Les dirigeants de la FRIVAO, accusés de détournement de fond, ont enfin été mis à disposition de la justice.
Le 31 juillet 2024, le ministre de la Justice, Constant Mutamba, a fait arrêter et déférer devant le parquet de la Cour d'appel de la Tshopo plusieurs gestionnaires du fond destiné aux victimes de la guerre de six jours de Kisangani inauguré l'année dernière.
Cette décision fait suite à un rapport de l'Inspection générale des Finances (IGF) ayant révélé de nombreuses irrégularités dans l'affectation des fonds destinés à l'indemnisation des victimes.
Ces fonds proviennent essentiellement des indemnisations versées par l'Ouganda. Kampala avait été condamné par la Cour internationale de justice (CIJ) à payer 325 millions de dollars à la RDC pour ses exactions commises en 2000.
Les victimes non indemnisées continuent de souffrir
Pour Alphonse Maindo, professeur des sciences politiques à l'Université de Kisangani et défenseur des droits de l'Homme, il est nécessaire que les autorités prennent des mesures concrètes plutôt que de faire de simples annonces.
"Voler l'argent des victimes, c'est les victimiser encore davantage. Les personnes qui détournent l'argent des victimes sont aussi coupables que ceux qui ont commis les massacres, blessé ou mutilé...", a-t-il déclaré.
"Nous sommes habitués à des discours, à des ministres qui condamnent, organisent des procès, mais après, les personnes en question se retrouvent en liberté et l'argent n'est pas remboursé. Les victimes continuent à souffrir."
Plaidoyer pour un tribunal pénal spécial pour la RDC
L'enseignant préconise la création d'un tribunal pénal spécial pour la RDC.
"Nous considérerons que le gouvernement est vraiment déterminé à mettre fin aux massacres s'il y a, au lendemain de ces célébrations, une lettre signée par le gouvernement et envoyée au Conseil de sécurité des Nations Unies demandant la création d'un tribunal pénal spécial pour la RDC afin de poursuivre les auteurs de ces crimes. Certains d'entre eux occupent encore des postes dans le gouvernement, l'armée ou les autres services de l'État", conseille M. Mahindo.
"Si nous ne pouvons pas obtenir la création d'un tribunal spécial, même sous forme de chambres mixtes, je pourrais croire que cette affaire de commémoration n'est qu'une récupération politique."
Lutter contre l'amnésie social et judiciaire
De son côté, Me Evelyne Ombeni insiste sur la nécessité d'une réelle volonté politique pour lutter contre l'impunité et l'oubli.
"Nous devons aujourd'hui mettre fin à l'impunité pour les crimes passés comme pour ceux commis actuellement, en adoptant des programmes concrets soutenus par des mécanismes de justice", avance-t-elle.
"Il est également crucial de mettre fin aux liens entre les groupes armés et les sociétés d'exploitation minière, les réseaux de contrebande, le trafic et les filières opaques d'approvisionnement transfrontalier."
Un survivant de la guerre des six jours à Kisangani, ayant requis l'anonymat, a confié ne pas se sentir concerné par ces commémorations. Selon lui, il s'agit davantage d'une instrumentalisation politique que d'un véritable intérêt pour les victimes.