Tassinère, un village du Gandiol, terroir situé à l'embouchure du fleuve Sénégal, est confronté depuis quelques années à des menaces multiformes liées aux effets du changement climatique.
Cette localité de l'arrondissement de Rao se trouve à une trentaine de kilomètres au sud de la ville de Saint-Louis. Entouré par la réserve de Geumbeul et le parc national de la Langue de Barbarie, le village subit les contrecoups des variations climatiques.
"Depuis quelques années, il y a des menaces multiformes liées au changement climatique, matérialisées par la disparition d'un certain nombre d'infrastructures", signale René Massiga Diouf, président de l'association African Journalists Forum.
Cette association a organisé récemment dans ce village une visite à l'intention de journalistes, pour les sensibiliser sur le changement climatique et ses conséquences dans cette zone.
L'association African Journalists Forum souhaite, à travers cette initiative, mettre en place "une veille informationnelle" autour de la situation de ce terroir.
"Si on ne trouve pas de solutions pertinentes, ce sera encore un fait environnemental inédit dans l'histoire", avertit son président.
"À un moment, cette bande de sable pratiquement n'existait pas", dit-il, en la montrant aux journalistes participant à cette visite sur cette partie de la Grande-Côte impactée par le changement climatique.
"C'est un phénomène extra naturel, parce qu'en amont, il y a des phénomènes naturels qui commencent un peu à se manifester", précise René Massiga Diouf, par ailleurs journaliste à la Radiodiffusion Télévision sénégalaise (RTS, publique).
Dans cette zone, dit-il, les conséquences du changement climatique ont dépossédé beaucoup d'acteurs de leurs biens.
"On avait ici un réceptif hôtelier extrêmement intéressant. Pratiquement, on ne retrouve plus ce réceptif à cause de l'avancée de la mer. L'érosion côtière a emporté plusieurs habitats du village", se désole-t-il.
En organisant de telles initiatives, l'association qu'il préside veut "alerter les acteurs et les autorités étatiques pour que ces phénomènes naturels puissent trouver des solutions".
"La principale menace, c'est que la houle se réveille un jour et qu'on assiste par exemple à un phénomène de submersion. Si ce phénomène de submersion survient, il va engloutir tout ce qui existe comme habitations en face", prévient-il.
Le président de l'association African Journalists Forum prône donc la sensibilisation et l'action pour parer à la menace que fait peser le changement climatique sur ce terroir. Davantage d'efforts doivent être faits à ce sujet, recommande-t-il.
"En amont, les populations doivent s'organiser pour accroître leurs moyens de résilience", insisté René Massiga Diouf.
L'exode et l'émigration face à la salinisation des terres
Le phénomène du changement climatique a eu plusieurs répercussions à Tassinère. "Les terres ne sont plus pratiquement cultivées et pourtant, la zone était fortement agricole", s'alarme-t-il. Il révèle, citant des experts, que 40 à 45% des paysans ont perdu pleurs périmètres cultivables, du fait de la salinisation des sols.
Le journaliste explique que l'ampleur prise par le phénomène de l'émigration clandestine dans cette zone est en partie liée à cette salinisation des terres. "Les gens n'ont plus de revenus, et en plus de cela, les populations se déplacent", ajoute-t-il.
Les populations quittent la zone de Tassinère pour aller vers la Casamance (sud) ou d'autres zones de l'intérieur du pays pour se lancer dans d'autres activités, explique-t-il.
Le président d'African Journalists Forum considère que "les changements climatiques sont un phénomène mondial" auxquels "les États n'ont pratiquement pas encore trouvé de solutions appropriées".
L'ancien président de la communauté rurale de Ndiébène Gandiol, Pape Cheikh Thiam, dit éprouver un sentiment de "désarroi" face aux effets du changement climatique dans la zone.
"Gandiol était une localité très développée. À une certaine époque, on disait que Gandiol était le grenier de Saint-Louis. Mais aujourd'hui, la salinisation a causé beaucoup de dégâts. La brèche est peut-être venue aggraver la situation", avance-t-il.
En cette période d'hivernage, il dit avoir constaté que "l'eau [de mer] est en train de menacer encore les habitations", tandis que "la brèche [canal de délestage de Saint-Louis] est en train d'avancer".
L'ouverture, en 2003, d'une brèche pour soulager la ville de Saint-Louis, alors en proie à des inondations massives, a accentué le phénomène, en créant des dégâts dans la zone du Gandiol et en opérant des modifications géomorphologiques impressionnantes, renseigne un document remis à la presse.
Il souligne que des experts s'accordent à dire que le canal de délestage fait face désormais au village de Tassinère, alors que la ligne restante de la partie nord de la Langue de Barbarie fait déjà des ravages.
Une "certaine stabilisation" à Tassinère
"Ce qu'on observe au niveau de Tassinère, c'est une certaine stabilisation qui est renforcée par les bancs sableux mis en place à cause de la diminution de l'énergie des courants de houle", révèle le professeur Boubou Aldiouma Sy, du laboratoire "Leïdi", dynamique des territoires et développement, au département de Géographie de l'université Gaston Berger (UGB) de Saint-Louis.
"Le village de Tassinère semble être protégé, sauf dans des cas exceptionnels, quand il y a des phénomènes de submersion marine avec des houles de très forte intensité qui peuvent avoir deux à trois voire plus de quatre mètres de hauteur avec une force extrêmement importante", indique le géographe.
Le professeur Sy soutient qu'un phénomène de submersion marine peut menacer les autres sites côtiers à Nouakchott (Mauritanie), Goxu Mbathie, Ndiago (Saint-Louis).
"Ce qui pourrait aujourd'hui menacer Tassinère, ce sont les phénomènes de submersion marine, les phénomènes de houle exceptionnelle. Sinon, on ne voit pas d'où viendra l'origine du phénomène qui menacerait la disparition du village de Tassinère", tempère-t-il.