La mosquée Saheb Ettabaâ est l'un des monuments religieux dont le style et l'architecture raffinée reflètent la grande influence de la culture ottomane en Tunisie, offrant un aperçu du passé ottoman de notre pays.
La mosquée Saheb Ettabaâ est un véritable joyau architectural qui dresse sa silhouette imposante sur la place d'El Halfaouine à Bab Souika. Cet édifice au minaret à la forme octogonale est l'un des derniers témoins, avant le protectorat français, de la présence de la dynastie beylicale -- la dynastie housseinite -- en Tunisie.
C'est sous le règne de Hammouda Pacha que sera construite la mosquée Saheb Ettabaâ sur instructions de son fondateur, le grand vizir de l'époque Youssef Saheb Ettabaâ. C'est grâce à la fortune qu'il a amassée, aux pleins pouvoirs qu'il s'est octroyés et à l'entière confiance dont il jouissait de la part du bey que ce grand vizir s'est permis de s'accorder les mêmes faveurs que son maître, à travers le financement des travaux de construction d'édifices culturels, religieux....qui lui appartiennent et qui porteront son nom pour la postérité.
L'histoire nous rappellera, à ce propos, que ce vizir a eu un destin tragique et exceptionnel à la fois. Enfant, il est capturé par des corsaires et son chemin croise celui de Baccar Jellouli qui le prend sous ses ailes et le donne en offrande à Hammouda Pacha Bey. Le jeune garçon fait son entrée dans l'entourage beylical, devient un mamelouk au service du bey et apprend les us et coutumes ottomans dans les arcanes du palais. Son intelligence, sa maturité et son esprit perspicace et visionnaire attirent l'attention de Hammouda Pacha bey qui en fait son favori.
La place privilégiée qu'il occupera au sein de l'entourage de ce dernier l'aidera, ainsi, à gravir rapidement les échelons. Devenu Garde des Sceaux puis surintendant fiscal et ensuite grand vizir, il engagera des réformes qui permettront à la régence de l'époque de connaître non seulement une stabilité politique mais également une activité économique florissante.
Un mariage de styles
C'est en 1808, qu'il engagera les travaux de la grande mosquée de la place El Halfaouine qui portera son nom. L'architecture de l'édifice religieux s'inspire des influences turque et occidentale notamment italienne. Les façades extérieures ont été réalisées avec de la pierre, du grès et du calcaire et surmontées de tuiles vertes.
On accède à l'intérieur de l'édifice par des escaliers composés d'une vingtaine de marches et trois grandes portes dont la plus connue est celle qui ouvre sur la grande place du quartier d'El Halfaouine. Trois grandes cours, dont le sol est recouvert de marbre, entourent la salle de prière richement ornementée. Dotée de plusieurs coupoles, cette dernière est surmontée de voûtes en berceau qui reposent sur des colonnes cannelées.
Quant aux murs, ils sont recouverts de marbre d'Italie et de carreaux de céramique de Kallaline. Revêtus de marbre polychrome, les minbar et mirhab de la mosquée sont richement décorés de motifs qui s'inspirent des styles turc et italien. Le minaret de la mosquée, qui n'est pas achevé lors de l'inauguration de la mosquée par Youssef Saheb Ettabaâ en 1814, sera, par la suite, doté d'un lanternon au début des années soixante-dix.
En plus de ce monument religieux, le grand vizir avait également donné l'ordre de construire un palais devenu aujourd'hui une bibliothèque publique, ainsi que des medersas, une tourba où il est enterré, un fondouk, un hammam outre l'aménagement d'une fontaine publique. D'ailleurs, c'est l'ajout de ces annexes qui lui confèrent ce cachet si particulier. Grâce à sa restauration dans les années 2000, ce complexe architectural, qui a pu être remarquablement préservé, gagnerait aujourd'hui à être intégré dans un circuit touristique culturel.