La tuberculose remonte à plus de 9 000 ans. C'est la maladie bactérienne la plus infectieuse et en 2022, 10,6 millions de personnes en sont tombées malades. Parmi elles, 23 % des cas se sont produits en Afrique.
Le seul vaccin contre la tuberculose, le Bacille Calmette-Guérin (BCG), a plus de 100 ans et est principalement efficace chez les nourrissons et les jeunes enfants.
Des chercheurs de l'École de pathologie de l'Université du Witwatersrand ont réalisé une avancée significative dans le développement des vaccins en utilisant l'édition génomique pour rendre le BCG plus efficace.
Les souris vaccinées avec le vaccin BCG modifié étaient mieux à même de limiter la croissance de la tuberculose dans leurs poumons que celles ayant reçu le vaccin original.
Le microbiologiste Bavesh Kana, l'un des principaux chercheurs, explique à Nadine Dreyer de The Conversation Africa les aspects scientifiques de cette avancée et son potentiel pour le développement d'autres vaccins.
Comment fonctionnent les vaccins ?
Les vaccins agissent principalement en imitant des agents infectieux dangereux pour que votre système immunitaire les identifie comme des "envahisseurs" et active une réponse immunitaire. L'objectif est que cet agent simulé ne vous rende pas malade.
Pour comprendre comment fonctionnent les vaccins, il est utile de savoir comment fonctionne le système immunitaire, car les vaccins exploitent l'activité naturelle de votre système immunitaire.
Le système immunitaire : le tractus gastro-intestinal abrite environ 100 000 milliards de bactéries et de virus.
Les protéines et les sucres à la surface des bactéries, des virus ou d'autres agents pathogènes ont des formes différentes de celles présentes dans le corps humain. Ces caractéristiques distinctives sont appelées motifs moléculaires associés aux pathogènes, ou PAMPs. Par exemple, pensez aux épines sur le coronavirus.
Ainsi, votre système immunitaire détecte rapidement les envahisseurs. En réponse, le corps déclenche une série complexe d'événements impliquant divers types de globules blancs travaillant de concert. Voir la vidéo ci-dessous sur comment fonctionne le système immunitaire.
Un type de globules blancs est capable de produire des anticorps pour lutter contre les envahisseurs. Ces anticorps se fixent aux protéines ou aux sucres présents à la surface des bactéries, ce qui permet de les tuer ou de les désactiver. Ils doivent avoir la forme précise, un peu comme une clé qui s'adapte parfaitement à une serrure. Ces globules blancs sont appelés cellules B (lymphocytes B).
La production d'anticorps adaptés peut nécessiter plusieurs jours. Pendant ce temps, des milliards de bactéries pathogènes peuvent se trouver dans votre corps.
Une fois que les cellules appropriées sont activées, elles se divisent rapidement et se transforment en une chaîne de production, fabriquant des masses d'anticorps qui se fixent aux agents envahissants et les désactivent.
En fin de compte, votre corps élimine tous les envahisseurs et vous vous rétablissez.
Les anticorps persistent dans le sang, et certains globules blancs peuvent se transformer en cellules mémoires pour des bactéries spécifiques, prêtes à réagir en cas de nouvelle invasion.
Grâce à cet arsenal d'outils stockés, le système immunitaire réagira rapidement aux futures invasions.
Vaccins : Les vaccins agissent de manière similaire au système immunitaire. Ils contiennent des bactéries ou des virus affaiblis ou inactivés, ou parfois seulement quelques protéines ou sucres de leur surface. Cela suffit pour tromper le système immunitaire en lui faisant croire qu'un véritable envahisseur a pénétré dans le corps.
Le même mécanisme se déclenche lors d'une véritable invasion par des bactéries ou des virus, mais sans provoquer de maladie. Les vaccins sont conçus pour imiter les agents pathogènes, tout en étant formulés pour ne pas vous rendre malade.
Lorsque vous êtes confronté à l'agent réel, votre mémoire immunologique entre en jeu, car votre corps a déjà été exposé à quelque chose de très similaire.
Cette mémoire immunologique vous permet de résister à l'infection, de prévenir son développement complet, ou de gérer l'infection sans subir de symptômes graves.
Comment avez-vous modifié le vaccin contre la tuberculose ?
Développer des vaccins contre la tuberculose est particulièrement complexe. La bactérie responsable de la maladie est complexe et sait échapper au système immunitaire humain, ce qui explique pourquoi il n'existe qu'un seul vaccin contre cette maladie en 100 ans.
Notre laboratoire mène de nombreuses recherches sur la tuberculose, et nous nous intéressons depuis longtemps à la paroi cellulaire de ces bactéries. Nous avons observé que la paroi cellulaire présente une petite modification chimique qui permet aux bactéries de dissimuler un marqueur essentiel (PAMP), appelé ligand NOD-1, au système immunitaire.
Les bactéries responsables de la tuberculose, ainsi que les bactéries vivantes utilisées dans le vaccin BCG, sont capables de camoufler le ligand NOD-1, rendant leur détection par le corps plus difficile.
Nous avons pensé que modifier la bactérie BCG pour qu'elle ne puisse pas cacher ce ligand NOD-1 pourrait conduire à un nouveau vaccin plus efficace.
Pour enquêter sur cette possibilité, nous nous sommes tournés vers CRISPR, une technologie d'édition génomique qui permet aux scientifiques de modifier l'ADN.
Nous avons utilisé CRISPR pour développer une version modifiée de la bactérie BCG qui ne peut pas cacher son ligand NOD-1.
Les souris ayant reçu le vaccin BCG modifié ont mieux réussi à contenir la croissance de la tuberculose dans leurs poumons par rapport à celles ayant été vaccinées avec le vaccin original.
Des recherches supplémentaires seront nécessaires pour adapter ce vaccin à l'utilisation humaine.
Quelle est la suite ?
Nos découvertes offrent un nouveau candidat vaccin dans la lutte contre la tuberculose.
Avec quelques nouveaux candidats vaccins en développement, nous pouvons enfin commencer à traiter cette maladie dévastatrice de manière adéquate.
Ce travail est très exaltant, car il montre que l'édition génomique est une méthode puissante pour concevoir des vaccins et pourrait contribuer à la création de vaccins plus efficaces pour d'autres maladies à l'avenir.
Bavesh Kana, Head of the Centre of Excellence for Biomedical TB Research, University of the Witwatersrand