Sénégal: 30 minutes avec Woppa Diallo et Mame Bougouma Diène, Lauréat.e.s du Prix Caine 2024 pour la nouvelle - Une âme des petits endroits (A soul of small places)

29 Juillet 2024

Une âme des petits endroits (A soul of small places), la fabuleuse nouvelle qui gagne l prix Caine en octobre 2023, est une information qui est presque passée inaperçue dans les média francophones y compris sénégalais (à part un article de l'efficace journaliste culturelle Mame Woury Thioubou du 6 Octobre 2023). Mais l'histoire fait le tour des

média anglophones. Du Guardian, à la BBC en passant par Africa Report, mais aussi les plateformes plus spécialisées dans la littérature telles que "Africa in Words", "The Johannesburg Review of Books", "The Lagos Review and the Lannan Centre"," Brittle Paper", c'est la folie furieuse! Car la nouvelle embrassant la fiction spéculative sortant ainsi primée parmi 297 soumissions originaires de 28 pays, est le premier prix à être co-écrit par un couple, et le premier prix à être reçu par des sénégalais.e.s, depuis les débuts du prix CAINE pour l'écriture africaine lancé en 2000.

Ayant suivi le couple depuis leur pré-sélection à l'annonce de leur victoire par Professeure Fareda Banda, Présidente du jury (entièrement féminin du prix en 2023) et qui enseigne aussi à mon alma Mater, SOAS, j'étais bien évidemment aux anges pour toutes ces premières fois que Woppa Diallo et Mame Bougouma Diène ont franchi e une fois, et ensemble! Ils rejoignent ainsi le club très fermé des lauréat.e.s précédent.e.s: la soudano-écossaise Leila Abouleila, le Kenyan Binyavanga Wainana, la Zimbabwéenne NoViolet Bulawayo, la zambienne Namwali Serpell et la nigériane Irenosen Okojie, entre autres et la liste est longue!

D'une âme des petits endroits, tout est fait pour fasciner et (pourquoi pas) ensorceler son lecteur...ou sa lectrice. Du choix du cadre (Agnam Thiodaye), à la description épaisse des personnages tout en relief, attachants et captivants, aux causes qui y sont défendues si férocement qu'elles vous en coupent le souffle! Woppa Diallo, la co-autrice

en est aussi l'inspiratrice. Matière vivante et brute qui inspire le souffle vengeresse du personnage principal éponyme de cette contrée semi-désertique où cachés dans les buissons, des nomades-violeurs sont en embuscade, attendant quelques jeunes filles désireuses de s'éduquer pour en faire leurs proies et parfois, leurs promises, le mariage

contraint étant pour l'entourage à l'honneur ainsi "souillé", la voie d'une possible rédemption sociale, faisant de ces jeunes victimes d'un jour des victimes à vie. Mais une âme des petits endroits ne fait pas dans les histoires larmoyantes et la promesse d'un salut dans l'autre monde, les sukuño, les esprits cannibales et vampires de la

mythologie Pulaar s'y découvrent une sensibilité vengeresse et rectifient les torts...instantanément. L'histoire est belle, la narration et le mariage entre la science- fiction et la cause féministe (contre le viol, pour le maintien des filles à l'école et contre les mariages forcés) puise autant du talent de l'écrivain Mame Bougouma que de la

passion de l'égérie et activiste féministe Woppa Diallo. De Woppa Diallo, l'activiste féministe, présidente de l'AMFE (Association pour le Maintien des Filles à l'École), je connaissais la sincérité de l'engagement communautaire et féministe, et de Mame Bougouma, j'avais eu écho du talent d'écrivain. D'une Woppa à l'autre, il a suffi d'un

petit pas, ou d'un pont: le pouvoir et l'art du storytelling, magnifiés par la plume de Mame-Bougouma et la fusion de leurs talents et de leur amour dans la vraie vie. Les auteur.e.s ont décidé de consacrer les 10000 livres du prix CAINE à l'achat de serviettes hygiéniques pour les filles de Matam.

Une âme des petits endroits, nous révèlent la naissance d'une légende...Ne vous laissez pas avoir en croyant qu'elle est fictive ou spéculative...Il suffit de fermer les yeux pour entendre son chant qui commence ainsi...

"Je m'appelle Woppa Diallo. Ma mère était Djinda Diallo, anciennement Dem. Une femme dévouée de Matam, où nous vivons. La deuxième région la plus chaude du Sénégal. Il n'y a pas grand-chose à y montrer, mais vous faîtes avec les moyens du bord. Mon père était Abdoulaye Diallo, un berger de Tambacounda. La région la plus chaude du Sénégal.

J'ai entendu dire que tout le monde mangerait au moins huit mouches dans sa vie.

C' est certainement vrai si vous habitez à Tambacounda.

Il y a une grosse statue dans mon village, juste au bord de la rivière, en forme de femme nue. Les bergers nomades l'ont ruinée depuis, mais je me souviens de sa forme, de son visage et de ses seins.

On nous dit qu'elle était une jeune mariée, violée par les hommes de sa nouvelle famille le soir de son mariage...."

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