Dans notre dernière expédition, l'académicienne Ramisandrazana Rakotoariseheno rappelle les travaux de certains archéologues du XXe siècle, qui évoquent les activités commerciales maritimes des peuples littoraux malgaches, dans sa Communi-cation prononcée dans le cadre de la 75e commémoration du 29 Mars 1947, intitulée De la thalassocratie Waq-Waq à la thalassocratie Antalaotra dans le Canal de Mozambique (Nation et Souveraineté, Colloque Scientifique International du 30 juin au 1er juillet 2022, Mémoires de l'Académie malgache, Fascicule, LVIII, décembre 2023).
Continuant à citer les travaux de précédents chercheurs, elle indique que l'ethnologue Paul Ottino a, lui aussi, suivi les malgachisants comme Grandidier, Ferrand, Dahl et bien d'autres qui font référence aux multiples apports culturels et sociaux des différents rivages de l'océan Indien. C'est ainsi qu'il retrace les voyages transocéaniques des austronésiens malgré certaines critiques (Madagascar, les Comores et le Sud-Ouest de l'océan Indien publication du Centre d'Anthro-pologie culturelle et sociale, Université de Madagascar, 1974).
Si les hypothèses des origines font toujours rage même à l'heure actuelle avec les nouvelles méthodes de la génétique, poursuit l'académicienne, une certitude demeure : les courants marins. L'océanographie est une autre science permettant d'éclairer l'histoire des origines. «Les courants marins étaient des données océano-graphiques fixes, à l'échelle géologique, utilisées de tout temps comme routes maritimes. »
Les thèses de Ranaivo G. Ratsivalaka, en 1999, décrivent également les mouvements réguliers des vents et des hommes dans l'océan Indien. «Les vents sont réguliers dans l'océan Indien, mais l'existence de courants marins qui s'inversent régulièrement au moment du changement de saison, permet une navigation facile d'un pays à l'autre et de revenir à son port de départ à des dates précises. L'océan, contrairement aux autres, est libre de glaces, de brouillard et de brumes.
Et tous les pays riverains n'étaient jamais isolés. Le régime des vents ont permis un cabotage très intense entre la côte d'Afrique, les îles et le continent indien. Presque tous les pays de la région étaient à la fois importateurs et exportateurs d'esclaves» (Les Malgaches et l'abolition de la traite européenne des esclaves, (1810-1817), Histoire de la formation du Royaume de Madagascar).
Par ailleurs, met en évidence Ramisandrazana Rakotoariseheno, bien avant les écrits des Européens, des manuscrits arabes exhumés par J.et M. Urbain Faublée, font état de ces grandes expé-ditions. « Un manuscrit arabe du Xe siècle, mentionne qu'en 334, soit l'an 945-46, les gens de Waq-Waq arrivèrent dans un millier d'embarcations et livrèrent combat aux habitants de Qambaloh, assimilé à Pemba ou plutôt Zanzibar. Au Xe siècle de notre ère, le mot Waq-Waq désignait, pour les navigateurs arabes, Madagascar et ses satellites.
Les Malgaches connaissaient le littoral africain et l'attaquaient en de grandes expéditions. À partir de la fin du XVIIe siècle, ces expéditions sont devenues de pratique courante.
Le point de débarquement choisi est soit Mutsamudu dans l'ile d'Anjouan, soit Iconi qui était la ville la plus considérable de la Grande Comore. En raison du nombre et de l'audace des envahisseurs, les Comores étaient toujours vaincues» (Madagascar vu par les auteurs arabes avant le XIe siècle , 1963)
Ce même récit se retrouve dans les Merveilles de l'Inde, cités par F. Ramiandrasoa dans son étude sur Les Wak-Wak, entité géographique ou ethnolinguistique (revue Tantara n°1). Et de préciser : «C'était parce qu'on trouvait chez eux des produits qui convenaient à leur pays et à la Chine : ivoire, écaille, peaux, ambre gris, et parce qu'ils recherchaient les Zendj à cause de la facilité avec laquelle ils supportaient l'esclavage et à cause de leur force physique.»
Quant à Ottino, il rappelle les sources chinoises de Tchou Fan Tché, traduits par Viré : « Les habitants sont noirs, se nommant al Buqiyyin en arabe pour Bouques (les Malgaches). Ils sont vêtus de pagnes et de cotonnades. Ce sont des gens méchants et belliqueux, toujours armés partout où ils vont, souvent ils se lancent avec leurs embarcations à l'attaque des navires, en pillent les cargaisons et les vivres et empêchent leurs occupants de débarquer chez eux. Les gens du pays sont habiles à combattre sur terre et sur l'eau. Lorsqu'ils sont sur le point de faire le corps de troupe, que réclament les circonstances, ils nomment les chefs et commandants, chacun fournit son propre équipement militaire et les approvisionnements nécessaires. Pour affronter l'ennemi et braver la mort, ils n'ont pas leurs égaux chez les autres peuples.»
Ottino explique que Tchou Fan Tché relève à Sumatra l'usage de la monnaie coupée en morceaux, et qui se retrouvent au centre de Madagascar, mais aussi l'obligation pour le peuple de se raser les cheveux à la mort du souverain.