Sénégal: Préparation des JO 2024, rôle de l'Etat et des fédérations - Le diagnostic sans complaisance des experts

22 Juillet 2024

L'Association nationale de la presse sportive (Anps) a tenu ce samedi, à la Maison de la presse, un Panel sur les JO de Paris 2024, au cours duquel les experts ont abordé la préparation saccadée des 11 athlètes, le rôle de l'Etat et des Fédérations pour de meilleures conditions.

La réalité est dure à avaler : Amadou Dia Ba est l'unique médaillé olympique de l'histoire du Sénégal. Depuis Séoul 88, aucun autre n'est arrivé sur le podium. Au moment d'en parler ce samedi, lors d'un Panel sur les JO de Paris, organisé par l'Association nationale de la presse sportive, le concerné éprouve une certaine gêne. Mais il est conscient que le manque de politique sportive adaptée y est pour quelque chose.

« Si ce n'était pas certains dirigeants de la trempe de Lamine Diack ou mon entraîneur en France qui gérait certaines de mes dépenses en attendant que je gagne quelque chose lors des meetings, je n'en serais pas là. Déjà, quatre ans avant ma médaille à Séoul, j'étais finaliste (Los Angeles 84). Cela prouve que c'est un travail de longue haleine. Mais tout de suite après cette performance, j'avais établi une fiche pour m'aider lors des échéances à venir mais c'est resté comme lettre morte », a témoigné le directeur du Centre africain d'athlétisme de Dakar.

Un contexte de tension de trésorerie

Ce manque de regard des autorités étatiques s'est ressenti pour le cas de Louis François Mendy. Le champion d'Afrique du 110m haies et espoir de médaille pour les joutes de Paris (26 juillet - 11 août 2024) avait déposé une expression de besoins chiffrée à 23 millions de FCfa. Ayant présidé la cérémonie d'ouverture dudit Panel, la ministre de la Jeunesse, des Sports et de la Culture, Khady Diène Gaye, a mis en avant les efforts qui ont été faits pour débloquer 11,3 millions de francs pour chacun des 11 athlètes qualifiés.

« D'importants moyens ont été mobilisés. Malgré le contexte de rareté des ressources, chaque athlète recevra 11,3 millions de francs Cfa correspondant aux différentes étapes, de la préparation à la participation en passant par la qualification », a-t-elle relevé, appelant à la mobilisation du secteur privé et à la synergie entre les autorités du pays et le mouvement sportif.

Revenant justement sur le « Rôle de l'Etat », Souleymane Boun Daouda Diop a soutenu que la puissance publique a le « devoir de donner la possibilité à chaque Sénégalais de pratiquer le sport de son choix. Et, s'il a un potentiel, de l'accompagner pour qu'il puisse le représenter aux compétitions internationales ». « L'Etat a le droit et le devoir d'investir sur sa jeunesse sportive car une jeunesse sportive performante signifie que l'Etat a de bonnes politiques de jeunesse, de sport et de santé. Maintenant, la politique sportive d'un pays n'est pas un modèle à importer, mais un construit qui se base sur nos réalités politiques, économiques, sociales et culturelles.

Au Sénégal, les régimes passent mais le rôle de l'Etat n'a pas changé. Ce qui est constant, c'est que le rôle de l'Etat envers les sportifs et le mouvement sportif est de permettre au mouvement sportif de participer aux Jeux olympiques. La philosophie de l'olympisme, c'est l'universalité. Quand 205 Comités nationaux se retrouvent dans une même ville, il est inconcevable qu'un pays puisse être absent. Le Sénégal fait partie des 20 pays qui n'ont jamais raté les JO. De 1965 à aujourd'hui, malgré les boycotts qui ont marqué l'histoire, nos gouvernants ont toujours voulu dissocier la politique du sport », a appris l'ex directeur de la haute compétition, aujourd'hui à la retraite.

« Il nous faut une équipe nationale olympique en réunissant les médaillés africains, toutes disciplines confondues » (Souleymane Boun Daouda Diop)

A Paris, c'est la 15e fois que le Sénégal va participer à des Jeux. L'enjeu, pour Souleymane Boun Daouda Diop, est de ne pas se contenter du simple rôle de participant. Ce qui renvoie à une meilleure préparation. « Sur ce point, aucun effort n'a été fait par un gouvernement. Ce n'est pas à deux mois des JO qu'on prépare un athlète, mais il en faut 8 ans au minimum. Or, ici, vous ne voyez jamais un budget spécifique pour la préparation des JO. Les Fédérations n'ont pas les moyens. Et une médaille olympique, c'est comme de la matière première. Les nouveaux dirigeants disent qu'il faudrait qu'on puisse transformer nos matières premières. C'est la même chose avec nos athlètes qui ont besoin d'avoir à disposition des infrastructures, ressources humaines et machines de qualité. Tant que nous n'avons pas cela, nous faisons fausse route.

Le dirigeant, le technicien et l'athlète font partie de l'ensemble, ils doivent tous être préparés. Avoir une médaille en 2024 voire en 2028, c'est hypothétique. Il faut donc mettre en place une génération 2032, doter les communes de moyens pour pouvoir les entraîner pendant deux ans au niveau local, avoir une équipe départementale puis régionale et, au bout de quatre ans, une équipe nationale. Il nous faut une équipe nationale olympique en réunissant les médaillés africains, toutes disciplines confondues, pour que le Comité olympique et l'Etat les prennent en charge. Avec le statut de sportif de haut niveau, cela leur permettra de participer à des compétitions internationales. Il faut donc une politique adaptée à nos moyens », a-t-il ajouté.

Combler le déficit de préparation

Les échanges l'ont trouvé dans la capitale française mais Ibrahima Wade, coordonnateur général des Jeux olympiques de la jeunesse (COJOJ) Dakar 2026, a tenu à jouer sa partition par visio. Pour lui, le CNOSS, en tant que mère des Fédérations, a pour mission d'être à leurs côtés. Seulement, à part les Jeux Londres 2012 (football) et Rio 2016 (basket), il a constaté une faible participation dans les sports individuels. Ce qu'il explique par un déficit de préparation.

Tirant les leçons, le CNOSS a changé d'approche en renonçant depuis deux ans aux subventions destinées aux Fédérations et en faisant bénéficier à 8 athlètes des bourses de qualification. Mieux, en février 2023, les athlètes ont été accompagnés de façon spéciale, après plusieurs réunions avec les directeurs techniques nationaux. Soit 1000 euros par mois pour chaque athlète. Un accompagnement qui concernait aussi les entraîneurs. M. Wade trouve qu'il y a un déficit à combler sur l'identification de préparation. L'objectif étant d'aller vers Los Angeles 2028 et Brisbane 2032.

Dans son mot de bienvenue comme dans son discours pour clôture, le président de l'Anps a rappelé la tenue de tels exercices avant chaque compétition internationale et remercié les panélistes, le modérateur Santi Sène Hagne, président de la Fédération de Handisport, ainsi que la qualité de l'assistance, notamment le professeur Abdoulaye Sakho, le président de la Zone 2 de basket, Mathieu Faye, le coach des Lions du football, Aliou Cissé, Amadou Mactar Diop, président de la Fédération de Karaté... Comme pour répondre aux interpellations des observateurs sur le fait de « vendre » l'image des athlètes, Abdoulaye Thiam a promis que la presse sportive continuera de jouer son rôle de vigie tout en invitant à ne pas confondre égalité et équité.

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