Un scandale foncier d'envergure secoue le Cameroun, impliquant le ministre des Domaines, Henri Eyebe Ayissi, accusé d'avoir orchestré un véritable hold-up sur le patrimoine de British American Tobacco (BAT). Cette affaire, qui prend des proportions inquiétantes, a poussé le président Paul Biya à ordonner une enquête approfondie, rappelant par son ampleur et sa gestion l'affaire tragique de Martinez Zogo.
Au coeur de la controverse se trouve l'annulation d'un titre foncier vieux de plus de 70 ans, établi à l'époque coloniale au profit de J. Bastos d'Afrique centrale, ancêtre de BAT Cameroun. Henri Eyebe Ayissi, par des manoeuvres juridiques douteuses, aurait invalidé ce titre, ouvrant la voie à un partage des terres récupérées entre des particuliers, dont certains hauts responsables de la présidence de la République.
Cette affaire met en lumière les failles du système foncier camerounais et soulève des questions sur la protection des droits de propriété, tant pour les entreprises que pour les particuliers. L'implication présumée de "pontes de la présidence" dans ce partage grotesque des terres ajoute une dimension politique explosive à ce scandale.
Face à l'ampleur de la situation, le président Biya a réagi avec fermeté. Dans une correspondance datée du 23 juillet 2024, qualifiée de "très urgente", le secrétaire général de la présidence a ordonné la création d'une commission mixte gendarmerie-police. Cette commission est chargée d'enquêter sur "une liste non-exhaustive des cas d'atteinte à la propriété foncière" impliquant le ministère des Domaines, du Cadastre et des Affaires foncières (Mindcaf) sur la période 2020-2024.
Cette décision présidentielle souligne la gravité de la situation, plaçant les atteintes au patrimoine privé de l'État et à la propriété des particuliers au même niveau que des crimes graves comme l'enlèvement et l'assassinat. La comparaison avec l'affaire Martinez Zogo est particulièrement frappante, illustrant l'importance accordée par le pouvoir à ce scandale foncier.
Dans un développement ultérieur, le 26 juillet, de nouvelles instructions présidentielles ont été transmises directement au Mindcaf, ordonnant l'annulation de l'arrêté du 20 juin 2024 qui avait dépossédé BAT de sa propriété foncière dans le quartier Bastos. Cette volte-face témoigne de l'urgence de la situation et de la volonté du président de corriger rapidement les irrégularités constatées.
L'affaire soulève également des questions sur le rôle de certains acteurs, notamment l'avocat Chi Nouako, déjà impliqué dans le scandale de l'affaire Dikolo à Douala. Sa participation dans cette nouvelle controverse ajoute une couche de complexité à une situation déjà très tendue.
Alors que l'enquête se met en place, l'attention se porte sur les conséquences potentielles pour Henri Eyebe Ayissi et les autres personnes impliquées. La réaction ferme du président Biya laisse présager des sanctions sévères en cas de preuves de malversations.
Cette affaire met en lumière la nécessité urgente de réformer le système foncier camerounais pour garantir une meilleure protection des droits de propriété et prévenir de futures spoliations. Elle souligne également l'importance d'une gouvernance transparente et responsable dans la gestion des terres et du patrimoine national.