Ile Maurice: Bataille de neuf ans pour justifier Rs 220 M - Ce que risque Ramgoolam

L'ancien Premier ministre Navin Ramgoolam est plongé au coeur d'une saga judiciaire complexe qui dure depuis neuf ans, à la suite de la saisie de Rs 220 millions dans des coffres-forts à son domicile de Riverwalk.

Ce dossier, connu sous le nom de l'affaire des coffres-forts, a été marqué par de nombreux rebondissements depuis les premières accusations portées contre lui. Aujourd'hui, Ramgoolam se retrouve face à un nouveau procès devant la Financial Crimes Division (FCD) de la cour intermédiaire, concernant un paiement excédentaire. Parallèlement, la Financial Crimes Commission (FCC) cible ses biens et a déposé une demande de «unexplained wealth» (richesse inexpliquée), bien que cette même demande, initialement déposée par l'ancienne Integrity Reporting Service Agency (IRSA), ait été rejetée par la Cour suprême.

Malgré le fait que détenir une somme de Rs 220 M ne constitue pas un délit en soi, l'incapacité de justifier l'origine de ces fonds constitue une infraction grave selon la Financial Intelligence and Anti-Money Laundering Act (FIAMLA). Dans ce contexte, Navin Ramgoolam doit maintenant prouver que ces fonds sont d'origine légitime. Si la cour tranche en faveur de la demande de la FCC, l'ancien Premier ministre pourrait voir ses biens saisis et liquidés.

Recap

Cette affaire commence en février 2015, après une défaite lors des législatives de 2014. Lors d'une perquisition à son domicile à Riverwalk, les autorités découvrent une somme impressionnante de Rs 220 M, incluant diverses devises étrangères, dans les coffresforts de Navin Ramgoolam.

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Après avoir passé une longue nuit entre arrestation, perquisition à son bureau à la rue Desforges et à son domicile à Riverwalk, Vacoas, passage aux Casernes centrales et détention à Moka, Navin Ramgoolam a finalement été relâché après avoir payé deux cautions de Rs 200 000 (pour chaque charge qui pèse sur lui) et signé deux reconnaissances de dettes de Rs 1 million. Cette découverte a conduit à une enquête sous la (FIAMLA), où il a été accusé d'avoir accepté des paiements en espèces largement supérieurs aux limites légales.

Premier procès rayé

Il fait ainsi face à un procès devant la cour intermédiaire. Sous les 17 premières accusations, l'ancien Premier ministre était accusé d'avoir reçu USD 100 000 (1 000 billets de USD 100) entre le 31 janvier 2009 et le 7 février 2015, alors que les six accusations suivantes l'accusaient d'avoir accepté Rs 1 million en espèces entre le 28 avril 2010 et le 7 février 2015. En totalisant ces montants, il aurait encaissé Rs 63,8 millions en espèces, largement au-dessus de la limite légale de Rs 500 000.

Les magistrats Pranay Sewpal et Navina Parsuramen avaient, en novembre 2019, rayé ces accusations, jugeant qu'elles étaient de nature incertaine. En réponse, le bureau du Directeur des poursuites publiques (DPP), alors dirigé par Satyajit Boolell, avait fait appel du verdict de la cour intermédiaire sur 18 points. Les juges Iqbal Maghooa et Renuka Devi Dabee avaient alors ordonné en 2022 la reprise du procès, cette fois devant un nouveau banc de la cour intermédiaire.

Revers devant le Privy Council

Face à cette situation, Navin Ramgoolam conteste le jugement de la Cour suprême en demandant une autorisation spéciale auprès du Privy Councilpour éviter un nouveau procès. Le Privy Council a refusé, en juillet 2023, la demande d'autorisation spéciale de Navin Ramgoolam pour contester le verdict de la Cour suprême concernant l'affaire des coffres-forts.

Ce refus a suivi la décision de la Cour suprême de ne pas accorder l'autorisation de saisir le Conseil privé du Roi. Sa demande ayant été rejetée, l'affaire a été renvoyée à la FCD, nouvellement créée au sein de la cour intermédiaire.

Nouveau procès

Un nouveau procès a été assigné devant la Financial Crimes Division. Me Gavin Glover, l'avocat de Ramgoolam, a contesté la juridiction de la FCD, mais les magistrats Bibi Razia Janoo-Jaunboccus et Abdool Rahim Tajoodeen, qui président le nouveau procès, ont rejeté ses motions. Les magistrats ont retenu que la FCD a bien la juridiction nécessaire pour entendre le procès instruit contre ce dernier dans cette affaire. Les magistrats ont refusé que Navin Ramgoolam puisse plaider à nouveau sous chacun des 23 chefs d'accusation qui pèsent contre lui, vu que sa décision initiale de plaider «non coupable» devant le Bench précédent de la Criminal Division de la cour intermédiaire était toujours valide. Le leader du PTr fait en effet face à 23 chefs d'accusation de *«limitation of payment in cash», en infraction sous diverses sections de la FIAMLA.

