Afrique du Sud: L'écornage préventif des rhinocéros amorce une baisse de leur braconnage

La chasse illégale du mammifère a chuté de près d'une moitié en mai et juin 2024 par rapport à la même période un an auparavant, dans un parc du Kwazulu-Natal, selon les chiffres communiqués mercredi 1er août par le ministère sud-africain de l'Environnement. Un succès attribué à l'écornage, une méthode qui trouve cependant ses limites.

Couper les cornes des rhinos pour couper l'herbe sous le pied des braconniers. La méthode peut surprendre, mais elle tend à confirmer son efficacité pour la survie de cette population de mammifères menacée dans son vaste sanctuaire d'Afrique australe. Quatre des cinq espèces de rhinocéros (trois en Asie, deux en Afrique) sont vulnérables ou en danger critique d'extinction, selon le WWF.

En Afrique du Sud, 229 rhinocéros ont été tués illégalement sur les six premiers mois de 2024, contre 231 à la même période l'année dernière, a décompté le ministère de l'Environnement. Un chiffre stable, mais la baisse est beaucoup plus drastique sur les mois de mai et juin dernier : 43 mammifères tués, contre 76 l'an dernier.

« À l'origine, la zone de braconnage se situait dans le parc national du Kruger qui a alors décidé d'entreprendre l'écornage de sa population de rhinocéros », explique Jo Shaw, directrice de l'ONG Save the Rhino. Les braconniers se sont donc déplacés dans un autre parc, le Hluhluwe Imfolozi, dans la province du Kwazulu-Natal, qui a à son tour été très touché par les activités mafieuses. En avril, le parc a entrepris sa première opération d'écornage préventif sur plus de 1 000 rhinos. « Il est très clair que cette baisse du braconnage de rhinocéros est directement liée aux mesures d'écornage préventif », confirme Jo Shaw, en écho aux conclusions des autorités sud-africaines.

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La méthode n'est pas nouvelle, elle est utilisée depuis plusieurs années dans plusieurs pays d'Afrique australe (Namibie, Zimbabwe) et de plus en plus souvent en Afrique du Sud, « toujours avec succès », selon la spécialiste. Elle consiste à scier les cornes des rhinocéros pour leur enlever tout intérêt aux yeux des criminels, qui les convoitent pour alimenter un commerce lucratif, et ne s'embarrassent pas de les laisser en vie. « La technique est désormais perfectionnée et comporte peu de risques pour l'animal », anesthésié au préalable. La corne est coupée à un endroit précis, comme un ongle humain. « C'est une mesure extrême que nous préférerions évidemment éviter », admet Jo Shaw.

Une technique éprouvée, une solution de court terme

Par ailleurs, elle a aussi éprouvé ses limites. Les opérations nécessitent un hélicoptère pour approcher l'animal afin de l'immobiliser et sont donc chères. Ensuite, les cornes du rhinocéros repoussent rapidement, il faudrait répéter l'intervention tous les deux ans. Enfin, l'écornage aurait des incidences sur le comportement social de la bête, selon une étude récente parue dans Nature. Elle aurait tendance à se sentir plus vulnérable, à s'isoler encore davantage et donc à diminuer ses interactions sociales et ses chances de reproduction.

« Ce n'est pas une solution de long terme, reconnaît encore Jo Shaw. Mais elle permet aux zones fortement braconnées de respirer un peu et aux rangers d'adapter leur stratégie de conservation. Elle contribue à la survie de l'espèce, qui peut vivre même sans corne, et se reproduire. »

Cependant, la stratégie à elle seule ne suffira pas, prévient la spécialiste. D'abord parce que les criminels déplacent leur zone de chasse. Ensuite parce que c'est toute une filière mafieuse transnationale qu'il faudrait démanteler. « Il faut à la fois protéger les parcs où les rhinos vivent, mais il faut aussi enquêter sur les réseaux de trafiquants, du pays source aux pays de consommation. Pour cela, il faut que les douanes travaillent de concert sur l'ensemble de la chaîne du trafic pour affronter ce problème dans sa globalité. » L'ONG comme le gouvernement sud-africain insiste donc sur la nécessité de renforcer la coopération internationale, en particulier avec les pays du sud-est asiatique, marchés destinataires de ce trafic.

En savoir plus : l'écornage des rhinocéros, la solution contre le braconnage ?

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