Elle est parfois là où on ne l'attend pas. Elle est toujours là où elle doit être... Depuis sa nomination en tant que haute-commissaire de l'Inde à Maurice il y a trois ans, elle a participé à plusieurs événements concernant des projets soutenus ou financés par la Grande péninsule, témoignant de la continuité et du renforcement des liens entre nos deux pays.
«Vue» bien plus que les autres ambassadeurs et ambassadrices d'autres pays, la dame au charmant sourire ne passe pas inaperçue, même lors d'événements qui ne concernent pas directement la diplomatie. D'autre part, au moment des actualités majeures susceptibles de fragiliser les relations internationales, elle a entretenu le mystère. Focus sur l'omniprésence de Nandini Singla, pour qui le silence est d'or en ce qui concerne certains épineux dossiers, dont Agaléga.
Elle a intégré les Affaires étrangères de l'Inde en 1997, occupant plusieurs postes clés au cours de sa carrière, et a également été ambassadrice de l'Inde au Portugal de 2016 à 2020 avant d'être nommée haute-commissaire de l'Inde à Maurice en 2021. Après son arrivée, elle a rencontré les leaders des partis politiques et a également visité les locaux de La Sentinelle, rencontrant des journalistes et des responsables de l'express, répondant de bonne foi aux questions - bien que off-the-record - et promettant de toujours répondre aux interrogations de la presse.
La haute-commissaire avait aussi agréablement surpris de par son aisance avec les langues, la culture et son soutien à la presse libre et indépendante. Nous ne savions pas que le robinet des belles paroles allait se tarir plus tard...
En janvier 2021, lors de son vingtième jour en tant que hautecommissaire, Nandini Singla assurait la livraison de 100 000 doses du vaccin Covishield à la population mauricienne dans le cadre de l'initiative «Vaccine Maitri». En mars de la même année, elle affirmait que l'Inde faisait des efforts particuliers pour fournir régulièrement des doses de Covaxin, lors de l'introduction officielle du vaccin dans le cadre du programme national de vaccination. Un événement au cours duquel elle a choisi de poser aux côtés de l'épouse du Premier ministre, Kobita Jugnauth, à qui le vaccin avait été administré.
Silence profond
Ce dont on se souvient surtout, ce sont les activités liées à l'extension du projet Metro Express. Des événements au cours desquels elle ne s'est pas limitée à parler des aides financières et des lignes de crédit offertes au gouvernement mauricien dans le but de renforcer les liens bilatéraux ; elle en a alors profité pour faire l'éloge du Premier ministre et a salué ses qualités de «leadership».
Par ailleurs, la haute-commissaire, dont l'époux est l'ambassadeur de l'Inde en Israël, répond présente lors des cérémonies - même celles qui ne concernent pas directement les partenariats entre l'Inde et Maurice - surtout lorsqu'il y a des ministres parmi les invités, et de préférence le couple Jugnauth. À l'instar d'une célébration de l'Indépendance de Maurice tenue l'année dernière au Réduit, en privé, où elle s'est retrouvée parmi les Mauriciennes élues et épouses de ministres, notamment Kobita Jugnauth, et a posé pour des photos.
L'omniprésence de Nandini Singla s'accompagne ironiquement d'un silence d'or, en particulier lors d'événements qui auraient pu compromettre la stabilité politique et diplomatique entre l'île Maurice, l'Inde et notamment la Chine.
Le scandale «sniffing» figure parmi les inoubliables, la démission de Sherry Singh en tant que CEO de Mauritius Telecom en juin 2022 soulevant des allégations selon lesquelles le Premier ministre l'aurait forcé à permettre à une «équipe indienne», emmenée par celui que l'on surnommera «Monsieur Moustache», d'accéder à la SAFE cable landing station à Baie-du-Jacotet, l'objectif principal étant d'installer un «sniffing device» qui espionnerait le trafic internet mauricien.
Il sera stipulé plus tard que le diplomate indien serait Navin Gulati, appartenant à la Research and Analysis Wing, l'agence du renseignement indien. Selon Bruneau Laurette, dans un affidavit qu'il avait juré le 23 février 2023, il est indiqué que le diplomate indien lui aurait demandé, entre autres, d'infiltrer l'ambassade de Chine à Maurice à des fins d'espionnage. Si Navin Gulati avait qualifié ces allégations de «non fondées», la haute-commissaire est restée muette jusqu'aujourd'hui sur cette affaire.
On y vient... Depuis 2018, plusieurs questions se posent sur la souveraineté et la transparence quant à l'existence d'une base militaire à Agaléga. La presse étrangère, elle, notamment indienne, a toujours bel et bien fait état d'une base militaire indienne sur l'archipel. TheTimes of India en a fait mention dans plusieurs articles, diffusant des photos de constructions sur Agaléga, notamment dans un article intitulé «Images of India's military base in Mauritius Revealed».
Alors que le gouvernement mauricien a toujours nié l'existence de cette base militaire, l'actuelle haute-commissaire indienne a choisi, une fois encore, de se murer dans un silence profond face aux explications réclamées à ce sujet. Au Parlement, le Premier ministre a également dit que l'accord entre Maurice et l'Inde au sujet de la construction d'une piste d'atterrissage et d'une jetée à Agaléga ne sera pas rendu public, citant la clause de confidentialité.
Pour répondre aux questions concernant la volonté de l'Inde de dévoiler l'accord, Pravind Jugnauth a cité un communiqué publié par le haut-commissariat indien en... 2018. Le communiqué stipulait que «any statement that the Government of India is willing to disclose bilateral agreements between India and Mauritius in areas including bilateral assistance projects and commercial cooperation, whereas the Government of Mauritius is not willing to do so, is entirely incorrect».
Le récent atterrissage du Boeing P-8I Poseidon de la marine indienne à Agaléga le 9 juillet dans le cadre d'un exercice de surveillance de la zone maritime a, pour sa part, renforcé les spéculations selon lesquelles l'infrastructure nouvellement construite semble destinée principalement aux forces de défense indiennes.
D'autant plus que le Premier ministre avait indiqué, lors de l'inauguration de la piste d'atterrissage le 29 février 2024, qu'il n'y a pas de plan établi pour permettre des vols commerciaux vers l'île. Madame Singla, elle, n'en a pipé mot, comme à l'accoutumée. La dernière fois qu'elle a été vue lors d'une fonction diplomatique, c'était à l'invitation de l'ambassade de France, à l'occasion des célébrations liées au 14-Juillet.