Guinée: Un verdict historique

Dadis Camara
31 Juillet 2024

Le verdict, tant attendu du procès du massacre du 28 septembre 2009, au stade de Conakry en Guinée, est tombé hier mercredi 31 juillet 2024. Les 11 accusés, dont l'ancien président, Moussa Dadis Camara, sont désormais situés sur leur sort, dans ce jugement qui a retenu l'attention des Guinéens pendant deux ans.

Le tribunal criminel de Dixinn a reconnu coupable et condamné, à 20 ans de prison ferme, l'ex-chef de l'Etat guinéen, pour des faits de crimes contre l'humanité responsabilité de supérieur hiérarchique. Six autres accusés ont été également condamnés, entre autres, pour crimes contre l'humanité par meurtres, assassinats, torture, séquestration, viols et responsabilité de chef militaire.

Il s'agit notamment de Moussa Tiegboro Camara, ancien patron de l'anti-drogue qui a écopé de 20 ans de prison, Marcel Guilavogui de 18 ans, le gendarme Blaise Goumou de 15 ans, Toumba Diakité, ancien aide de camp de Dadis Camara et Paul Mansa Guilavogui de 10 ans, Mamadou Aliou Kéita de 11 ans et l'introuvable fugitif, le colonel Claude Pivi.

Ce gradé prend la plus lourde peine, à savoir la réclusion criminelle à perpétuité avec 25 ans de sûreté et un mandat d'arrêt décerné contre lui. Quatre accusés, plus chanceux, se sont tirés d'affaire. L'ex-ministre de la Santé, Dr Abdoulaye Chérif Diaby, Cécé Raphaël Haba, Ibrahima Camara dit Kalonzo, Alpha Amadou Baldé déclarés non coupables de crimes contre l'humanité au bénéfice du doute ou pour insuffisance de preuves.

De toute évidence, Dadis Camara et les autres condamnés, qui peuvent faire appel, n'accepteront pas ce verdict, aucun d'entre eux n'ayant reconnu les faits évoqués. Mais encore faut-il qu'un procès en appel vienne les disculper. Ce qui n'est pas gagné d'avance. Rattrapés par leur passé, l'ancien chef de l'Etat et ses co-condamnés payent d'une manière ou d'une autre, la répression sanglante de la manifestation pacifique de l'opposition au stade de Conakry, le 28 septembre 2009, quand il dirigeait la Guinée d'une main de fer.

Ce jour-là, selon un rapport de l'ONU, plus de 150 personnes ont été tuées par balle ou à l'arme blanche, et au moins une centaine de femmes ont été violées, par des militaires de la garde présidentielle et des civils proches de la junte de l'époque, le Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD). On comprend pourquoi ce verdict constitue un soulagement et un moment de vérité pour les victimes et leurs familles, qui espéraient de tout coeur que les responsabilités soient situées dans cette ténébreuse affaire.

Au-delà de la satisfaction morale, c'est l'aboutissement heureux d'une bataille pour la justice menée pendant 15 ans, par la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), l'Organisation guinéenne de défense des droits de l'homme et du citoyen (OGDH) et l'Association des victimes, parents et amis du 28 septembre 2009 (AVIPA).

Peu importe la durée de la nuit, le soleil finit par apparaitre, dit l'adage. La persévérance de tous ceux qui réclamaient justice a porté fruit. On est bien loin des moments, où le découragement avait gagné les esprits. La machine judiciaire, de par sa lenteur peut faire sombrer dans le désespoir et la dépression, mais elle parvient dans la plupart des cas à ses fins.

Certains Guinéens étaient convaincus, que rien ne pouvait inquiéter les auteurs du massacre du 28 septembre 2009. A plus forte raison, voir comparaitre le principal responsable, Moussa Dadis Camara, qui pensait pouvoir se tirer à bon compte en se soumettant à la justice de son pays. Malheureusement pour lui, les faits ont été très têtus.

Ce procès, qui a captivé l'attention des Guinéens pendant de longs mois, avec par moments des rebondissements, est tout aussi historique que son verdict. Sa tenue effective, grâce à la lutte des défenseurs des droits de l'homme et à la bonne volonté de l'actuel chef de l'Etat, Mamadi Doumbuya, sonne comme un signal fort dans la lutte contre l'impunité, dans un pays où les forces de sécurité étaient quasi intouchables jusque-là.

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