Un conflit sans précédent secoue actuellement la Société Nationale des Hydrocarbures (SNH) du Cameroun, mettant en lumière une lutte de pouvoir intense entre deux figures majeures de l'establishment camerounais : Ferdinand Ngoh Ngoh, secrétaire général de la présidence de la République et président du conseil d'administration de la SNH, et Adolphe Moudiki, directeur général de la même institution.
Cette crise a atteint son paroxysme le 17 juillet 2024, lorsque Moudiki a pris la décision radicale de fermer les portes de la SNH, empêchant ainsi la tenue d'un conseil d'administration convoqué par Ngoh Ngoh. Cet acte, considéré comme une véritable humiliation pour le secrétaire général de la présidence, a marqué le début d'une escalade dans ce qui apparaît désormais comme une guerre ouverte entre les deux hommes.
Face à cette situation inédite, Ngoh Ngoh a tenté de reprendre la main en convoquant un nouveau conseil d'administration pour le 24 juillet 2024. Dans une manoeuvre inhabituelle, il a décidé de délocaliser la réunion au secrétariat général de la présidence de la République, loin du siège traditionnel de la SNH. Cette décision, perçue comme une tentative de contourner l'autorité de Moudiki sur son terrain, n'a fait qu'exacerber les tensions.
Dans un effort apparent de conciliation, Ngoh Ngoh a pris l'initiative d'appeler Moudiki le 18 juillet, invoquant une instruction du président Paul Biya pour la tenue du conseil d'administration. Moudiki, bien qu'ayant accepté l'appel, est resté sur ses positions. Un rendez-vous a néanmoins été fixé pour le lendemain à la résidence de Moudiki.
Cependant, le 19 juillet, lorsque Ngoh Ngoh s'est présenté au domicile de Moudiki, il s'est heurté à des portes closes. Moudiki avait expressément ordonné de ne pas laisser entrer celui qu'il qualifie désormais de "voyou", infligeant ainsi une nouvelle humiliation au secrétaire général de la présidence.
L'affrontement a pris une nouvelle dimension le 22 juillet, lorsque Moudiki et son épouse Nathalie ont quitté Yaoundé pour Paris, signifiant clairement leur intention de ne pas participer au conseil d'administration prévu pour le 24 juillet.
Cette crise au sommet de la SNH soulève de nombreuses questions sur la gouvernance du secteur pétrolier camerounais et, plus largement, sur le fonctionnement des institutions de l'État. La SNH, en tant que gestionnaire des ressources en hydrocarbures du pays, joue un rôle crucial dans l'économie camerounaise. Le conflit entre ses deux principaux dirigeants risque donc d'avoir des répercussions importantes sur la gestion du pétrole national et, par extension, sur les finances publiques du Cameroun.
L'attitude de Moudiki, qui semble défier ouvertement l'autorité de la présidence, interroge sur l'étendue réelle du pouvoir de Paul Biya et de son entourage proche. Cette situation met en lumière les luttes intestines au sein de l'élite dirigeante camerounaise et pourrait être le signe d'un affaiblissement du contrôle présidentiel sur certaines institutions clés.
Par ailleurs, ce conflit intervient dans un contexte de transition énergétique mondiale, où les pays producteurs de pétrole sont appelés à repenser leur stratégie à long terme. La paralysie de la direction de la SNH pourrait entraver la capacité du Cameroun à s'adapter à ces nouveaux défis et à optimiser la gestion de ses ressources pétrolières.
La communauté internationale et les partenaires économiques du Cameroun observent attentivement cette situation, qui pourrait avoir des implications sur la stabilité du pays et son attractivité pour les investisseurs étrangers dans le secteur énergétique.
Alors que le Cameroun fait face à de nombreux défis économiques et sécuritaires, cette crise au sein de l'une de ses institutions les plus stratégiques souligne l'urgence d'une réforme en profondeur de la gouvernance du pays. Elle met également en évidence la nécessité d'une plus grande transparence dans la gestion des ressources naturelles et d'un renforcement des mécanismes de contrôle institutionnel.
L'issue de ce bras de fer entre Ngoh Ngoh et Moudiki pourrait bien déterminer non seulement l'avenir de la SNH, mais aussi influencer la dynamique du pouvoir au sein de l'État camerounais. Dans tous les cas, cette crise souligne l'urgence d'une clarification des rôles et des responsabilités au plus haut niveau de l'État, afin de garantir une gestion efficace et transparente des ressources nationales.