1895. La tranquillité règne à Antananarivo, mais il faut du temps pour décider la population à regagner la ville. À l'arrivée des troupes françaises d'occupation, elle s'est réfugiée dans les villages voisins.
Remise peu à peu en confiance, persuadée que les Français n'ont pas les «noires intentions » que leur prêtent de « malveil-lants intéressés », attirée aussi par « l'appât du gain et par la curiosité», les Tananariviens réintègrent leurs demeures. Dès lors, les rues de la capitale reprennent leur animation accoutumée.
Pourtant, les Malgaches comprennent difficilement comment « avec aussi peu de monde et d'aussi petits canons », les Français sont venus à bout des vingt mille combattants de la Reine et de leurs innombrables batteries. Beaucoup admettent qu'ils n'ont jamais cru que les occupants atteignent jamais Antananarivo.
« Ils étaient persuadés que nous serions écrasés par le nombre et cet écrasement sera complet. Si nous avions eu affaire à des pirates du Tonkin, il en eût été ainsi, assurément. Mais avec des miaramilas hovas, toutes les audaces étaient permises, et de l'avis des chefs, quelques-unes ont été poussées jusqu'à l'imprudence » (corres-pondant du « Times » à Antananarivo).
Depuis, le désarme-ment se poursuit avec cette « sage lenteur » dont les Malgaches sont coutumiers et de façon à laisser croire qu'on n'en verra jamais la fin. Pourtant, les fusils arrivent de tous côtés. Quant aux canons, « nous les avons à peu près tous en notre possession ; ces canons étaient approvisionnés au moins de 1000 coups par pièce, les cartouches étaient innombrables et la petite île qui occupe le milieu du lac Anosy, était bondée de caisses de munitions. »
Le désarmement a même de singuliers effets, fait remarquer le correspondant du « Times ». « Trop complet dans certains points du Sud, il n'a plus permis aux gouverneurs de se défendre contre les attaques des 'fahavalos' (ennemis) et des 'tontakelis' (voleurs). » Le général en chef Duchesne doit donner des ordres pour qu'une partie des fusils soit rendue à certains gouverneurs, mais à bon escient, après avoir opéré un « remanie-ment sérieux » parmi eux.
En effet, quelques troubles se produisent dans certains villages du sud de l'Imerina et du pays betsileo. De même, des « bandes de fahavalos » réapparaissent sur la route reliant Mahajanga à Antananarivo.
« Elles ont existé de tout temps dans ces parages, principalement aux approches du Fandroana. Ils ne sont ni plus ni moins nombreux qu'avant, et nous ne saurions avoir la prétention de purger, en quinze jours, l'île entière de cette engeance. C'est affaire de temps et de gendarmes. »
En même temps, la Police est l'objet d'une réorganisation sommaire. La direction de ses deux importants services est confiée au prévôt du corps expéditionnaire, le commandant de gendarmerie Gaudelette. La Police, composée exclusivement d'agents malgaches, fonctionne comme elle ne l'a jamais fait.
« Plus de voleurs, plus d'ivrognes ; le gouvernement malgache obéit sans qu'il s'en doute ; l'ordre, la tranquillité partout. »
Quant à l'admini-stration de la justice, c'est le point délicat de la situation. Les « simili-tribunaux» hova n'existent plus. Il faut y suppléer. Aussi crée-t-on un tribunal mixte dont fait partie Radilifera, « fils de l'ex-Premier ministre connu depuis longtemps pour son dévouement à la France ». Et l'on met dans les attributions de ce tribunal tout ce qui concerne « la justice de paix et la police correctionnelle ».