Ile Maurice: Sam Lauthan - «Après la désintoxication, le plus dur est d'empêcher la rechute»

Depuis des années, les autorités annoncent qu'elles ont pour mission de «kas lerin mafia ladrog». Mais rien ne change. Le pays maintient ses tristes records concernant l'utilisation d'héroïne et de drogues synthétiques dans la région. Un sondage d'Afrobarometer indique que la drogue est l'une des préoccupations majeures des Mauriciens. Que faut-il réellement faire pour en venir à bout ? Sam Lauthan, travailleur social et assesseur de la Commission d'enquête sur la drogue, livre ses analyses.

D'emblée, il avance que le problème est complexe car il comporte plusieurs niveaux et de ce fait, il n'y a pas de solution générale. «On peut définir la toxicomanie comme une variété de personnes ayant une variété de problèmes, vivant dans une variété de conditions sociales, consommant une variété de produits psychoactifs, avec une variété de motifs pour atteindre une variété de sensations, avec une variété de conséquences négatives», dit-il pour étayer ses dires. Comme tous les acteurs du secteur, il estime que tout passe d'abord par le contrôle des points d'entrée de la drogue, soit la douane, le port, l'aéroport et les côtes. «Les preuves sont solides. Il y a eu des bateaux retrouvés à La Réunion ou à Madagascar. N'oublions pas les mouvements suspects autour du Wakashio...», rappelle l'ancien ministre de la Sécurité sociale.

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Révision constante des lois

Mais ce n'est pas suffisant. Il faut, selon lui, constamment réviser les lois. «La mafia a employé des avocats pour étudier les législations à travers le monde avec le but d'identifier les failles. Maurice en fait partie», affirme Sam Lauthan. L'exemple qu'il cite est le manque de vérifications des bonbonnes de gaz. Une méthode qui a bien marché. «Lorsque le directeur de la National Coast Guard était venu déposer devant la commission, je lui avais affirmé que le cas de Navind Kistnah n'était pas la première cargaison qui entrait au pays de cette manière. Et quelques semaines plus tard, alors que la commission siégeait toujours, 39 bonbonnes de gaz découpées avaient été retrouvées à Montagne-Jacquot, ce qui prouvait que j'avais raison.» Sam Lauthan parle aussi de la tractopelle venue avec les rames de Mauricio. «Les avocats dont je vous ai parlé ont justement pour rôle d'identifier ce type de failles», dit-il.

Après les lois, il faut aussi la prévention. Cependant, contrairement au sondage, Sam Lauthan estime que ce rôle incombe avant tout aux parents, puis aux enseignants. «D'ailleurs, à l'école, il faut introduire des cours de life skills pour expliquer aux enfants comment résister à la pression des pairs et au bullying, deux grandes causes qui mènent vers la drogue.» Ce sujet, rajoute-t-il, doit être examinable. Même si tout était fait correctement, Sam Lauthan avance qu'il y aura quand même de la drogue qui arrivera sur le territoire. Raison pour laquelle le traitement proposé doit être efficace. «Il y a d'abord la désintoxication, mais le plus dur est d'empêcher la rechute. Il est donc primordial d'avoir un accompagnement psychologique. Et comme le problème est complexe, il faut que le traitement soit individualisé. Et il faut aussi que la famille y participe. Au-delà des thérapies de famille, il faut aussi des thérapies de groupe pour bâtir les positive peers, qui sont un maillon important.»

Selon le travailleur social, si le ministère de la Santé n'arrive pas à le faire seul, la solution serait de s'organiser avec les organisations non gouvernementales qui sont sur le terrain. «Et cela serait bien plus facile pour la thérapie de famille», fait-il ressortir.

Formation

La formation des policiers est aussi une étape importante. «Il y a souvent eu d'autres membres des forces disciplinaires qui ont été arrêtés pour des affaires de drogue. Mais la population est plus en colère contre la police car elle est le symbole du maintien de l'ordre», affirme Sam Lauthan. C'est pour cela qu'il préconise une formation pour tacler un problème qui se modernise. «Aujourd'hui, la drogue se présente sous plusieurs formes. Pendant les travaux de la commission, un membre de la police avait été arrêté avec une bouteille de sels de bain dans un emballage crédible, mais c'était de la drogue. Donc, il est possible que ces produits soient vendus librement, mais que l'usage peut être détourné.» Ou encore, des résultats d'analyse du Forensic Science Laboratory demandés sur une saisie par la commission qui avait démontré que la drogue contenait des produits nocifs pour la santé, mais qui sont parfaitement légaux et qui se trouvent dans les commerces. La drogue arrive aussi sous forme de bâtons d'encens et de produits nettoyants entre autres. Il y a aussi les méthodes utilisées par les trafiquants. «Par exemple, la drogue qui est laissée à bord des avions et qui est récupérée par le personnel qui nettoie par la suite.»

Appel pour la démocratisation de la naloxone

La naloxone est un médicament utilisé contre les overdoses. «Il est efficace dans les cas d'utilisation d'opiacés comme l'héroïne, mais pas pour les drogues synthétiques», explique Kunal Naik, addictologue. Ce médicament n'est disponible que dans les hôpitaux et, selon la majorité des travailleurs sociaux, ce système ne marche pas. «Déjà, lorsqu'une personne fait une overdose, ses amis ne vont pas la conduire à l'hôpital par peur. De plus, dans ces cas, c'est une course contre la montre. C'est pour cela que la naloxone doit être disponible dans les dispensaires et pas seulement dans les hôpitaux», explique-t-on. Kunal Naik va plus loin. Pour lui, il faut que cela soit aussi disponible aux organisations non gouvernementales et aux «peer networks», c'est-à-dire les personnes qui travaillent déjà avec les utilisateurs de drogues afin qu'il soit administré le plus vite possible. Cependant, il réitère le fait qu'elle n'est pas efficace pour les drogues synthétiques.

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