Burkina Faso: Valorisons-nous mortel !

Mais où sont passés René Sebgo, Zanga Issoufou Ouattara, Sacré Seydou Ouédraogo, Yannick Laurent Bayala et j'en oublie peut-être bien d'autres qui ont su marquer de leur empreinte, l'histoire de la radio chez nous et même au-delà de nos frontières ?

Oui, je sais où ils sont en ce moment, mais je suis quelque peu abasourdi de constater qu'ils se sont assourdis et emmurés dans le silence des cinq murs éternels. Oui, je sais, ils sont partis et disons le cru, ils sont morts, puisque nous les avons enterrés et nous sommes entrés chez nous. Point ! Qu'en est-il de leur travail, leur héritage professionnel ? Où sont passées leurs voix particulière, singulière ?

Quand je pense à ces hommes dont les oeuvres auraient pu toujours nous servir, inspirer et enseigner la jeune génération férue de plume et de micro, mes bras m'en tombent, ma langue se perd dans son palais aux dents de scie. Bref, pourquoi nous ne les entendons plus sur les ondes de la radio nationale qu'ils ont tant aimée et à qui ils ont donné une bonne partie de leur vie ? Leur voix, leurs réflexions ne sont plus utiles, puisqu'ils sont morts !

Mais ainsi va la vie ! Cruelle et ingrate à la fois, elle nous jette des fleurs et nous adule vivant, mais nous oublie sans scrupule dès que nous sommes morts. D'ailleurs pourquoi je m'émeus tant pour ce grand « blanc » à l'antenne ? Pourquoi je vois le grand vide là où vous ne voyez que dalle ? Et puis, en quoi étaient-ils indispensables au point d'être inoubliables, ces « pauvres » mortels qui ont séjourné parmi nous et avec nous ?

Après tout, c'est le service public. On a affaire aux vivants et les vivants, ce sont ceux qui tiennent sur leurs deux pieds. Ceux qui sont partis ne font plus partie de la partie ! C'est drôle, mais c'est la repartie du jeu de la vie ! Devant le micro ou entre les colonnes du journal, il n'y a pas de titre pour les morts, fussent-ils célèbres ou talentueux, point de lancement pour les éternels absents, même s'ils étaient si présents dans nos coeurs !

On pourrait cyniquement paraphraser la sagesse en ces termes : « qui va à la tombe perd sa place sur terre ». L'ingratitude, ce n'est pas seulement manquer de reconnaître les bienfaits reçus, c'est aussi manquer de partager, de promouvoir, de pérenniser les oeuvres et les valeurs d'un homme qui a marqué son temps dans son domaine d'activité, dans sa façon d'être dans la société...

Aujourd'hui, il faut être chanceux pour tomber sur une chronique société de René Sebgo. Pourtant, presque personne ne manquait au rendez-vous de sa rubrique. Il y en a même qui passaient à la radio ou à son bureau pour le voir, le contempler et même daigner lui serrer la main et lui lancer : c'est donc vous ! Bravo ! Comme le vent qui arrête de souffler, Sebgo qui signifie d'ailleurs « le vent », s'en est allé avec son talent et ceux qui tentent de le remplacer savent bien au fond qu'il ne suffit pas de se mettre devant un micro et chantonner pour l'imiter avec succès.

Si l'on n'y prend garde, dans cent ans, les chroniques de Clément Zongo seraient six pieds sous terre avec leur propriétaire et vos enfants risquent de vous demander comme l'autre : « c'était qui lui ? », mais gares à Sidwaya ! Si seulement la radio nationale avait permis à René d'être « re-né », l'espoir renaîtrait des cendres de l'histoire pour une génération de journalistes en quête de bons exemples pour réussir. Il faut réveiller toutes ces bonnes âmes assoupies en dépoussiérant leurs oeuvres pour les faire passer à l'antenne.

La meilleure façon de perpétuer leur passage sur terre, c'est de ne jamais cesser de les inviter de nouveau pour les entendre ou les lire de nouveau. C'est dans ce sens que nous bâtirons en chaque enfant et jeune burkinabè ou africain, l'envie d'être meilleur comme eux. De temps en temps, pensons à eux, tendons le micro à nos vaillants morts.

Mais qui suis-je pour défendre ceux qui ne sont plus, ceux que nous avons royalement oubliés ? Qui suis-je pour plaider leur cause, puis qu'ils n'ont plus rien à gagner ou à perdre sur cette terre qui m'atterre ? Et que dire de ceux qui sont toujours vivants mais dont les exploits, n'appartiennent qu'au passé composé d'une mémoire humaine à recomposer, parce que « décomposée » ? Valorisons-nous mortel !

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