Ile Maurice: Les commentaires de Moody's et du FMI face à une marmite politique en ébullition

Après l'édition 2024 d'Article IV du Fonds monétaire international (FMI), largement commenté par les dirigeants de l'alliance gouvernementale qui y trouvaient des argumentaires politiques face à la rhétorique de l'opposition qui voit tout en noir, voilà que la dernière analyse économique de Moody's ajoute une nouvelle couche en flattant la gestion économique de Renganaden Padayachy.

Du coup, les spin doctors du ministre des Finances n'ont pas hésité, dans la foulée, à accoucher d'un communiqué cette semaine pour rappeler les bons points de la croissance post-Covid et la décision de l'agence de notation de maintenir l'Investment Grade de Maurice.

Sans doute, le ministre des Finances ne peut que se réjouir de cette aubaine avec le rapport de Moody's qui vient malgré lui à la rescousse du tandem Jugnauth/ Padayachy en s'octroyant un certificat de satisfecit pour la « performance économique » du pays. Mais à y voir clair et en se donnant la peine de comparer les deux rapports, il y a visiblement des contradictions relevées par des experts qui sautent aux yeux.

Si le rapport d'Article IV du FMI invite la Banque de Maurice et accessoirement l'État à constituer des réserves internationales (external buffers) pour se préparer à d'éventuels chocs, en revanche, Moody's trouve que «Mauritius' sizeable international reserves limit external risk despite persistent account deficits and provide a buffer to negative terms of trade shocks». Which is which? Comprenne qui pourra...

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Parallèlement, si l'agence de notation constate que l'effet duone-off grant de la Banque centrale au Trésor public couplé à la vente d'actifs de l'État s'est estompé, elle ne peut occulter le fait que cette injection de Rs 60 milliards dans le circuit économique a fait flamber la spirale inflationniste depuis 2021, le taux cumulatif étant de 30 % de janvier 2019 à juin 2024, et causé la dégringolade de la roupie, presque 30 % depuis décembre 2019. Le rapport Moody's, pour le moins élogieux pour le gouvernement, s'invitera dans le débat économique prochainement, après que le Premier ministre aura décidé de siffler la fin de la récré au Parlement, d'ici la fin de cette semaine, en annonçant la date de la dissolution de l'Assemblée nationale et préparer le pays à s'engager dans de nouvelles élections.

Pour le moment, la clé de la date du prochain scrutin reste entre les mains de Pravind Jugnauth, qui a décidé de maintenir le doute, laissant les différentes forces de l'opposition ainsi que la société civile et les opérateurs économiques se livrer à des spéculations sur le Jour J. Estce sain pour une démocratie qu'une seule personne ait cette prérogative alors que dans d'autres États qui se respectent, c'est la commission électorale qui communique en toute indépendance et sans aucune considération électoraliste, la date du scrutin, comme c'est le cas en Inde ? Ce qui a le mérite de favoriser un meilleur level-playing field parmi les partis appelés à participer au jeu électoral.

Dans le privé, malgré une apparence de business-as-usual, les affaires roulent au ralenti, les industriels étant dans un mode wait-and-see, en l'absence d'une visibilité à moyen et long termes. Ils recherchent de la clarté même si entre le gouvernement sortant et l'opposition parlementaire, la philosophie économique ne se démarque par dans l'absolu.

Clarification

En revanche, sur l'échiquier politique, chaque formation tentera de se démarquer, cherchant une clarification des forces politiques en présence à la ligne de départ. Au niveau de l'alliance PTr-MMMNouveaux Démocrates, dirigée par Navin Ramgoolam, le million d'électeurs ne doit pas s'attendre à une nouvelle configuration, sauf pour faire faire de la place probablement aux deux dirigeants de Resistans ek Alternativ, notamment sa tête pensante de l'économie, Kugan Parapen. L'arrivée de Jyoti Jeetun, ex-CEO du groupe Mon Choisy, au MMM et qui a déjà eu l'investiture au n°16 (Vacoas-Floréal), est la nouvelle carte maîtresse du parti mauve pour occuper de nouvelles responsabilités en cas de victoire. Mais, plus important, elle devrait être le rempart contre une éventuelle campagne de diabolisation en préparation contre le leader du MMM, Paul Bérenger.

Face à cette opposition, Pravind Jugnauth s'efforce actuellement à muscler son alliance électorale pour devenir, dit-on au Sun Trust, une force politique imbattable aux prochaines élections avec l'arrivée en son sein du PMSD de Xavier-Luc Duval. Malgré les démentis de celui-ci, il faut être un grand naïf pour ne pas comprendre que la nomination de son fils Adrien au perchoir de l'Assemblée nationale constitue une première étape vers la concrétisation d'une alliance électorale.

Il existe tellement de juristes qui gravitent dans l'entourage du PM, qui auraient pu occuper ce poste sans avoir à chercher celui qui a essuyé ses critiques acerbes dans le passé à la faveur d'une PNQ de l'ex-leader de l'opposition. Pour autant, on ne comprend pas l'intérêt de XLD à surprotéger son fils des critiques des parlementaires de l'opposition, alors qu'il sait pertinemment bien que ce dernier occupe un poste constitutionnellement indépendant.

Dans les jours et semaines à venir, on saura de quel art le leader du MSM fera preuve en réussissant à réunir autant de partis et autres groupuscules à Sun Trust. Et jusqu'où il est disposé à céder aux exigences, voire aux enchères des uns et des autres pour satisfaire les demandes pour de nouvelles investitures, ambassades et autres nominations dans certains postes clés d'institutions-phares du pays. Les deux leaders de l'opposition en savent quelque chose.

Les expériences électorales depuis l'Indépendance du pays ont démontré l'importance de la bipolarisation du système politique à Maurice avec le système à scrutin majoritaire (First-past-the-post). D'où l'enjeu de la confrontation entre les deux principales forces politiques - la majorité sortante et l'alliance de l'opposition parlementaire. Les autres feront hélas posture des figurants.

Est-ce qu'à l'instar de Keir Starmer, leader du Parti travailliste britannique revenu au pouvoir après 14 ans, Navin Ramgoolam pourrait emboîter le pas ? Rama Sithanen, proche du PTr, lui a déjà donné la feuille de route en rappelant dans un récent article les «six key takeaways from the UK election» qui pourraient être répliqués lors du prochain scrutin national par l'opposition. Ou bien Pravind Jugnauth pourrait rééditer l'exploit, comme Narendra Modi en Inde, en enlevant un troisième mandat. Les paris sont ouverts.

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