient pourtant acceptés lorsqu'ils venaient des travées de la majorité.

Par exemple, l'on se souvient de la fois où Kalpana Koonjoo-Shah avait comparé la députée du PTr Stéphanie Anquetil à «Manjulika» (NdlR, personnage d'un film d'horreur indien) sans être inquiétée ou comment le Premier ministre pouvait régler ses comptes avec l'opposition à travers des réponses kilométriques, sans être interrompu. Or, à l'opposition, Sooroojdev Phokeer, prétextant quelque Standing Order, demandait très souvent des questions spécifiques. Surtout quand il s'agissait des Private Notice Questions, plus récemment lors de celle d'Arvin Boolell sur la réforme des collectivités locales.

«Look at your face»

Mais le pire, sans doute, et qui reste collé à la peau de ce personnage hautement controversé, ce sont ses dérapages verbaux au sein même de l'hémicycle. Il y a eu le «look at your face» lancé plus d'une dizaine de fois à l'encontre de Rajesh Bhagwan, député du MMM alors que celui-ci souffre de vitiligo. Ou encore des fameux «collect this man», «you are sick», «you are mad» ou de son «rest in peace» lancé à Shakeel Mohamed, parmi tant d'autres.

Il n'y a pas que son présent qui est truffé de polémiques. Le passé de Sooroojdev Phokeer le rattrape souvent, des allusions et allégations remontant à l'époque où il était ambassadeur en Égypte faisant souvent surface, à tel point qu'il avait même dû être rappelé au pays. Cependant, les raisons officielles ou officieuses n'ont jamais été divulguées. N'empêche que les piques à peine voilées, y compris au Parlement, nous ont par moments mis la puce à l'oreille. Rajesh Bhagwan avait évoqué le nom d'un certain Ali, sans donner plus de détails par la suite...

Avant ce départ à l'insu de son gré semble-t-il, l'ensemble de l'opposition et de nombreux Mauriciens à en croire les commentaires sur les réseaux sociaux et dans la rue, réclamaient la tête de Sooroojdev Phokeer, qui bafouait selon eux toutes les règles de la démocratie parlementaire. Le dernier en date n'est autre que Xavier-Luc Duval.

Dans une publication sur Facebook en date du 10 juillet, le leader du PSMD avait écrit : «Le speaker s'emporte et s'excite à la moindre provocation. Les députés de l'opposition se sentent opprimés et trouvent que l'espace démocratique au Parlement rétrécit de séance en séance. La situation devient insupportable. Il faut absolument trouver une solution.»

Deux jours plus tard, soit le 12 juillet, l'express annonce que Sooroojdev Phokeer cédera sa place à Adrien Duval. Comment ? Pourquoi ? Les rumeurs vont bon train. À mercredi soir, le flou persiste. À l'issue du comité exécutif des Bleus, personne ne pipe mot sur la nomination d'Adrien Duval. Si ce n'est que pour ne préciser que si dans l'éventualité où celui-ci accède au poste de speaker, il devra se retirer de toutes les instances du parti.

Fast-forward à jeudi, 16 heures. Finalement, comme prévu, Pravind Jugnauth propose le nom d'Adrien Duval. Ce dernier, tout sourire, est assis derrière son père. La suite, on la connaît tous ; c'est un discours très élogieux que le Premier ministre récitera à l'égard du nouveau speaker. L'allocution d'Adrien Duval sera toutefois grandement perturbée par les cris de protestation des membres de l'opposition.

Les «illégal», «vander», «laont», ou encore les «al get Gooljaury to fer bien» fuseront en arrière-plan. Adrien Duval prend alors la décision de suspendre la séance et terminer peu après son discours, pendant que l'opposition s'adresse aux journalistes à l'extérieur du Parlement.

Pravind Jugnauth retourne sa veste

Lors de son discours au Parlement, jeudi, Pravind Jugnauth a présenté le parcours d'Adrien Duval pour indiquer pourquoi il avait été choisi pour présider les travaux du haut du perchoir. Faisant ainsi état du fait qu'il est titulaire d'une licence en droit (LLB) de l'université de Kent, au Royaume-Uni, qu'il a suivi le cours de formation professionnelle du Barreau au College of Law de Londres. Rappelant qu'il a été admis au Barreau d'Angleterre et du Pays de Galles ainsi qu'au Barreau de Maurice en 2014.

Mettant l'accent sur le fait qu'en 2014, Adrien Duval a participé aux élections générales dans la circonscription no 17, Curepipe-Midlands, et qu'il a été élu, avant de devenir deputy speaker le 22 décembre 2014 jusqu'au 19 décembre 2016. Mais ce qui a retenu l'attention c'est que Pravind Jugnauth a dit ceci : «Ses compétences et qualités, pendant son mandat de deputy speaker à l'Assemblée nationale, ont été reconnues par tous les honorables membres des deux côtés de la Chambre. Au vu de son parcours professionnel et de son expérience, je ne doute pas qu'Adrien Duval continuera de servir la Chambre avec la même dévotion et la même distinction...»

Or, ce même Pravind Jugnauth avait, le 18 octobre 2022, lors d'une Private Notice Question de Xavier-Luc Duval dit cela, comme le remémore une vidéo qui est massivement partagée sur whatsApp : «Mr speaker sir, my child has not been drinking and driving a car and causing an accident! This is cover-up!» ou encore cela lorsque le leader de l'opposition d'alors lui avait demandé de retirer ces propos et de ne pas parler de sa famille au Parlement.

Le Premier minister avait rétorqué : «This is a criminal case where there is an investigation, my friend! What family?» Xavier-Luc Duval avait alors à un moment donné la réplique à Pravind Jugnauth en demandant à ce dernier s'il voulait que lui, à son tour, parle de ses enfants ou de sa femme... Avant, Pravind Jugnauth n'avait pas manqué de commenter à plusieurs reprises, lors de fonctions officielles, l'accident d'Adrien Duval survenu à Ebène le 21 septembre 2022.

Qui plus est, depuis la nomination d'Adrien Duval, ses détracteurs insistent sur le «rôle» qu'a joué celui-ci dans l'éclatement de l'alliance avec Navin Ramgoolam et Paul Bérenger. Duval Jr. avait même rencontré personnellement Navin Ramgoolam à la rue Desforges pour passer en revue la position du PMSD au sein de l'alliance. Au final la cassure a été annoncée le 14 avril...

Aujourd'hui encore - malgré les signes plus qu'évidents - le leader des coqs persiste à dire qu'il n'y a pas d'alliance avec le MSM. Mais n'est-ce pas là de la poudre aux yeux en attendant le «move» décisif ?

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