Cameroun: Quand la liberté rentrera - L'exil à Mbalmayo

22 Juillet 2024
opinion

« Quand la liberté rentrera, je rentrerai », proclamait Hugo, exilé à Bruxelles. Ce scénario semble aujourd'hui prendre forme au Cameroun avec certains de ses leaders. Le préfet du département du Mfoundi, le plus important du pays car siège des institutions, vient de franchir le Rubicon avec un arrêté des plus absurdes jamais édicté en Afrique.

Cet arrêté stipule de maintenir éloignés de Yaoundé ceux qui seraient tentés de troubler la quiétude des citadins. Ainsi, Yaoundé devient comme Paris au XIXe siècle, où il fallait un visa pour y accéder. La capitale prend de l'importance. Ici, on ne menace plus une personne de prison ou de représailles, mais de l'exiler quelque part dans le pays jusqu'à ce qu'elle retrouve la raison. Par cet acte, le préfet vient de diviser le pays en deux : les fauteurs de troubles auront leur ville, et les citadins dociles, la leur, à savoir Yaoundé. Désormais, un simple gendarme peut vous inviter à quitter Yaoundé ou vous expédier à Mbalmayo en attendant que la raison vous revienne. Oh Mbalmayo, quel malheur si l'on devait m'y exiler.

Cette décision du préfet du département du Nfoundi, qui impose de maintenir loin de Yaoundé ceux qui pourraient troubler la tranquillité de ses habitants, aura des répercussions profondes et variées sur le Cameroun. la première observation est la division sociale et politique : en scindant le pays entre une élite citadine considérée comme docile et les « fauteurs de troubles » relégués à la périphérie, cette mesure accentue les tensions sociales et politiques. Elle crée une fracture entre les citoyens et renforce un sentiment d'injustice et d'exclusion chez ceux qui se voient bannis momentanément de la capitale. Cette situation représente une atteinte grave à la liberté de circulation. En menaçant d'exil interne, le préfet utilise une nouvelle forme de coercition, limitant ainsi les droits fondamentaux des citoyens et instaurent une forme de contrôle social rigide et oppressante.

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Le plus grand risque est la stigmatisation de certaines régions. Je ne suis pas certains que l'autorité centrale était au courant de telle mesure car cette décision remet en question les principes démocratiques et républicains du pays. Ce geste pourrait inciter d'autres régions à adopter des mesures similaires, conduisant à une désintégration progressive de l'unité nationale. l'impact économique est très grave : en restreignant l'accès à la capitale, qui est le coeur économique et administratif du pays, cette décision pourrait également avoir des conséquences économiques. Les mouvements de travailleurs, d'investisseurs et de ressources pourraient être perturbés, impactant négativement le développement et la croissance économique du Cameroun. En somme, cette mesure drastique, au-delà de son absurdité apparente, pourrait déclencher une série de bouleversements sociaux, politiques, économiques et diplomatiques, dont les répercussions pourraient être à long terme et difficiles à réparer. Lorsque j'ai entendu parler de cet arrêté et des commentaires qui ont suivi, j'ai ri. Un vrai rire, parce que comme dit Érasme dans L'Éloge de la folie, l'Afrique nous apportera toujours quelque chose de nouveau.

Le temps de parler avec des signes

Ce n'est même pas nouveau, puisque dans certains villages, le chef a le droit de refuser le séjour à un individu. Voici venu le temps où il faut communiquer par des SIGNES. J'ai toujours considéré les Camerounais comme des personnes intelligentes et ce pouvoir est capable de toutes les stratégies pour se maintenir. On ne doit pas insulter les institutions ni ceux qui les incarnent, je suis d'accord. Si le préfet a pris cette décision, c'est peut-être pour protéger la paix sociale, étant donné que certains leaders ont commis des erreurs de communication. Quand une erreur de communication, comme celle qui dit « les survivants resteront pour arranger le pays », survient, on la prend au sérieux et on trouve tous les moyens pour contrecarrer une telle idée. C'est de bonne guerre. Tout le monde ne cherche pas le pouvoir ; certains aspirent à vivre en paix, quels que soient les dirigeants en place. Le préfet n'a peut-être pas pris cette décision au hasard, il pourrait avoir des informations sur des tentatives de déstabilisation.

Pauvre âme

En stratégie politique, on se base sur les erreurs de l'autre pour le vaincre. Au Cameroun, pour obtenir le pouvoir, il faut des gestes lucides, ceux qui sont passés par la violence ont toujours été vaincus. Mais ils ne comprennent toujours pas. Le Cameroun recommande à ses dirigeants une véritable réappropriation de nos âmes égarées. Très peu de gens voudront croire qu'un tel arrêté soit vraiment pris dans notre pays, mais c'est le chemin de la liberté qui rencontre une bourrasque qu'il faut surmonter. Une fois cet obstacle franchi, le pays sera libre et les gens seront contents de retrouver leur capitale. Actuellement, nous avons deux grandes gueules, l'une à l'opposition, l'autre au pouvoir. Ils sont entrés dans l'arène politique ensemble, ils ont mis leur fougue et leur angélisme au service d'une certaine cause. L'un a promis la victoire, l'autre la victoire sur la victoire. 2025 ne sera pas aussi chaud que prévu, puisque la décision la plus difficile vient de sceller le sort des braves.

Un ami, professeur de droit, me disait que le Cameroun est un pays de créateurs. C'est vrai, comme le comédien Antonio s'amusait autrefois à dire : « Le Seigneur Jésus est né au Cameroun ». C'est aussi au Cameroun qu'on l'aurait crucifié. Il y a longtemps qu'on avait assassiné la liberté, maintenant on est en train de la massacrer. Elle a une jambe cassée, un crâne éclaté, les yeux crevés, et une pluie de balles déferle actuellement sur son corps. Le préfet du Nfoundi a très mal exprimé ce qu'il voulait dire, pauvre âme ! Il devient par ce fait l'une des personnes les plus serviles que j'ai rencontrées de toute ma vie. Je ne le connaissais pas, je n'avais jamais entendu parler de lui, mais aujourd'hui il demeure un ange. Voilà l'histoire qui sera racontée par les historiens. Que ce pouvoir qu'il embrasse le vivifie et le sanctifie.

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