Madagascar: Aimé Rasombiniaina - Capitaine de la Gendarmerie Nationale retraité, historien et chercheur

« L'origine des Négritos de Taïwan et ceux de la Chine est Madagascar... »

Vingt années de recherche, selon ses dires, ont permis à Aimé Rasombiniaina, gendarme de métier et diplômé de maîtrise en droit, d'avancer des hypothèses plus ou moins précises sur le « peuple » Kimosy et apporter son point de vue sur les recherches génétiques de ces vingt dernières années.

Vous êtes l'un des rares à s'intéresser de près à la préhistoire malgache, ce qui vous a amené sur les pas des « Kimosy », qui sont ces « êtres », des humains ou des animaux ? Dites-nous en plus.

Aimé Rasombiniaina : Selon mes recherches, le peuple Kimosy, au début, occupait le Nord-Est de Fort-Dauphin, c'est-à-dire à partir de la fameuse montagne de Bezavona jusqu'à Manantenina et Ranomafana. Les Antanosy ignorent l'histoire des Vazimba, alors ils ont une bonne raison de dire qu'ils sont les descendants du peuple Kimosy. Étienne de Flacourt, alors gouverneur de Fort-Dauphin, a déclaré que les Kimosy sont de petite taille comme les Pygmées.

Son successeur, le gouverneur Modave (1761) a écrit un mémoire concernant ce peuple qui habitait, selon lui, la région du Nord-Ouest de Fort-Dauphin. La mémoire de Modave portant le titre « Mémoire sur un peuple singulier nommé Quimos » qui a été présenté à l'Académie française en 1769 par son successeur le Gouverneur Commerson - arrivé sur la Grande île en 1768 - est très intéressant car il a révélé, pour la première fois, les caractères observables des Kimosy pouvant être confirmés par la génétique.

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Cela a été possible grâce à son achat d'une femme Kimosy d'une trentaine d'années à un chef de la région de Mandrare (nom du fleuve d'Amboasary-Sud) qui dirigeait une guerre contre leurs ennemies Kimosy - voleurs de bovidés - venant de la région d'Ionaivo, nom de rivière qui se trouve à l'Ouest de Befotaka-Sud.

Modave a mentionné la peau claire du peuple Kimosy qui est absente chez les peuples africains, leur petite taille, leurs bras longs de telle sorte que leurs mains arrivent au-dessous du genou. Alors, on s'accorde à dire que la femme Kimosy présentait un mélange de traits archaïques - australopithèques, et de traits caractéristiques du genre humain.

Tous ces caractères primitifs des Kimosy qui sont quasiment absents chez les humains modernes en Afrique, en Asie et en Europe, m'ont amené à les considérer comme des descendants d'anciens hominidés qui vivaient dans la région du Sud de Madagascar à l'époque préhistorique.

Mais pour vos recherches personnelles, qu'est-ce qu'elles vous ont révélé ?

Quant à moi, j'ai effectué une enquête concernant le peuple Kimosy auprès des populations Bara du district de Befotaka-Sud où j'étais en service à la brigade de la Gendarmerie en 1995-1999 et il en résulte qu'ils sont les descendants de cette espèce humaine qui habitait cette région depuis la nuit des temps. Par hasard, lors de notre tournée dans un village, j'ai trouvé des cupules sur la surface d'une roche dans un endroit isolé couvert d'une forêt.

Ce site se trouve à l'Est de cette région. Les Bara de Befotaka attribuent à ces cupules un nom vernaculaire « fanga ». Ils m'ont raconté que leurs ancêtres Kimosy fabriquaient les « fanga » au lieu nommé « Apifanga ». Alors, on s'accorde à dire que les cupules étaient la création artistique des Kimosy. Certaines cupules de Befotaka ont une forme allongée qui rappellent des traces de pas et sont alors nommées « pédiformes » selon les archéologues tandis que les Malgaches les nomment « dia tongon-dRapeto ». On trouve aussi cette forme de cupule en Cévennes, en France.

Toujours en ce qui concerne les cupules de Befotaka, un individu Bara âgé d'environ quarante ans originaire de Befotaka, m'a indiqué que des cupules ont été également découvertes sur la surface d'une roche d'une grotte qui se trouve à l'Est de Marovitsika où habitaient les Kimosy. Il s'agit de cupules de forme ronde et de forme allongée ou pédiformes. Elles sont aussi retrouvées... à Andranara, Manatantely, Manantenina et Ranomafana, sur une roche d'une montagne nommée Agnilandrano, sur la surface d'une roche dans la montagne appelée Vohimangidy dans la commune rurale de Ranomena... À vrai dire, elles sont présentes dans toutes les régions où habitaient les Kimosy.

