Maroc: La santé se serait-elle fait une santé ? Rien n'est moins sûr

Il est difficile de ne pas hausser un sourcil sceptique face à la signature de ce protocole d'accord entre le ministre de la Santé, Khalid Ait Taleb, et les syndicats représentatifs du secteur de la santé. On aurait pu y voir un signe d'espoir. Mais ne nous y trompons pas. Cette initiative, en apparence louable, cache mal les véritables intentions d'un gouvernement plus soucieux de son image que des véritables maux de notre système de santé.

Depuis plusieurs mois, ce secteur traverse une crise sans précédent. Les hôpitaux publics, déjà en proie à une lente asphyxie, ont vu leur situation empirer sous le poids des grèves successives. Les professionnels de la santé ont dû recourir aux débrayages pour faire entendre leurs revendications légitimes. Le gouvernement, quant à lui, a persisté dans une indifférence glaciale, ne daignant réagir que lorsque la pression est devenue insoutenable et que l'opinion publique frôlait l'implosion.

Et voilà que, tel un deus ex machina, le ministre de la Santé, mandaté par un chef de gouvernement étrangement absent des débats, signe un accord avec les syndicats. Bien que présentée comme un pas vers la résolution de la crise, cette signature semble avant tout être une opération de communication désespérée, savamment orchestrée pour apaiser les critiques sans s'attaquer aux racines du problème.

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Ce qui est particulièrement choquant, c'est que cet accord intervient après des mois d'ignorance délibérée des appels au dialogue émanant des syndicats. Pendant tout ce temps, le gouvernement est resté sourd aux demandes légitimes des professionnels de la santé, ne manifestant aucune intention sincère de résoudre la crise.

Le plus inquiétant est que les syndicats avaient clairement exigé des négociations avec une délégation gouvernementale investie de véritables pouvoirs décisionnels. Pourtant, en guise de réponse, le gouvernement n'a fait que jeter de la poudre aux yeux pour masquer une gestion désastreuse. Il s'est contenté d'envoyer un ministre pour apposer une signature sur un document, écartant ainsi toute possibilité de discussion sérieuse et approfondie.

Ce qui laisse également un goût amer, c'est l'absence totale de geste de bonne volonté. Même pas un mot d'excuse pour la répression brutale de la marche pacifique du 10 juillet. Cette démarche, empreinte de condescendance, souligne le mépris persistant du gouvernement envers les professionnels de la santé et leurs sacrifices considérables. Une telle attitude, loin de résoudre les problèmes de fond, risque d'aggraver encore la défiance et la frustration au sein d'un secteur déjà profondément meurtri.

Cet accord, aussi bienvenu soit-il pour au moins atténuer la crise immédiate, ne doit pas nous faire oublier les carences profondes et structurelles du système de santé marocain. Un communiqué ministériel, publié suite à cette signature, évoque «la valorisation et la reconnaissance des efforts des professionnels de la santé», mais ces mots sonnent creux face à l'absence de mesures tangibles. Une réelle réforme du système de santé doit aller au-delà des déclarations d'intention et se traduire par des actions concrètes.

En tout cas, l'accord en question n'est qu'une pièce d'un puzzle beaucoup plus complexe. La valorisation des professionnels de la santé ne peut se faire sans un investissement massif dans les infrastructures, sans une révision profonde des politiques de gestion des ressources humaines et sans une réelle volonté politique d'assurer une refonte profonde du système de santé.

Les syndicats, bien que contraints de consentir à cette trêve pour suspendre la grève et alléger la souffrance des patients, doivent se garder de toute naïveté. Leurs récentes expériences avec le gouvernement démontrent, sans l'ombre d'un doute, que celui-ci excelle dans l'art de renier ses promesses, pourtant annoncées en fanfare. Il a prouvé, à maintes reprises, son aptitude à promettre monts et merveilles pour ensuite se réfugier dans un mutisme accablant, lorsque vient le temps de concrétiser ses engagements.

En janvier dernier, toutes les conclusions, tous les procès-verbaux des accords et les propositions des syndicats avaient été méticuleusement transmis à la présidence du gouvernement pour fixer les modalités de mise en oeuvre. Malheureusement, après l'expiration des délais, les professionnels de la santé furent consternés par le silence inexplicable du gouvernement. Ce dernier a trahi les conclusions des longues sessions de dialogue et des négociations intenses, marquées par des dizaines de réunions. La méfiance est donc de mise.

Si cette signature offre aujourd'hui un répit temporaire, elle ne saurait dissimuler les défis persistants et la nécessité d'un véritable changement. La réforme d'un système de santé, loin des promesses intenables, exige une réelle volonté politique, un engagement sincère et des mesures concrètes.

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