Mali: Un géant s'en est allé

22 Juillet 2024

Toumani Diabaté, le maître de la kora, le crooner à la voix captivante du Mali, a définitivement rangé son instrument fétiche, vendredi dernier en succombant à la maladie qui le rongeait depuis quelques années. « Griot-roi » de la grande famille des Diabaté, l'une des plus prestigieuse avec celle des Kouyaté (leurs ancêtres étaient présents sur le champ de bataille de Kirina à côté de leurs maîtres et lors de l'adoption de la charte de Kouroukan Fouga), Toumani peut être considéré comme l'une des plus grandes figures de la musique malienne à côté de Salif Keita, Ali Farka Touré, Oumou Sangaré ... et leur père spirituel Bazoumana Sissoko dit le lion, dont le ngoni (petit instrument à cordes) jouait seul (authentique) quand le Vieux était en « transes ».

Toumani a écumé toutes les grandes salles du monde entier et a été récompensé par un Grammy Awards avec son alter-ego Ali Farka Touré, pour leur album In the Heart of the moon, sorti en 2005. Un album qui, selon les critiques, révélait « l'ADN » du blues, comme du reste Ali Farka Touré aimait à le dire en parlant de ses chansons. Ce blues que l'on dit venir des plantations de coton du « deep south » américain et dont l'origine est à rechercher dans des périodes plus lointaines, avec « l'exode » des Egyptiens anciens à l'intérieur du continent africain après l'invasion des perses de Cambyse en 525 avant Jésus-Christ.

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Ces chants de lamentations et de plaintes ont bercé leur traversée du désert, pour venir éclater dans toute leur splendeur dans l'ouest africain (Mali, Sénégal, Niger, Guinée), avec les instruments qui les accompagnaient depuis la mère patrie. A contrario, on constate que les musiques bantoues de la forêt équatoriale sont plus gaies et enjouées, ces peuples n'ayant pas connu cette épreuve déchirante.

Culture et histoire sont donc intimement liées et, pour en revenir à cette place forte de la musique africaine qu'est le Mali, on peut dire qu'elle se relèvera de cette épreuve cruelle. Déjà au sein de la famille Diabaté, Sidiki marche sur les pas de ses ancêtres, lui, l'incarnation de la nouvelle vague foisonnante et riche. Son spectacle lors de l'ouverture du dernier FESPACO reste encore vivace dans les mémoires, avec cette interprétation magistrale des hymnes nationaux malien et burkinabè avec sa divine kora.

A côté de lui, une nouvelle génération totalement décomplexée comme le rap maker Iba One, dont le beat fusionnel est apprécié à travers le monde. Et puis, des baobabs comme Salif Keita, Oumou Sangaré sont là pour indiquer la voie aux plus jeunes. La musique malienne a donc une identité, ce qui explique ses succès au plan international.

L'occasion pour nous de revenir au Faso pour dire que nos musiciens doivent aller puiser dans les fondamentaux de notre culture en privilégiant les sons et les instruments du terroir, plutôt que d'en faire des « succédanés » dans leurs productions. Cette musique hybride qu'ils appellent pompeusement « world music » a en effet peu de chance de percer à l'international. Georges Ouédraogo, le Gandaogo national l'a compris avant l'heure et son succès européen en témoigne.

Peu de gens le savent, mais le mythique groupe antillais Kassav, chantait en première partie des concerts de Bozambo dans les années 70-80. Et, n'eut été les vicissitudes de la vie, un To Finley aurait atteint les charts internationaux avec son flow ko. A la génération actuelle de faire preuve de plus d'ingéniosité et de créativité pour sortir des concerts locaux et s'affirmer en Afrique et dans le monde. Il y a de la bonne graine certes, mais les fleurs tardent à éclore. En attendant que l'âme du descendant de Djelimakan Diabaté, fondateur de la famille, se purifie.

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