Congo-Kinshasa: Est du pays - Les Américains et Européens tournent autour du pot, s'attaquent aux fausses cibles et prolongent les souffrances des Congolais

analyse

Outre les deux trêves humanitaires décrétées successivement dans le cadre du conflit à l'Est de la RDC, les USA, par leur Département du Trésor, viennent de frapper à la poche des chefs des groupes armés (AFC, M23, etc.), dont Corneille Nangaa, y alimentant la guerre et les déplacements des populations.

Dans le même élan, l'Union Européenne a annoncé des sanctions contre ces mêmes chefs de guerre, avec en tête l'ancien président de la CENI, pour maintien du conflit armé, de l'instabilité et de l'insécurité au Congo. Mais, sans des sanctions fortes contre le Rwanda, le parrain, qui agresse la RDC à travers ces groupes armés et dont la présence militaire y est avérée, les Américains et Européens tournent autour du pot, s'attaquent aux fausses cibles et prolongent, par conséquent, les souffrances des Congolais.

Après deux trêves humanitaires décrétées dans un contexte marqué par la tenue des élections générales au Rwanda, dont la présidentielle qui a vu l'autocrate Paul Kagame l'emporter plus qu'à la soviétique avec 99,1 %, les USA reviennent à la charge, cette fois-ci en ciblant des chefs de groupes armés alimentant le conflit et les déplacements des populations dans la partie orientale de la RDC.

Ils ont imposé ce 25 juillet des sanctions àl'AFC (Alliance Fleuve Congo)/M23, accusant ce conglomérat d'être à l'origine de l'instabilité politique, d'un conflit violent et de déplacements de la population civile. Membre principal de l'AFC, le M23, groupe armé sanctionné il y a belle lurette par l'ONU et les États-Unis, est présenté comme déstabilisant depuis longtemps la province du Nord-Kivu, y commettant des graves violations des droits de l'homme.

Un autre groupe armé, désormais allié à l'AFC, à savoir le Twirwaneho, opérant dans la province du Sud-Kivu, n'est pas non plus épargné. Son chef militaire adjoint, en la personne de Charles Sematama, est indexé. Indexés également, Corneille Nangaa et Bertrand Bisimwa, respectivement chefs politiques de l'AFC et du M23, se voient ainsi frappés à la poche et interdits de séjour aux USA. C'est pour la deuxième fois que l'ancien président de la CENI (Commission Electorale Nationale Indépendante) en RDC est sanctionné par l'Administration américaine. Il l'a été pour la première fois en 2019 pour sa participation à des actions ou à des politiques sapant les processus ou les institutions démocratiques en RDC.

Il résulte des dernières mesures que tous les biens et intérêts dans les biens des personnes précitées, qui se trouvent aux États-Unis ou en possession ou sous le contrôle de personnes des États-Unis, sont bloqués et doivent être signalés au Département du Trésor américain. Et, entre autres aussi, toutes les transactions entre lesdites personnes et des sujets et entreprises américains sont interdites.

Sur la même veine, l'Union Européenne a, un jour après, emboité le pas aux Etats-Unis. Elle a décoché ses flèches en direction de la coalition AFC/M23. Ses principaux dirigeants, avec en tête Corneille Nangaa, tombent sous le coup dessanctions. En raison de sa position de premier plan en tant que fondateur, dirigeant et coordonnateur politique de l'AFC, ce dernier est accusé comme responsable du maintien du conflit armé, de l'instabilité et de l'insécurité en RDC.

Il est également responsable de l'appui au groupe armé M23 qui sème la désolation au Congo.

Pas de fin du conflit sans sanctions sévères contre le Rwanda

Autant que les trêves humanitaires décrétées tout récemment, les dernières sanctions américaines, en ce compris celles de l'Union Européenne, contre les dirigeants des groupes armés alimentant le conflit, l'instabilité et l'insécurité en RDC ne sont qu'un pis-aller. Elles ne sont qu'une manière de trouver des moments de répit dans cette guerre qui n'en finit pas depuis trente ans. Ce qui est corroboré par la conclusion du communiqué de presse du Département du Trésor américain du 25 juillet qui note que«l'objectif ultime des sanctions est non pas de punir, mais de susciter un changement de comportement positif».

