L'affaire British American Tobacco (BAT) Cameroun prend une nouvelle tournure avec des révélations choquantes concernant le terrain controversé du carrefour Bastos à Yaoundé. Alors que la société dénonce une appropriation frauduleuse de son terrain par l'État, de nouvelles informations mettent en lumière des ventes illégales effectuées par BAT elle-même.
Le ministre des Domaines, du Cadastre et des Affaires foncières, Henri Eyebe Ayissi, avait créé une commission ad hoc le 10 janvier pour enquêter sur la situation. Suite aux conclusions rendues le 1er mars, le ministre a signé un arrêté le 25 avril, dépossédant BAT Cameroun de 4 hectares de son terrain. Cette décision s'appuie sur "l'insuffisance des mises en valeur" et sur l'ordonnance de 1974 concernant le "droit de préemption de l'État" sur les terrains appartenant à des étrangers.
Cependant, l'affaire prend une tournure inattendue avec la révélation que BAT avait déjà vendu une partie significative du terrain de 10 hectares qui lui avait été octroyé par l'État du Cameroun en 1994. Entre 1998 et 2021, l'entreprise aurait cédé une vingtaine de parcelles à des personnalités influentes du pays, notamment :
- Jérôme Obi Eta, président du conseil d'administration de Camwater
- Grégoire Owona, ministre du Travail et secrétaire adjoint du RDPC
- Jean-Marie Atangana Mebara, ancien ministre des Relations extérieures
- Yves Michel Fotso, milliardaire, via sa SCI La Tornade
L'achat d'une parcelle par Yves Michel Fotso en 2019 pour 40 millions de francs CFA (61 000 euros) fait d'ailleurs l'objet d'un contentieux judiciaire avec BAT devant le tribunal de Yaoundé.
Ces révélations contredisent les déclarations de BAT dans sa lettre au chef de l'État, Paul Biya, où l'entreprise affirmait travailler à la mise en valeur du site avec un investissement prévu de 600 millions d'euros. Malgré ces allégations, le président Biya a autorisé le ministre Eyebe Ayissi à retirer le titre foncier à BAT.
Le scandale s'intensifie avec l'information selon laquelle les terres retirées à BAT ont été redistribuées à d'autres particuliers, parmi lesquels figureraient les enfants de la première dame Chantal Biya. Cette redistribution soulève des questions sur la transparence et l'équité du processus de réattribution des terres.
Cette affaire met en lumière les complexités et les enjeux du système foncier camerounais, ainsi que les liens étroits entre les milieux d'affaires et politiques. Elle soulève également des interrogations sur la gestion des investissements étrangers et la protection des droits de propriété dans le pays.
Alors que l'affaire continue de se développer, de nombreux observateurs appellent à une enquête approfondie et transparente pour faire toute la lumière sur ces transactions controversées et garantir une gestion équitable des ressources foncières du pays.