Afrique: Le conflit en RDC risque de s'étendre - Les dirigeants africains doivent s'efforcer de trouver des solutions autres que l'intervention militaire

analyse

Face à l'aggravation de la crise dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC), le Conseil de sécurité des Nations unies a créé en 2023 un groupe d'experts indépendants chargé d'examiner la situation et de lui proposer des solutions pour résoudre le conflit. En juin 2024, l'ONU a publié le rapport du groupe.

Ce rapport décrit de manière accablante l'ampleur inédite de la violence contre les civils. Il montre également l'incapacité des acteurs étatiques à travailler à l'unisson pour ramener la paix dans la région. Les parties impliquées - en particulier les gouvernements du Rwanda, de l'Ouganda et de la RDC - ont clamé leur innocence.

J'ai fait des recherches sur l'extrémisme violent en Afrique, en particulier sur ses effets en Afrique centrale et australe. La réticence des élites dirigeantes de toute l'Afrique centrale à assumer leur part de responsabilité dans le conflit soulève des interrogations sur les mesures nécessaires pour promouvoir la paix et le développement.

L'option militaire n'est manifestement pas adéquate pour résoudre les profondes lignes de fracture historiques, ethniques et basées sur les ressources dans toute l'Afrique centrale, telles qu'elles se manifestent en RDC. Les relations entre les présidents de la région, en particulier la RDC et le Rwanda, ont été tendues en raison de ce passé conflictuel

Pour renforcer les mesures de stabilisation, les dirigeants africains doivent poursuivre les options diplomatiques, y compris la mise en place d'un cessez-le-feu immédiat. Il doit s'accompagner d'un désengagement des forces et de la neutralisation des rebelles des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda, qui opèrent à partir de la RDC. Des mesures de confiance doivent également être prises entre les parties au conflit.

Avant d'examiner les options, analysons certaines des principales conclusions du rapport de l'ONU.

Le rapport identifie les éléments déclencheurs de la guerre et les obstacles à la paix suivants :

  • la violence extrême : à l'encontre des hommes, des femmes et des enfants
  • une crise humanitaire
  • l'extraction illégale de ressources
  • les nouvelles formes de guerre
  • l'ingérence des voisins et des acteurs internationaux.

Détérioration de la sécurité et de la situation humanitaire

La violence armée prolongée a aggravé une grave crise humanitaire. La province du Nord-Kivu compte près de 1,7 million de personnes déplacées à l'intérieur du pays. Depuis octobre 2023, un demi-million d'autres se sont répandues dans le Sud-Kivu voisin.

Goma, la capitale du Nord-Kivu, est confrontée à une escalade de la criminalité et des troubles civils dûs principalement à la prolifération des milices armées et des bandes criminelles dites Wazalendo, ainsi qu'à des éléments indisciplinés des Forces armées de la RDC.

Le groupe d'experts de l'ONU a constaté que tous les acteurs armés ont recruté et utilisé des enfants dans les hostilités à une échelle sans précédent. Le Mouvement du 23 Mars (M23) et la Force de défense rwandaise ont puni les civils accusés de collaborer avec les groupes armés ennemis.

Les groupes du Wazalendo ont prospéré grâce à une économie de guerre violente : pillage, extorsion, enlèvement et meurtre de civils. Dans la province d'Ituri, les groupes armés se sont livrés à des affrontements violents et à des rivalités, certains d'entre eux se disputant des sites lucratifs d'extraction de l'or.

Dynamique du Nord-Kivu

Au Nord-Kivu, les Forces démocratiques alliées, liées à l'État islamique, ont intensifié leurs attaques contre les centres urbains depuis la mi-octobre 2023. Elles sont également actives en Ouganda. Le groupe d'experts a constaté qu'elles avaient commis le plus grand nombre de meurtres, principalement de civils. Elles ont établi de solides réseaux dans les prisons, en particulier à Kinshasa, où ses détenus recrutent et mobilisent des combattants et des collaborateurs.

Le gouvernement de la RDC a continué à utiliser les groupes du Wazalendo pour combattre le M23. La plupart des acteurs armés du Nord-Kivu ont bénéficié de l'exploitation forestière illégale et de la taxation du transport de planches de bois dans les zones qu'ils contrôlent.

Nouvelles formes de guerre

Le déploiement de technologies et d'équipements militaires avancés a renforcé les opérations militaires conjointes du M23 et du Rwanda. Elles ont modifié la dynamique du conflit, en partie en clouant au sol tous les moyens aériens militaires de la RDC, y compris les hélicoptères d'attaque et de transport et les avions de transport.

Le rapport de l'ONU décrit en détail le déploiement et l'utilisation de systèmes mobiles de défense aérienne à courte portée, d'obus de mortier transportés par drone et d'obus de mortier guidés de fabrication israélienne. Il indique que des mortiers de 120 mm ont été utilisés contre les troupes de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC).