Entrée de L'IRSA

En décembre 2017, l'IRSA, créée par la Good Governance and Integrity Reporting Act 2015, a sollicité la confiscation de Rs 220 millions trouvées chez l'ancien Premier ministre Navin Ramgoolam. En réponse à une demande de l'IRSA pour justifier la provenance de ces fonds, Ramgoolam a affirmé que cette somme provient principalement de dons datant de 2005, administrés en tant que fiduciaire du PTr. Il a également soutenu que les cartes bancaires et les véhicules saisis ne peuvent être confisqués selon les dispositions de la loi. Le 12 janvier 2022, la juge Shameem Hamuth-Laulloo avait rejeté la demande de confiscation des biens, décision contre laquelle l'IRSA a fait appel. L'avocat de Navin Ramgoolam, Me Gavin Glover, argue à son tour que l'IRSA ne peut contester cette décision.

La FCC revient à la charge

La FCC, qui a fusionné avec l'IRSA et l'Independent Commission Against Corruption (ICAC), ne baisse pas les bras et cherche à obtenir un «unexplained wealth order» pour confisquer des biens d'une valeur totale d'environ Rs 270 millions, comprenant des devises étrangères et locales, une Mercedes Benz S400 Hybrid et deux cartes American Express Centurion.

En alternative, la FCC demande que Navin Ramgoolam verse la valeur monétaire équivalente de ces biens, basée sur les articles 117(1) et 119(3) de la FCC Act. Navin Ramgoolam conteste la constitutionnalité des sections 112(4) et 117 de cette loi, qui impose à un prévenu de prouver la provenance des biens saisis, et de la section 117, qui permet à la FCC de saisir des biens avant même qu'une condamnation n'ait été prononcée. Selon l'exPM, ces dispositions violent ses droits fondamentaux garantis par la Constitution, stipulant que nul ne peut être privé de ses biens sans le «due process of law». Après l'intégration de l'IRSA à la FCC, Navin Ramgoolam a amendé sa plainte constitutionnelle, retirant toute mention de l'IRSA et la remplaçant par la FCC.

L'affaire a vu un conflit entre les représentants légaux de la défunte IRSA, Me Preetam Chuttoo et Me Ali Hajee Abdoula, qui souhaitaient se retirer de cette affaire, citant un embarras professionnel. La Cour suprême a dû trancher pour résoudre ce différend. La cheffe juge Rehana Mungly-Gulbul a souligné l'importance constitutionnelle de cette affaire et a insisté pour qu'elle ne soit pas retardée davantage en raison des conflits entre les avocats. La FCC doit s'assurer d'être représentée par un avocat de son choix pour poursuivre cette affaire d'importance constitutionnelle.

Jusqu'à 10 ans

Bien que le fait de détenir une somme de Rs 220 millions ne constitue pas un délit en soi, l'incapacité d'expliquer l'origine de ces fonds est une infraction sérieuse selon la FIAMLA. Navin Ramgoolam doit maintenant démontrer que ces fonds sont légitimes. S'il parvient à prouver la provenance licite de ces millions, alors la FCC le laissera tranquille. Au cas contraire, lorsqu'un ordre de richesse inexpliquée entre en vigueur, la propriété qui en fait l'objet sera saisie et reviendra à l'État. Le jour de l'entrée en vigueur de cet ordre, la commission peut immédiatement prendre possession de cette propriété au nom de l'État auprès de toute personne qui en a la possession ou le droit de possession.

La commission doit ensuite disposer de toute propriété confisquée en vertu d'un ordre de richesse inexpliquée par vente ou par tout autre moyen que la cour pourrait ordonner. Tout droit ou intérêt dans la propriété confisquée qui ne peut être exercé par ou transféré à l'État expirera et ne reviendra pas à la personne qui en avait la possession. Aucune personne ayant la possession, ou ayant le droit de possession, d'une propriété confisquée immédiatement avant l'entrée en vigueur de l'ordre de richesse inexpliquée, et aucune personne agissant de concert avec ou au nom de cette personne, ne pourra acheter une propriété récupérée lors de toute vente menée par la Commission.

Celle-ci doit déposer dans le Recovered Assets Fund les recettes de toute vente ou disposition de biens confisqués et de tout argent récupéré.

Pour ce qui est du procès devant la FCD, une personne poursuivie pour paiement excédentaire encourt une amende ne dépassant pas Rs 2 000 000 et une peine de prison n'excédant pas 10 ans.

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