Sihem Bensedrine, ancienne présidente de l'Instance Vérité et Dignité en charge de la justice transitionnelle après la révolution, a été arrêtée et écrouée le 1er août 2024 en Tunisie. Elle est accusée d'avoir falsifié le rapport final de l'Instance qu'elle avait publié après la fin de son mandat en 2018.
L'arrestation a peu surpris, mais c'est son timing qui pose question. Alors que la période électorale se déroule dans un climat tendu où de nombreux potentiels candidats sont victimes d'intimidations, le mandat de dépôt à l'encontre de Sihem Bensedrine n'est pas lié à ce contexte pré-électoral.
L'instance dont elle était la présidente jusqu'en 2018 était chargée de documenter les abus des différents gouvernants entre 1955 et 2013 en Tunisie. Un vaste chantier dans le but d'opérer un travail de mémoire, de redevabilité, mais aussi de réconciliation nationale. Son travail était tombé dans l'oubli à la fin du mandat de l'Instance et le processus de justice transitionnelle a été court-circuité par d'autres initiatives dans les gouvernements qui ont suivi.
Déjà interdite de quitter le territoire depuis mars 2023
Aujourd'hui, Sihem Bensedrine est de nouveau sur le devant de la scène avec cette arrestation. Depuis 2021, elle est accusée d'avoir falsifié un paragraphe sur la corruption d'une banque dans le rapport final de l'Instance. Pour les proches du dossier, Sihem Bensedrine ferait l'objet de représailles pour avoir dénoncé ces pratiques. Dans un rapport conjoint datant de mai 2023 de plusieurs rapporteurs spéciaux du Conseil des droits de l'homme, sans préjuger des allégations à l'encontre de Sihem Bensedrine, les rapporteurs avaient exprimé leurs inquiétudes quant à la garantie d'un procès équitable pour l'ancienne présidente de l'instance. Sihem Bensedrine faisait déjà l'objet d'une interdiction de voyager depuis mars 2023 dans le cadre de cette affaire.
À écouter aussi