L'escalade rapide de la crise du M23

La crise du M23, qui s'aggrave rapidement, risque de déclencher un conflit régional plus large. De violents combats se sont poursuivis entre le M23 et l'armée rwandaise, contre l'armée congolaise et la coalition Wazalendo, les Forces démocratiques de libération du Rwanda et les troupes de la Force de défense nationale du Burundi. Les sociétés militaires privées et les troupes de la SADC, qui ont été déployées en décembre 2023, ont apporté un soutien opérationnel et militaire aux militaires de la RDC.

Les interventions et opérations militaires rwandaises dans les territoires au nord de Goma ont dépassé le soutien aux opérations du M23. Cela a permis aux Rwandais et au M23 de dominer militairement le Nord-Kivu et d'étendre rapidement leur territoire jusqu'aux rives du lac Édouard.

L'engagement de l'armée burundaise dans les opérations contre le M23 et les Rwandais a exacerbé les tensions entre le Rwanda et le Burundi.

Que peut-on faire pour désamorcer les conflits et renforcer la paix ?

Les voisins ne sont pas en mesure de faire une grande différence. L'option militaire, censée "geler" les conflits violents et permettre l'aide humanitaire et les interventions diplomatiques, a échoué.

En 2022, une initiative régionale de la Communauté de l'Afrique de l'Est visant à déployer une force régionale pour mettre fin au conflit violent a échoué et a été retirée à la hâte. La SADC a déployé sa force d'intervention dans l'est de la RDC, avec un objectif similaire et apparemment de faibles chances de succès.

Dans quelle mesure les interventions diplomatiques des voisins de la RDC, de l'Union africaine ou d'une combinaison de ceux-ci et de l'ONU peuvent-elles faire la différence ?

Le médiateur de l'UA et président angolais Joao Lourenco semble faire des progrès. Ses efforts visent à relancer le processus de paix et à initier un dialogue direct entre les gouvernements de la RDC et du Rwanda.

Lors d'une réunion ministérielle à Luanda le 21 mars 2024, les hauts fonctionnaires représentant la RDC, de Luanda et de Nairobi, tous deux signés entre juin et juillet 2022, comme étant essentiels pour parvenir à la paix et à la sécurité dans l'est de la RDC.

l'Ouganda, le Burundi, le Kenya et le Rwanda ont convenu de reconnaître les processus de paix de Luanda et de Nairobi, tous deux signés entre juin et juillet 2022, comme étant essentiels pour parvenir à la paix et à la sécurité dans l'est de la RDC.

Ils ont appelé à un cessez-le-feu supervisé. Il comprendrait un processus de désengagement des forces, la neutralisation des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda et des mesures de confiance entre les parties au conflit.

Toutefois, deux questions restent en suspens, selon le rapport de de onusien. Toutefois, deux questions restent en suspens, selon le rapport de l'ONU. Pour les Congolais, le désengagement des forces implique le retrait du Rwanda de son territoire. Pour le Rwanda, cela implique un cessez-le-feu supervisé entre les militaires congolais et le M23, accompagné d'un processus de désengagement des forces.

Les dirigeants régionaux ont un rôle majeur à jouer

L'engagement pour la paix pris par les dirigeants de la RDC, du Rwanda, du Burundi, de l'Ouganda et du Kenya semble être la seule option disponibile. Mais comme l'indique clairement lerapport de l'ONU, en l'absence de médiation, il existe un risque réel que le conflit dégénère en un conflit régional plus large impliquant le Rwanda, le Burundi, l'Ouganda et la RDC.

Il n'est pas certain que les principaux protagonistes, les présidents congolais Félix Tshisekedi et son homologue rwandais Paul Kagame, soient prêts à se réconcilier. Une médiation personnelle est nécessaire. Le rôle des acteurs extérieurs, notamment des États-Unis, de l'Union européenne, de la Chine et de la Russie, de concert avec les Nations unies et l'Union africaine, pourrait s'avérer essentiel pour débloquer la situation.

La mission militaire de la SADC doit soit élargir son empreinte et neutraliser le M23, afin que les diplomates puissent poursuivre la médiation, ou se retirer. Compte tenu des défis auxquels elle est confrontée et de ceux auxquels la force est-africaine retirée a dû faire face dans sa lutte contre l'extrémisme violent et les gangs criminels, une réflexion stratégique approfondie s'impose avant qu'une décision de renforcer l'imposition de la paix ne puisse être prise. Cette réflexion est essentielle compte tenu des nouvelles formes de guerre.

Si un cessez-le-feu peut être négocié, une solide opération de soutien à la paix menée par l'Union africaine, remplaçant les missions de l'ONU et de la SADC, et bénéficiant d'un soutien financier et logistique spécifique de la part des partenaires internationaux, sera nécessaire.

Les dirigeants régionaux d'Angola, d'Afrique du Sud, du Kenya et de Tanzanie doivent exercer une influence maximale sur les dirigeants congolais et rwandais pour qu'ils poursuivent sur la voie de la paix.

Anthoni van Nieuwkerk, Professor of International and Diplomacy Studies, Thabo Mbeki African School of Public and International Affairs, University of South Africa

AllAfrica publie environ 600 articles par jour provenant de plus de 110 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.