Moussa Dadis Camara a été condamné à 20 ans d'emprisonnement pour crimes contre l'humanité, pour sa responsabilité dans le massacre du 28 septembre 2009 en Guinée. Un verdict très attendu et qui fait beaucoup réagir dans le pays.
Assis sur des chaises alignées en face du président du tribunal Ibrahima Sory 2 Tounkara, les dix prévenus présents à l'audience sont restés de marbre pendant la longue lecture de la décision de justice. Le magistrat est d'abord revenu sur les charges retenues contre eux, les faits le jour du massacre, les déclarations des accusés lors du procès puis celles de certaines parties civiles.
C'est après plus de deux heures trente d'audience que le président du tribunal a annoncé la décision de requalifier les faits en crimes contre l'humanité.
Huit des douze accusés ont été condamnés à des peines allant de dix ans d'emprisonnement à la perpétuité, dont l'ex-chef de la junte, Moussa Dadis Camara, qui a écopé de vingt ans de prison. Ce verdict est un soulagement des victimes, qui espèrent que de tels actes ne se reproduiront plus jamais en Guinée.
C'est un procès historique. Nous sommes entièrement satisfaits de la décision du tribunal, parce que de mémoire d'homme dans notre pays, aucun crime de masse n'a été judiciarisé.
Moktar Bah Certaines victimes auraient néanmoins espéré que les condamnations soient plus lourdes. Et si le tribunal a aussi annoncé des réparations pour les victimes, allant de l'équivalent de 20 000 euros à l'équivalent de 160 000 euros, beaucoup craignent ne pas en voir la couleur. L'État n'a pris aucune mesure. C'est aux condamnés de payer, eux qui n'avaient pas les moyens de verser les honoraires de leurs avocats durant le procès.
Matthias Raynal Du côté des condamnés, précisément, on dénonce au contraire un « jour sombre ». Maître Pépé Antoine Lamah, membre du collectif des avocats de la défense du capitaine Moussa Dadis Camara, n'est pas d'accord avec le verdict. Ce ténor du barreau dénonce notamment la requalification des faits en crimes contre l'humanité.
« Aujourd'hui est une journée sombre pour la justice guinéenne. Cette décision inique, dangereuse pour l'avenir de notre pays, est débarrassée de toute substance juridique ».
Matthias Raynal Le pouvoir salue le procès, l'opposition dénonce un coup de communication
Ousmane Gaoual Diallo, le porte-parole du gouvernement de transition de Guinée, salue, pour sa part, un procès exemplaire.
« C'est un verdict historique qui marque un tournant important dans la lutte pour la vérité et la justice pour notre pays. Tout à coup, on se dit qu'il n'y a plus d'impunité ».
Guilhem Fabry Mais pour le parti d'opposition UFDG de Cellou Dalein Diallo, ce procès n'était qu'une opération de communication de la part du gouvernement de transition. Le conseiller en charge de communication du parti, Souleymane Souza Konaté, estime que le CNRD aujourd'hui à la tête du pays « ne fait pas mieux » que le CNDD de Moussa Dadis Camara à l'époque, rappelant qu'on est toujours sans nouvelles de deux activistes de la société civile « kidnappés par le régime ».
« C'est pour nous le dernier acte d'une parodie de justice. C'est une preuve éloquente également que la justice de notre pays est devenue un outil au service de l'exécutif ».
Guilhem Fabry Ce procès hors norme, ouvert à la date anniversaire du 28 septembre 2022, a été très suivi en Guinée et ailleurs sur le continent. Il a été diffusé quotidiennement à la télévision guinéenne et sur Youtube.
Pour revenir sur ce verdict, une édition spéciale de RFI ce 1er août 2024, coordonnée par Laurent Correau, présentée par Nathalie Amar, avec :
- Asmaou Diallo, présidente de l'AVIPA, l'Association des victimes, parents et amis du 28 septembre 2009 en Guinée
- Maître Drissa Traoré, secrétaire général de la FIDH, président d'honneur du mouvement ivoirien des droits humains
- Matthias Raynal, envoyé spécial de RFI à Conakry