Nigeria: Vaste mouvement de protestation - Bola Tinubu est mal barré

analyse

Au Nigeria, la grogne sociale qui secoue le pays depuis plusieurs semaines et qui se traduit par des manifestations de rue contre la vie chère et la mauvaise gouvernance depuis le 1er août dernier, ne faiblit pas.

Et après une courte pause dominicale, les croquants ont remis le couvert en début de semaine, en dépit du discours du président Bola Tinubu qui a appelé, le 4 août dernier, les manifestants au dialogue. Une attitude qui en dit long sur la frustration des Nigérians par rapport à cette prise de parole de leur président en cette période charnière de la vie de la Nation où les populations crient famine et sont décidées à chanter sur tous les toits leurs difficultés existentielles.

C'est dire si le discours du locataire d'Aso Rock Presidential Villa est loin d'avoir été convaincant pour ses compatriotes qui attendent des réponses concrètes à leurs préoccupations. On est d'autant plus porté à le croire que les réactions de leaders d'opinions et autres hautes personnalités du landerneau politique nigérian, au discours du chef de l'Etat, tendent à montrer que, dans son adresse à ses compatriotes, le successeur de Muhammadu Buhari est passé à côté de la plaque.

Bola Tinubu paraît, de plus en plus, un président isolé

Ainsi en va-t-il de l'ancien vice-président, Atiku Abubakar, qui accuse le président Bola Tinubu de « négliger les difficultés économiques pressantes qui ont assailli les familles nigérianes depuis le début de son mandat » quand le porte-parole du principal parti d'opposition, le PDP (Parti démocratique du peuple), accuse le chef de l'Etat de faire dans le dilatoire sans proposition concrète de sortie de crise.

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Cela est peut-être de bonne guerre pour une opposition qui aspire à accéder au pouvoir. Mais quand le leader du mouvement Bring back our girls, par exemple, affirme que « le discours de Tinubu était une occasion monumentale manquée d'apaiser les citoyens avec des réponses solides »; ou que l'éminent Prix Nobel de la littérature, Wole Soyinka, connu pour être un des soutiens du chef de l'Etat, se met à critiquer ouvertement l'utilisation de la force à travers des « tirs à balles réelles sur des manifestants pacifiques qui déplorent la faim », il faut croire que le natif de Lagos est véritablement engagé sur une pente glissante avec ce mouvement social dont nul ne saurait, pour l'instant, prédire ni l'ampleur ni l'issue.

Et qui est source d'inquiétudes pour de nombreuses chancelleries occidentales qui ont appelé leurs ressortissants à la prudence. Autant dire que le président Bola Tinubu est mal barré. Car, en l'absence de mesures fortes liées à des propositions concrètes, on ne voit pas comment il pourrait calmer la tempête née du mécontentement de ses compatriotes, au moment où il paraît, de plus en plus, un président isolé qu'aucune voix ne s'élève pour soutenir.

Comment peut-il en être autrement quand on sait que la suppression des subventions sur les carburants qui n'a pas été suivie de mesures d'accompagnement, a contribué à réduire le pouvoir d'achat des Nigérians qui peinent aujourd'hui à joindre les deux bouts ?

Le pouvoir du président Tinubu est plus que jamais face à son destin

Et comme pour ne rien arranger, la chute du cours de la monnaie locale, le Naïra, est venue complexifier une situation déjà difficile qui a fini de mettre au supplice le porte-monnaie de nombreux Nigérians qui restent accrochés à la queue du diable, sans espoirs de lendemains meilleurs. Et bien malin qui saurait dire jusqu'où ira ce mouvement de protestation qui cristallise la colère noire des Nigérians.

De là à se demander si le président Tinubu n'est pas en sursis, il y a un pas que d'aucuns pourraient franchir. D'autant que la conjugaison des facteurs ci-dessus cités ajoutés au phénomène de la corruption que dénoncent les manifestants, rend la situation particulièrement explosive dans un contexte où le gouvernement a décidé de jouer la carte de la fermeté.

C'est dire si le pouvoir du président Tinubu est plus que jamais face à son destin, un an après son arrivée aux affaires. Et au regard de l'ampleur de la grogne et des fortes attentes de ses compatriotes, tout porte à croire que la solution, pour celui que l'on surnomme « le Parrain » en raison de sa forte influence politique au Nigeria, est moins dans le discours que dans des propositions concrètes visant à alléger les souffrances de ses compatriotes.

En tout état de cause, maintenant que le bras de fer est engagé, l'on attend de voir si la rue le contraindra à revoir sa copie, ou s'il parviendra à sortir une solution magique de sa chéchia à l'effet de calmer les ardeurs des croquants. A moins qu'il ne privilégie l'épreuve de la force en continuant à bander les muscles dans un contexte où les manifestations ont déjà laissé une dizaine de macchabées sur le carreau.

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