Mais elles sont aussi observées dans la région de l'Imerina, selon l'étude menée par le professeur en archéologie Rafolo Andrianaivoarivony et ses collègues, les cupules malgaches sur roches sont retrouvées à Ambohimanga et à Ambohidratrimo, ainsi qu'en pays Betsileo Nord à Manandriana...

Au début, j'ai eu un doute sur la présence des Kimosy dans la région de l'Imerina, mais lorsque les archéologues ont trouvé des cupules dans les endroits précités, je crois aussi en la présence du peuple Kimosy dans cette région du plateau central. De plus, on verra que la génétique confirme également cette hypothèse.

Nous parlons donc de peuplement doté de représentation cognitive ?

D'après, le Père Adolphe Razafintsalama, « Iangahari » qui se prononce « Iagnahari », signifie Dieu unique créateur, est le Dieu Ciel ou Soleil qui est vénéré par les ancêtres des Bara c'est-à-dire les Kimosy, ou Andriamanitra lehibe sy Mpahary tokana. Et à cause de la disparition de ce « ng vélaire » ou « n andagnilagny », « Iangahari » devient « Ianahari ou Zanahari ». Ainsi, le peuple Kimosy était monothéiste. La plupart des cupules de Befotaka sont de forme circulaire comme un cercle qui d'après moi symbolise le soleil considéré comme le créateur de l'Univers.

De plus, le site à cupules de Befotaka est orienté vers l'Est, il s'agit donc d'une orientation astronomique. Ce qui m'amène à conclure que les cupules des Kimosy sont destinées au culte du soleil levant. Le résultat de l'étude archéologique en Savoie, en France, confirme bel et bien cette hypothèse. En outre, aux îles Canaries au Nord-Ouest du Sahara, les cupules sont destinées au culte du soleil. Le culte du soleil a été également fort répandu chez les Berbères de l'Afrique du Nord. Elle a été constatée archéologiquement, dans les zones montagneuses de l'atlas marocain.

Dans l'Égypte ancienne, le Père divin est également le Dieu soleil créateur et cette hypothèse est confirmée par un hiéroglyphe en forme d'une cupule ronde qui se rencontre dans les sites des pyramides et obélisques de ce pays. Les cupules des Kimosy avaient une fonction religieuse et d'après moi, il s'agit d'un système de communication du peuple Kimosy envers leur Dieu unique créateur, Zanahary.

Vous ne pouvez tout de même pas prétendre, bien que vous ayez déjà communiqué à ce sujet à l'Académie Malgache en 2022, que vos recherches personnelles ont une validité scientifique ? Vous dites que vous avez suivi des études en droit et vous parlez de préhistoire.

Vous avez raison, je n'ai pas fait d' études concernant la génétique et je ne suis qu'un petit chercheur malgache dans le domaine de l'histoire et de la préhistoire de notre pays. D'après mes vingt années de « recherche », la génétique peut nous aider à remonter à la rencontre de nos proches et lointains ancêtres comme les Kimosy. Grâce aux études génétiques durant ces vingt dernières années, on a trouvé des gènes des lignées maternelles et paternelles qui sont considérés comme des marqueurs génétiques des Kimosy.

L'étude génétique de Sergio Tofanelli et son équipe en 2009 concernant les populations du Sud et des Hautes-terres de Madagascar, a révélé que les Antanosy, les Antesaka et le groupe des Hautes-terres partagent le même gène de lignée maternelle le plus ancien R9 qui est âgé de 81 000 ans selon la généticienne Alicia Sanchez. L'étude génétique d'Harilanto Razafindrazaka et son équipe en 2010, l'a également confirmé. De ce fait, le gène R9 est considéré comme une population ancestrale des Antanosy et du groupe (à considérer sur le plan génétique) des Hautes-terres, andriana Merina, Betsileo - à l'époque préhistorique.

En outre, la découverte du R9 chez les andriana Merina est une preuve génétique irréfragable de la présence effective des Kimosy dans la région de l'Imerina à l'époque préhistorique. Donc, les andriana Merina sont également les descendants du peuple Kimosy. En ce qui concerne le gène de la lignée paternelle, l'étude de Razafindrazaka et ses collègues démontre également qu'un andriana Merina, un Vezo et un Antanosy partagent le même gène le plus ancien C-RPS4Y.

Ce lignage paternel se trouve chez les populations anciennes de tous les continents sauf l'Afrique. J'ai constaté que les hommes blancs, c'est-à-dire les individus non africains du monde appartiennent aux gènes R9 et C. On ignore l'âge du gène C jusqu'à maintenant, mais certains généticiens ont déclaré qu'il est un lignage paternel très ancien.