Il va donc sans dire que ces mesures, loin d'amuser la galerie, sont des petites vagues qui ne peuvent produire de l'énergie à même de changer le cours des choses. Elles sont sans impact sur le Rwanda qui est reconnu comme agresseur du Congo via ces rébellions d'opérette et dont la présence militaire est plus qu'avérée sur le sol congolais.

Et l'ambassadeur allemand en RDC, M. Ingo Hebert, ne croyait pas si bien le dire en déclarant ce 27 juillet lors de sa visite dans la localité de Kashushanterritoire de Kabare, dans la province du Sud-Kivu, que «la présence de l'armée rwandaise sur le sol congolais constitue une violation du droit international public et de la charte des Nations unies».

Bref, tant que des sanctions fortes ne seront pas prises à l'endroit du Rwanda, à l'instar de la Russie en Ukraine, pour l'amener à quitter le sol congolais et à cesser tout soutien à ses supplétifs de l'AFC et du M23, voire de Twirwaneho, dans les hauts plateaux de Fizi, le conflit à l'Est de la RDC ne connaîtra point de dénouement.

C'est la raison pour laquelle, bien que saluant la prise de ces sanctions ciblées qui s'inscrivent dans la dynamique de la lutte contre l'impunité des auteurs des crimes internationaux contre sa population sur son territoire national, la RDC a appelé les USA et l'Union Européenne à prendre des sanctions fortes contre le Rwanda.

Ceci d'autant que l'on ne peut baisser la fièvre en cassant le thermomètre. En d'autres termes, l'on ne peut jamais éradiquer la maladie en combattant les symptômes.

La RDC appelée à plus de stratégies

Avec des trêves humanitaires et des mesures ciblées frappant les chefs des pseudo-rébellions en RDC, les Américains et les Européens tournent autour du pot quant à la fin de la guerre à l'Est de la RDC.

Ils ne sont pas encore prêts, pour des raisons liées à leurs intérêts dans la région, à faire respecter aussi bien le droit international que la charte des Nations unies. En plus, le Rwanda a réussi à se faire important sur le plan diplomatique et géopolitique en devenant quatrième pays contributeur en termes des troupes de l'ONU et sous-traitant de différentes puissances pour la préservation de leurs intérêts sur le continent africain, du moins au Sud du Sahara. L'intervention du Rwanda au Mozambique au nom des intérêts de la multinationale française TOTAL se passe de tout commentaire.

Aussi, certains pays africains comptent-ils sur le Rwanda pour protéger leurs régimes contre différentes forces déstabilisatrices. En atteste la présence de l'armée rwandaise en Centrafrique. Victime des attaques terroristes, le Bénin lorgne aussi sur le Rwanda.

Donc, au nom des intérêts des uns et des autres, le régime de Kigali trouve du soutien auprès des Américains et des Européens, voire des Africains. Et dans le déni du droit international et de la charte des Nations unies, tous renvoient la RDC, victime des agressions du Rwanda, sous prétexte que la solution à cette crise ne peut être que politique. Pourtant des processus tels que ceux de Luanda et de Nairobi existent est sont foulés aux pieds par Kigali.

C'est comme si, à un titre ou à un autre, chacun se sent redevable vis-à-vis du Rwanda.

Comment donc pousser les Américains, les Européens, et même les Africains, à porter d'autres lunettes pour voir les choses autrement et à soutenir la cause congolaise qui est légitime et juste ? C'est la grande question à laquelle l'Etat congolais se doit de répondre avec rationalité.

Il lui revient d'aller au-delà de tout ce qui a été entrepris jusque-là. Sur fond de la réforme de l'armée et des services de sécurité conjuguée à la bonne gouvernance bannissant, fondamentalement, la corruption et l'impunité, des stratégies doivent être montées et réadaptées au vu des différents tableaux qui se dressent. Il convient de traduire en mouvement des gesticulations observées de part et d'autre.

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