Les données de Statistics Mauritius sur le genre à Maurice en 2023, publiées lundi, peignent toujours un tableau sombre de la gent féminine. Malgré les avancées en matière de reconnaissance de ses droits à différents niveaux, la Mauricienne continue à faire face à d'importants défis.
Les violences dont elle est victime ne cessent d'augmenter d'année en année. En dépit d'une éducation souvent plus poussée que celle des hommes, les femmes peinent à s'imposer dans leur domaine professionnel. De plus, elles sont souvent confrontées à des maladies graves.
L'un des problèmes les plus récurrents est la violence domestique. Le nombre de cas signalés a grimpé de manière alarmante, passant de 4 420 en 2022 à 5 729 en 2023. Les abus verbaux et les violences physiques figurent parmi les types les plus fréquemment signalés.
«C'est triste qu'une femme sur trois soit victime de violence à Maurice. Cette réalité est d'autant plus désolante avec l'augmentation constante des cas de violence domestique. Malgré les efforts du ministère de l'Égalité des genres, notamment avec l'application Lespwar, des questions cruciales demeurent. Comment une personne battue peut-elle, dans ces moments critiques, utiliser son téléphone pour chercher de l'aide ?», soutient Anushka Virahsawmy, directrice de Gender Links.
Selon elle, la violence domestique ne devrait pas continuer à être un sujet tabou à Maurice car cette perception crée un obstacle majeur pour les victimes qui souhaitent dénoncer les abus. «La stigmatisation rend la dénonciation difficile», explique-t-elle.
La pression familiale, ajoute-t-elle, est aussi un facteur qui empêche les femmes de dénoncer. «Cela devient problématique. Et dans les cas où il y a des enfants, la femme ne dénonce pas et préfère rester avec l'agresseur. Cela n'est pas bien pour les enfants.» Anushka Virahsawmy estime que l'éducation joue un rôle crucial dans la lutte contre la violence domestique. Elle soutient également que les protection orders, bien que conçus pour protéger les femmes, ne sont pas toujours efficaces.
«Bien que le protection order soit une mesure importante, il reste un simple morceau de papier si les parties concernées ne respectent pas la distance imposée.» La directrice de Gender Links souligne que, dans certains cas, les femmes continuent de communiquer avec leurs agresseurs, ce qui compromet l'efficacité du protection order.
Outre la violence domestique, les femmes continuent de représenter une part disproportionnée des victimes de violences et d'exploitation sexuelles. En 2023, environ 91,7 % des victimes étaient des femmes. Les abus sexuels touchent également les jeunes filles, avec une augmentation significative des cas signalés à la Child Development Unit, passant de 5 448 en 2022 à 5 729 en 2023. Dans ces cas-là, les filles représentaient environ 55,0 % des victimes.
Pour Anushka Virahsawmy, il est important d'éduquer les garçons et les filles pour qu'ils sachent quels sont les gestes inappropriés faits à leur insu. Elle avance qu'il faut prendre les cas au sérieux au lieu de penser uniquement à l'honneur de la famille. En décembre 2023, le pays comptait 9 213 personnes atteintes du VIH/sida. Parmi ces cas, 28,6 % sont des femmes. Anushka Virahsawmy regrette que les personnes ne parlent plus du VIH/sida et le prennent uniquement comme une simple grippe.
Elles deviennent mères à un âge plus avancé
Les femmes continuent à retarder l'âge auquel elles choisissent de devenir mères. Depuis 2003, ce taux a chuté de 1,9 à 1,4 en 2023. Aujourd'hui, le taux de fécondité le plus élevé se situe dans la tranche d'âge de 30 à 34 ans, avec 80 naissances pour 1 000 femmes dans cette catégorie. Cette tendance est largement attribuée au fait que les femmes se marient à un âge plus avancé. Parallèlement, l'utilisation des méthodes contraceptives à Maurice continue d'augmenter avec 56 332 femmes enregistrées comme utilisatrices en 2023, contre 56 040 l'année précédente.
Augmentation des divorces entre cinq et dix ans de mariage
Alors que le taux des mariages continue de baisser, le taux de divorces ne cesse d'augmenter. En 2023, le nombre de personnes divorcées pour 1 000 habitants a grimpé à 4,3, contre 2,0 en 2003. Une analyse des statistiques révèle que les couples sont particulièrement susceptibles de divorcer dans les cinq à dix ans suivant le mariage.
Diabète, hypertension et cancer tuent
En 2022, les maladies cardiaques et le diabète ont été les principales causes de décès tant chez les femmes que chez les hommes. Cependant, des différences notables apparaissent entre les genres. Le diabète et les maladies cardiaques ont respectivement causé 22,8 % et 20,6 % des décès chez les femmes, contre 21,0 % et 21,2 % chez les hommes. Les maladies spécifiques aux femmes, telles que les cancers du sein et de l'utérus, représentent une part significative des décès féminins.
Faible entrepreneuriat féminin
Le monde professionnel révèle des disparités notables entre hommes et femmes, notamment dans le domaine de l'entrepreneuriat. En 2023, 85,1 % des femmes actives occupaient des postes d'employées, contre seulement 73,4 % chez les hommes. Seuls 11,4 % des femmes actives sont des employeurs ou des travailleuses indépendantes, par rapport à 25,2 % des hommes. Les chiffres soulignent également une inégalité persistante de la représentation des femmes dans les postes décisionnels au sein du gouvernement. Avec seulement 17,4 % de femmes parmi les ministres, elles restaient largement sous-représentées dans les positions de pouvoir politique en 2023.