Guinée: « La fausse piste » de Doumbouya

5 Août 2024
analyse

La Guinée qui jusque-là faisait partie du camp des « mauvais élèves » de la CEDEAO, raison pour laquelle elle  demeure sous le coup d’une suspension de toutes les instances de l’organisation sous régionale, reste encore attachée à son statut de membre.

D’aucuns insistaient sur sa proximité avec les pays de l’AES, qui ont aujourd’hui choisi de cheminer à part, pour envisager l’hypothèse d’une adhésion éventuelle à cette nouvelle confédération.

Au fond, même si tous faisaient l’objet de « mesures disciplinaires » de la part de la CEDEAO, suite au coups d’Etat perpétrés dans leurs pays respectifs, il reste que la Guinée au regard de l’échelle des sanctions appliquées, était moins affectée, au point qu’elle a offert sa disponibilité pour ouvrir son port au corridor des pays de l’AES.

Cependant la Guinée, quoiqu’on puisse dire, était dans une situation particulière où un président sortant, Alpha Condé, voulait faire un « forcing » pour rester au pouvoir et effectuer un 3ème mandat, tel n’était pas le cas du Mali, du Niger ou du Burkina Faso, où le président en exercice a été renversé.

Il s’y ajoute que la Guinée, contrairement aux autres pays qui étaient sur le départ de la CEDEAO, avait dès janvier 2024 annoncée la date de fin 2024 pour parachever la transition avec un référendum pour adopter une nouvelle Constitution. Les autres ne s’étaient alignés sur aucun agenda clair aux yeux de la Cedeao, ni aucune échéance fiable à ce jour.

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Quoique ces pays avaient aussi un alibi de taille, à savoir la guerre qui sévissait à l’intérieur de leurs frontières, voire leurs frontières communes, sans que les pouvoirs en place ne soient en mesure d’y mettre un terme, même avec le soutien de la France aujourd’hui décrié.

De ce point de vue, les deux cas de figure étaient totalement différents, et l’analyse qu’en a fait le pouvoir guinéen semble, avec le recul, tout à fait en phase avec les intérêts du pays. En effet, la décision du Colonel Mamady Doumbouya de rester au sein de la CEDEAO et d’y afficher une position de non alignement, est on ne peut plus réaliste et pertinente à plusieurs égards, même si beaucoup prédisaient une adhésion probable à l’Alliance des 3 pays du sahel, sous le prétexte que la suspension des instances qui l’a frappée et qui n’a pas été levée lors du dernier sommet ordinaire de la CEDEAO tenu le 07 Juillet 2024 à Abuja seraient un motif « valable ».

C’est sans oublier que les sanctions économiques et financières, notamment le gel des avoirs financiers des dirigeants, leur interdiction de voyager d’une part, et d’autre part, la suspension de toute assistance et transactions financières en faveur de la Guinée, par les institutions financières de la Cedeao, ont été levées depuis février 2024 lors du sommet extraordinaire.

Aujourd’hui, le processus de validation de la toute nouvelle Constitution Guinéenne est en marche.    Son avant-projet a été dévoilé ce 29 Juillet, avec la particularité d’insister sur ce qu’on peut appeler les « sujets qui fâchent » à savoir : le mandat du président qui sera de cinq ans renouvelable une fois. La nouvelle constitution préconise une réduction des pouvoirs du Président de la République avec la mise en place d’un parlement bicaméral composé d‘une Assemblée nationale et d’un Sénat.  La nouveauté est que les nominations aux hautes fonctions civiles et militaires doivent être désormais approuvées par le Parlement.

Il est plus que probable, que les consultations ouvertes pour rendre cette nouvelle constitution la plus inclusive possible, ne  retiennent ce dernier point, sur le pouvoir de nomination, qui peut être conflictogène à l’avenir.

Quoiqu’il en soit le Colonel Mamady Doumbouya semble s’inscrire dans une logique de renforcement de l’intégration de la Guinée à la CEDEAO, faisant ainsi valoir un sens géopolitique assez aigu, si l’on sait que le régime risque en cas de rupture avec la CEDEAO de se retrouver complètement enclavé par rapport au reste du continent  du fait des restrictions que ne manqueront pas de lui appliquer ses voisins directs, notamment le Sénégal, la Côte d’Ivoire, la Guinée Bissau , le Liberia et la Sierra Leone...

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