TUNIS/Tunisie — Le tout premier coup de coeur avec la danse sévillane sur la scène du théâtre antique de Carthage remonte à l'été 1969, avec les rythmes d'el baile et les mouvements des palmas de la danseuse de flamenco, Lucero Tena, la star mondiale des castagnettes.
55 ans après c'est une pointure d'une autre ère, d'un nouveau style: Sara Baras, âgée de 53 ans, l'ambassadrice du ballet flamenco et de la culture espagnole dans le monde et l'une des représentantes les plus prestigieuses et reconnues des arts du spectacle à l'échelle internationale, s'est produite mardi soir dans le cadre de la 58ème édition du Festival International de Carthage.
Pour cette édition 2024 avec les 60 ans de l'âge du festival, la vedette de la soirée dont la compagnie "Ballet Flamenco Sara Baras" fondée en 1998 fête ses 25 ans, avec plus de 4 000 représentations dans les grands théâtres du monde, a choisi pour son public une envolée avec « Vuela », qui se présente comme un vibrant hommage dans l'art des émotions, à la mémoire du maestro de la guitare flamenco, le génie espagnol le plus connu dans le monde, Paco De Lucia (1947), pour la commémoration du dixième anniversaire de sa disparition (2014).
Les mélomanes parmi un public cosmopolite où une forte communauté espagnole était présente, a eu droit au meilleur des hommages chorégraphiques rendus au génie natif d'Algésiras avec "Vuela" qui veut dire en français « En volant » donnant à découvrir la beauté, la puissance et la grâce d'un art flamenco moderne incarné par les cinq danseuses et d'un bailaor, chanteurs et musiciens de la jeune génération andalouse qui ont fait le tour des meilleurs théâtres du monde dont le Royal Albert Hall de Londres, l'Opéra de Sydney, le Théâtre des Champs-Élysées de Paris, le City Center de New York, le Bunkamura de Tokyo ou le Concert Hall de Hong Kong.
Avec un véritable conte musical, poétique et chorégraphique, la chorégraphe mais aussi metteure en scène Sara Baras a ramené le public dans un voyage qui rime avec l'évasion et les émotions. Car dans cette escapade chorégraphique, chaque tableau qui tourne autour de mots en mouvements créé à lui seul un langage si fascinant où chaque rythme de pas, chaque son d'instrument, chaque couleur de costumes, chaque posture et chaque frappe de doigts raconte un récit aussi puissant qu'émouvant dans des scènes où les costumes et les lumières ont balisé la voie pour comprendre le langage qu'une âme peut saisir quant la langue fait obstacle.
Enveloppées non pas dans des robes rouges éclatantes, mais plutôt dans les tons du noir, du pastel et du bleu, les danseuses seules ou avec Sara Baras ont livré pour plus d'une heure et demi des performances captivantes aussi bien visuellement qu'émotionnellement.
De son style singulier et de sa grande passion qu'elle a nourri dès son jeune âge, Sara Baras qui a partagé la scène avec de grands chanteurs de flamenco comme Camarón de la Isla, a enchanté avec son groupe tous ceux qui ont eu la chance de la voir danser une danse qui dit amour, nostalgie, souvenir, attachement, souffrance, joie, le tout autour de la vie et de la mort...une danse qui parle à tous et qui incarne bien le duende à plus d'un titre pour un public qui était là, à admirer, chacun en dehors et en dedans de lui-même.
Des moments qui rappellent pour certains le "cante jondo" , ce chant le plus profond que toutes les mers qui entourent le monde, beaucoup plus profond que le coeur qui le crée et que la voix qui le chante parce qu'il est tout simplement infini. Comme l'est Paco De Lucia dans "Vuela".