Yaounde — Les auteurs du rapport 2024 de l'OMS sur les hépatites soulignent qu'un pays comme l'Egypte a démontré qu'il est possible d'avancer vers l'élimination des hépatites virales avec un engagement politique et financier, une mise en oeuvre efficace de la stratégie nationale, et une production locale de médicaments.
Ce pays d'Afrique du nord a en effet diagnostiqué 87 % des personnes vivant avec l'hépatite C et a fourni un traitement curatif à 93 % d'entre elles, dépassant ainsi les objectifs de niveau or de l'OMS qui consistent à diagnostiquer au moins 80 % des malades et à fournir un traitement à au moins 70 % des personnes diagnostiquées.
« De telles réussites peuvent être à la portée d'autres pays aussi et il est encore possible d'atteindre l'objectif d'élimination de l'OMS d'ici 2030, si des mesures rapides sont prises dès maintenant », soutiennent les experts.
"Il faut « vacciner systématiquement les nouveau-nés dès la naissance, dépister systématiquement les femmes enceintes en consultation prénatale, traiter si possible les patients infectés par le virus sans attendre qu'ils développent la cirrhose"Folly Anyovi, ASADH
Le rapport prescrit dès lors des actions telles que le dépistage, le traitement, la prévention, la mobilisation de financements innovants de toutes sources.
A cela s'ajoute l'engagement communautaire (impliquer les populations affectées et la société civile dans la réponse à l'hépatite virale) et la poursuite des programmes de recherche sur l'hépatite virale afin d'améliorer les diagnostics et de travailler à la recherche d'un remède contre l'hépatite B.
Folly Anyovi, spécialiste en virologie et génétique moléculaire et fondateur de l'Association sauvons l'Afrique des hépatites (ASADH), précise que pour vraiment venir à bout de l'hépatite B et C, il faut « vacciner systématiquement les nouveau-nés dès la naissance, dépister systématiquement les femmes enceintes en consultation prénatale, traiter si possible les patients infectés par le virus sans attendre qu'ils développent la cirrhose ».
L'intéressé ajoute qu'il est également nécessaire d'introduire dans la routine, le dépistage systématique de l'hépatite delta, de réduire ou subventionner le coût du traitement de l'hépatite C en Afrique et de sensibiliser, dépister et vacciner les couches les plus vulnérables.
En effet, la couverture des interventions de prévention, diagnostic et traitement des hépatites dans la région africaine de l'OMS reste très faible, et inférieure à la moyenne mondiale, déclarent des experts de l'organisation.
Selon le récent rapport qui couvre l'année 2022, le nombre de décès causés par l'hépatite virale en Afrique est estimé à 307 000 décès, dont 272 000 décès liés à l'hépatite B et 35 000 à l'hépatite C.
Sur le plan mondial, le nombre estimé de décès dus à l'hépatite virale a progressé, passant de 1,1 million en 2019 à 1,3 million en 2022, dont 83 % pour l'hépatite B et 17 % pour l'hépatite C. Chaque jour, l'hépatite B ou C tue 3 500 personnes dans le monde.
Prévalence
La prévalence de l'hépatite virale chronique B dans la population générale africaine est estimée à 5,8 % et l'hépatite C à 0,7 % ; tandis que le total des infections par l'hépatite B s'élève à 64,7 millions de personnes (tous âges confondus) contre 7,8 millions pour l'hépatite C.
L'Afrique concentre 63 % des nouvelles infections par l'hépatite B, soit 771 000, contre 172 000 nouvelles infections par hépatites C.
« Moins de 5 % des personnes atteintes d'hépatite B dans la région ont été diagnostiquées, et seulement 5 % d'entre elles ont reçu un traitement », explique Françoise Renaud du Département des programmes mondiaux sur le VIH, les hépatites et les IST à l'OMS et coauteure du rapport.
La région, poursuit-elle, « a aussi la couverture la plus faible de la dose de vaccin administré à la naissance, à 18 % en comparaison avec la couverture mondiale de 45 % », rappelant au passage que l'hépatite virale est un enjeu de santé publique « majeur ».
D'après cette experte interrogée par SciDev.Net, les services sont plutôt disponibles dans les établissements de soins spécialisés, et non pas dans les soins de santé primaires. « Seulement un tiers des pays qui ont fait l'objet d'une enquête OMS fournissent gratuitement des services contre l'hépatite virale », ajoute-t-elle.
Le rapport indique que les pays tels que le Nigeria (15,7 millions d'infections) et l'Ethiopie (8,4millions) figurent parmi les pays qui représentent 2/3 de la charge de morbidité mondiale des hépatites B et C, les souches les plus mortelles du virus.
Facteurs de propagation
Selon Daniel Low-Beer, épidémiologiste en service à l'OMS, l'augmentation du nombre des décès liés à l'hépatite virale, notamment l'hépatite B, peut être attribuée à divers facteurs, y compris la couverture faible du diagnostic et du traitement, le vieillissement de la cohorte de population avec infection par l'hépatite B.
Ce dernier incrimine aussi les perturbations provoquées par la COVID-19, lesquelles ont ralenti la mise à l'échelle de l'accès au traitement dans de nombreux pays à revenu faible ou intermédiaire.
Pour Ndioura Diallo, hépato-gastro-entérologue et président de l'ONG SOS Hépatites Guinée, tous les facteurs, notamment psychologiques et socio-économiques, favorisant la propagation des hépatites virales sont réunis en Afrique subsaharienne.
« Il y a l'ignorance des malades, le manque d'hygiène (alimentaire et du milieu). Mais surtout la pauvreté des malades. Ils n'arrivent pas à faire le diagnostic et à payer les médicaments. J'ai pu mener une petite enquête. Selon les résultats obtenus, sur 100 personnes ayant l'hépatite, seules 35 personnes ont pu faire le diagnostic et se payer les médicaments », argumente-t-il.
Le rapport de l'OMS indique d'ailleurs que sur les 64,7 millions d'infections par l'hépatite B recensées en Afrique en 2022, seules 2,7 millions ont été diagnostiquées et 150 000 seulement ont reçu un traitement à fin 2022. Soit un taux de couverture du diagnostic de 4,2% et 0,2% de couverture du traitement parmi les personnes atteintes d'hépatite B en fin 2022.
En ce qui concerne l'hépatite C, un million de personnes ont été diagnostiquées sur 8 millions de cas d'infections et 200 000 personnes ont reçu un traitement, fin 2022. Soit un taux de couverture de 13 % pour le diagnostic et 3 % pour le traitement.