Les sociétés de sécurité russes et chinoises n'ont pas les mêmes approches. Alors que les premières privilégient des environnements instables pour assurer la sécurité de certains régimes et mener des campagnes d'influence, les secondes évitent de s'implanter dans des zones à risques, en raison notamment de leur manque d'expérience en matière de conflit, indique le rapport.
Pendant que l'expansion des entreprises de services de sécurité et de défense (ESSD) chinoises en Afrique suit avant tout une logique économique orientée par la protection des ressortissants et des actifs de l'empire du Milieu, les Russes se concentrent davantage sur des considérations politiques et géostratégiques, indique le rapport de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS), intitulé « Entreprises de services de sécurité et de défense russes et chinoises en Afrique : deux modèles concurrents ? ».
Depuis les années 2000, la Chine et la Russie se sont affirmées comme des acteurs de premier plan en matière de sécurité internationale et ont développé leur influence sur le continent, notamment via les ESSD. Le lancement de l'initiative des nouvelles routes de la soie, en 2013, et son expansion économique, a permis à Pékin de renforcer sa présence en Afrique. Plus de vingt ESSD de premier plan en Chine sont aujourd'hui actives dans près de trente pays africains.
C'est le cas de China Overseas Security Group, Beijing Huayuan Security Guard Service et VSS Security Group. L'objectif premier de ces sociétés est de protéger les ressortissants chinois (+1 million) et les intérêts économiques de la Chine (volume d'échanges avec l'Afrique : 282 milliards de dollars en 2022), Le Nigeria et l'Afrique du Sud, l'Afrique orientale et la Corne de l'Afrique abritent le plus grand nombre de sociétés et la plus grande diaspora chinoise. Ces entreprises opèrent surtout dans des pays à haut risque tels que le Mali, la Centrafrique ou la Libye.
Une présence relativement discrète des ESS chinoises
Les sociétés d'État et les institutions officielles (ambassades, instituts Confucius) sont les premiers clients des ESSD chinoises. DeWe Security protège, par exemple, un projet de gazoduc de 4 milliards de dollars entre l'Ethiopie et Djibouti pour le groupe chinois Poly-GCL Petroleum. Si ces ESSD maintiennent une présence relativement discrète et guidée par des considérations principalement économiques en Afrique, elles se distinguent de leurs homologues occidentales en ce qu'elles contribuent en même temps à renforcer l'influence et le contrôle de l'État-Parti chinois.
En dépit de leur nom, les sociétés de sécurité privée chinoises ne sont pas réellement « privées ». Dans certains cas, le ministère de la Sécurité publique sous-traite des activités de collecte de renseignement aux ESSD, notamment pour faciliter l'identification d'opérations illégales dans des pays africains. Le rapport note également que les activités de ces sociétés se diversifient progressivement pour englober des opérations liées à la sécurité maritime et aux services d'audit de sécurité et de gestion de crise.
Des activités associées aux intérêts géopolitiques de la Russie
Le rapport souligne la présence d'une dizaine des ESSD russes entre 2000 et fin 2023, dont Wagner, Anti-Terror Orel (Angola, Nigeria et Sierra Leone), Moran Security Group (Centrafrique, Kenya et Nigeria) et Vega/Vegacy Strategic Services (Somalie). Des signes de présence de ESSD ont été détectés dans vingt pays, indique le rapport. Les sociétés de sécurité russes se caractérisent par l'absence d'un statut légal défini, la relation opaque qu'elles entretiennent avec l'État russe et un cercle d'oligarques, tels qu' Evgueni Prigojine et Guennadi Timtchenko, ainsi que par la présence en leur sein d'anciens membres des forces armées russes.
Le manque de visibilité de nombreuses ESSD russes s'explique essentiellement par l'omnipotence de la société Wagner, qui a réussi à développer une forte influence sur le continent. La stratégie russe repose sur la coordination d'actions militaro-sécuritaires, économiques, diplomatiques et informationnelles visant à rehausser la position globale de Moscou et sa perception en tant que grande puissance, à refaçonner l'ordre international selon sa vision, et à réduire l'influence occidentale. La mort d'Evgueni Prigojine, à l'été 2023, aura été un tournant majeur, avec la reprise en main de Wagner par le Kremlin.