Dans l'étude de Razafindrazaka et ses collègues, on a constaté que le gène mitochondrial F3b, descendant de R9, a été également rencontré chez les Mikea du Sud-Ouest de l'île, et ceci nous amène à penser que les Kimosy et les Mikea partagent la même origine et la même population ancestrale.

En français facile, R9 et C*-RPS4Y sont en quelque sorte des ancêtres communs issus de toutes ces mutations que vous avez citées, qui par affinage ont aussi des grands ancêtres. Vous émettez que ces haplogroupes ont commencé à « bouger » depuis Madagascar ?

À vrai dire, ce sont les recherches des archéologues taïwanais selon laquelle ils ont trouvé des restes humains qui ressemblent assez aux Malgaches qui m'ont amené à faire des recherches concernant le peuple Kimosy.

Ces Taïwanais ont déclaré que leurs ancêtres Négritos seraient originaires de Madagascar d'où ils seraient venus via les îles de l'Asie du Sud-Est. Selon eux, les Négritos sont génétiquement éloignés des Africains, leur origine exacte et leur itinéraire migratoire vers l'Asie restent un mystère. Qui étaient alors les Négritos de Taïwan ou aborigènes de l'Asie ? Ces derniers sont aussi présents dans le Sud de la Chine et au Japon.

Selon le généticien Behar, les descendants du fameux gène R9 sont les gènes F, R11'B6, R9b, R9c. A propos du gène R9c, il est trouvé à Taïwan, en Asie du Sud-Est et chez les Batak qui sont les Négritos de l'île Palawan aux Philippines...

D'après moi, l'origine des Négritos de Taïwan et ceux de la Chine est Madagascar, confirmée par les études génétiques. Toujours à propos du gène B4a, une autre « descendant » de R9, ses descendants sont aussi trouvés chez les Papous de la Nouvelle-Guinée qui appartiennent également au gène R9b. Après les Papous, les Aborigènes d'Australie et les Amérindiens appartiennent aussi à la lignée maternelle B4a. Les Kimosy appartenant aux gènes R9.

Votre thèse est donc, ce sont les « Malgaches » qui sont allés en Asie traverser les mers mais non le contraire, puisque de R9 descendent les F3b, B4a et les autres ?

Selon Tofanelli, le parent des Indonésiens et Austronésiens appartient au R9 et à ses descendants F3b et B4a. Entre autres, B4a sont les ancêtres des Papous de la Nouvelle-Guinée, des Aborigènes d'Australie, des Amérindiens de l'Amérique du Nord et des Aborigènes sibériens de la Russie.

Auparavant, j'ai pensé que le gène R9 était absent en Afrique. Or ceci est absolument faux puisque son descendant R9b est bel et bien présent notamment en Afrique du Sud selon l'étude génétique récente de Van Oven et de Kayser en 2016 ou en 2017 si je ne me trompe pas.

Et d'après ces généticiens néerlandais, R9b est trouvé également en Norvège. En outre, les autres descendants du R9 nommés U et K sont aussi trouvés en Afrique, au Moyen-Orient, en Arabie et en Europe. Par exemple, le gène U1 est surtout présent au Moyen-Orient et ce qui confirme encore la migration des Kimosy dans cette région de l'Asie de l'Ouest, le gène U5 en Europe et le gène U6 en Afrique du Nord qui est observé aussi en Syrie, Aram.

À propos du gène K, il est aussi présent en Afrique de l'Est, en Éthiopie chez les Afars, et en Afrique du Nord chez les Berbères et concernant les Ethiopiens, certains d'entre eux se réclament être originaires de Madagascar.

Les andriana Merina sont « considérés » comme des individus non-africains de Madagascar. En conséquence, la présence des gènes E1b1a, B2* et E2b chez les Antandroy, les Antanosy et les andriana Merina qui sont les descendants des Kimosy, signifie que les ancêtres des Africains sont également le peuple Kimosy.

Quels sont alors les gènes des lignées féminines qui confirment cette hypothèse ?

Comme je le disais, le gène Rb, descendant du R9, est également trouvé en Afrique du Sud. À mon avis, ce sont les Bochimans de l'Afrique du Sud qui appartiennent à R9b.

Vos recherches méritent d'être lus ou entendus certes, tout comme elles mériteraient d'être débattues. À vous entendre, vos hypothèses sont encore nombreuses, comme le gène ancestral CT sur lequel peuvent aussi s'identifier aussi les Malgaches... Beaucoup reste à dire et à faire, la grande question est donc : que faire après avoir avancé toutes ces preuves ?

J'attends le feed back de mes publications, surtout les réactions de la communauté scientifique mondiale. J'ai également l'intention d'organiser une grande conférence concernant le peuple Kimosy à Fort-Dauphin qui est le pays originel de ce peuple singulier, selon le Gouverneur Modave.

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