Dans une interview percutante au quotidien Mutations, Garga Haman Adji, ancien ministre et président général de l'Alliance pour la Démocratie et le Développement (ADD), livre une analyse sans concession de la situation politique au Cameroun. Figure emblématique de l'opposition et potentiel candidat à la présidentielle de 2025, il dresse un tableau réaliste, voire pessimiste, de l'avenir politique immédiat du pays.
"Dans le contexte actuel, même étendu sur une civière, le candidat Biya sera réélu," affirme-t-il sans détour. Cette déclaration choc souligne la mainmise du pouvoir en place sur les institutions et le processus électoral. Garga Haman Adji, fort de son expérience politique, s'appuie sur une série d'indices pour étayer son pronostic, mettant en lumière les défis auxquels fait face la démocratie camerounaise.
L'ancien ministre critique vivement la prochaineprorogation du mandat des députés, qu'il qualifie de violation des principes démocratiques et du contrat social. "C'est un abus d'autorité," déclare-t-il, accusant le pouvoir de se substituer à la volonté des électeurs. Il voit dans cette manoeuvre des "soupçons de machiavélisme" et une tentative de rassurer ceux qui doutent de leur réélection.
Abordant la question de l'équilibre régional, Garga Haman Adji rappelle son action en tant qu'ancien ministre de la Fonction publique. Il avait alors mis en place une circulaire réglementant les recrutements administratifs pour assurer une représentation équitable de toutes les régions. "L'équilibre régional n'est pas une question de favoritisme. C'est une question de justice," insiste-t-il, mettant en garde contre les risques d'éclatement du pays si cet équilibre n'est pas respecté.
Pour résoudre les problèmes structurels du Cameroun, notamment la "crise anglophone", l'ancien ministre prône un retour au fédéralisme. Il propose la création de quatre États fédérés : le grand Nord, le Centre, le Littoral-Ouest, et le Cameroun occidental. Cette structure, selon lui, permettrait une répartition plus équitable des compétences et des ressources, s'inspirant du modèle belge.
Concernant l'économie, Garga Haman Adji déplore le taux de chômage alarmant, particulièrement chez les jeunes diplômés. Il critique l'absence de politiques efficaces en matière d'emploi et appelle à une exploitation plus judicieuse des ressources naturelles du pays. "Le Cameroun est un réservoir inépuisable de richesses, d'emplois, d'argent et surtout d'espérance," affirme-t-il, proposant des solutions concrètes dans les secteurs agricole et industriel.
L'ancien ministre se montre également critique envers certains projets d'infrastructure, comme la route Ntui-Yoko-Tibati, qu'il juge mal conçus et potentiellement stériles sans une vision intégrée du développement.
En conclusion, Garga Haman Adji livre un diagnostic sans complaisance de la situation politique et économique du Cameroun. Tout en reconnaissant les défis immenses, il appelle à une refonte profonde du système politique et économique pour assurer un avenir plus équitable et prospère pour tous les Camerounais. Son analyse, empreinte de réalisme et d'expérience, offre une perspective précieuse sur les enjeux cruciaux auxquels le pays devra faire face dans les années à venir.